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graphiques empreintes de poésie

ARCHIVES : CRÉAPHONIE

 

 

 

Janvier-Février 2021

 

 

Fétus de rêves et de vie

 

 

Réalisations de Sophie Touret - Poèmes de Dominique Zinenberg

 

(*)

 

(*) L’exposition dont je tire cette créaphonie a eu lieu à la mairie de la Celle-Saint-Cloud en octobre 2020 (« 1, 2, 3 Touret ! ») Elle ne concernait pas que Sophie Touret. Elle était consacrée à trois personnes de la famille Touret : à Marc Touret, sculpteur auquel j’ai consacré une créaphonie en novembre 2017 (« Abîmes et cimes de papier »), à Nicole Touret, peintre abstraite dont on peut voir cinq toiles dans le dernier numéro de la revue Voix.

©Dominique ZInenberg

 

Rêve amoureux au fil de l’eau

 

La création s'est installée très tôt, comme un moyen d'expression au même titre que la parole. J'ai choisi d'en faire mon métier car elle est vraiment indispensable à ma vie de tous les jours.

 

J'ai commencé par faire des personnages en plâtre armé à partir du lycée, puis en papier mâché.

 

J'ai fait plusieurs grandes pièces dans des expositions diverses, qui m'ont amenée à créer avec de multiples matériaux : plâtre, fer, plastique, tissus, assemblage... Le tissu est venu progressivement se mêler à mes sculptures, sous forme de vêtements, et de laine pour les cheveux. Ma participation à la Triennale des mini-textiles d’Angers, en 2017 m'a définitivement installée dans le textile.

 

Il me semble que l'art est d'abord un dialogue : d'un côté l’artiste a besoin de se décharger d'une émotion forte, d'exprimer un concept important en lui donnant corps à travers une œuvre, quelle que soit la forme qu'elle puisse prendre : littéraire, plastique, musicale, etc. ; et de l'autre, le spectateur, sensible, se reconnaît où se découvre dans ce qu'il reçoit...

 

Je cherche avant tout la légèreté, même dans ce qui est difficile à dire où à vivre.

Ce que je crée a toujours l'air léger, doux, coloré, onirique. Mais derrière une maison isolée sur son île, il y a la solitude, dans le noir d'une autre, la colère, la blessure, et la mort. Mon univers est discrètement ambivalent. C'est la Vie : un mélange d'univers opposés sans délimitation distincte entre deux extrêmes, avec une pointe de fabuleux que je rajoute avec des fils qui bougent, du doré, des couleurs qui explosent et des fils qui brillent.

 

La nature dans sa globalité ou dans sa dimension microscopique m'inspire. J'aime l'humilité de l'éphémère et le merveilleux dans le presque rien. Mais aussi les impressionnistes pour leur vision du bonheur dans la simplicité du quotidien, leur façon de perdre le spectateur dans la couleur mystérieuse...

 

La poésie de Chagall, Barry Flanangan pour la rigolade à dimension zoomorphique, les « drôleries » dans les enluminures du Moyen-Âge, Marie-Rose Lortet pour son art de dompter le vide au travers de ses structures de fil, Christian Lacroix pour le flamboyant, Robert Doisneau pour la vie de tous les jours et l'enfance, Woody Allen pour la maîtrise de l'angoisse, Paasilina pour la folie de ses personnages qui s'autorisent tout, Gaston Lagaffe pour sa désinvolture, mon potager qui me relie à la terre, aux odeurs et à l'essentiel, Colette pour son rapport à la nature et aux bêtes, les oiseaux, les arbres, les scientifiques qui expliquent pourquoi avec poésie,  la philosophie, Gilles Clément pour son bon sens, la sage résignation de Souchon face à la bêtise humaine...

 

©Sophie Touret

 

 

Chaise paysage

 

Ceci n’est pas une chaise !

C’est un jardin, une colline

De la mousse sous un chêne

La petite maison avec son toit framboise

Respire une herbe fraîche

Et l’œil du tronc noueux

Invite à la curiosité bucolique,

A la contemplation hallucinée

Au jeu immodéré

Aux jongleries, aux pitreries,

Aux fous rires

Là tout de suite

A en tomber de sa chaise.

 

 

Sous les flots

 

 

Mieux vaut s’envoler !

Les arbres voyagent sur des nuages arcs-en-ciel

Ils dansent au gré du vent,

Si mobiles,

Si légers,

Ils sont frères plus chanceux qu’Icare

Ils ne s’approchent pas du soleil,

Ils ne se brûlent pas les ailes,

Ils ne tourbillonnent pas

Ne défaillent pas,

Ils jouent au-dessus des berceaux

Ils sont des rêves

Qui vont et viennent

Bulles et babillages

Au fil suspendu !

 

La maison abandonnée

 

Jonas a trouvé son paradis.

La maison l’a accueilli,

Son lopin de terre l’a accueilli

Et il aime à rêver à l’ombre de l’arbre sinueux

Qui ressemble au voyage accompli.

Les feuilles de l’arbre sont si belles,

D’un vert si parfait,

L’ombre le désaltère.

Comme il est fier, Jonas, du toit vichy

Nouvelle génération

Avec bouton de sûreté

Garantie à vie !

 

Une famille d’hirondelles

Y construira son nid,

C’est écrit dans le contrat.

Ses murs bien isolés, l’isolent.

Ainsi il peut méditer, bougonner,

Converser à sa guise

Loin de l’air marin,

Loin de la baleine,

Loin de Ninive

Si près pourtant du très-haut

Qui ne tardera pas

A le mettre une fois encore

A l’épreuve,

Ça aussi c’est écrit !

 

L’ogresse

 

Est-elle prête pour le bal

La jupe bleue

Couleur de temps ?

 

Elle refait le voyage

des vagues

elle et ses plis

comme un ressac

elle et son vœu de sirène

accrochant des coquillages,

des visages

à sa ceinture

On en oublierait son corsage

proue de navire

bravant les tempêtes

les nuits bleues

les fils de fer

ceignant les peines,

les outrages,

les démences.

 

Comme elle est sage

dans son carcan

indigo,

dans sa corolle

éventail,

dans son plissé

d’amertume

et d’attentes.

 

Connecté et Candide

 

La mystique adolescente de l’élévation

Nez au vent

Cheveux au vent

Voguer, voguer

Vers l’impossible

En vert, en or

Envers et contre tout

Passer le mur du son

S’unir à la vague,

A son creux,

A son vertige

 

Accomplir la voltige

Née danseuse

Et fille des songes.

 

Dans ce monde parallèle

Faire appel

Aux rhapsodies métis

De la vie 

 

La douche

 

Le thé n’en était que meilleur

Dans sa tasse de lin framboise

Un thé boisé.

 

 

Un nid sublime

en bois de rose

Qui sied si bien

A mon plumage

 

Je chante dès

L’aurore aux doigts de rose

Mon installation

Définitive.

             

La chaise de tante Hortense

 

La marquise n’a pas seulement offert un thé divin

Elle nous a fait asseoir sur des chaises d’or et d’émeraude

Et la conversation allait bon train dans son salon XVIIIème

 

La mue

 

Il serait vain de me poursuivre

Dieu luxurieux !

Je n’ai déjà plus de souffle

ma légère apparence

bientôt

va se confondre

avec le feuillage odorant

je serai la souplesse

et le vert enchanteur

Mon père m’a exaucée

si vif est mon désir

de vivre

dans la clarté

sauvage

dans la lumière

des sources

et des racines

 

Fuir est ma

 

Liberté.

 

Textes : ©Dominique Zinenberg

 

(*)

Sophie Touret se définit comme artiste textile, mais elle s’exprime en plusieurs techniques et matériaux. Faire plus ample connaissance en explorant son site ainsi que son blog, pour découvrir ses réalisations, ses expositions, son actualité.

 

 

 

 

 

Créaphonie : Dominique Zinenberg – Sophie Touret

Francopolis, janvier-février 2021

 

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Créé le 1 mars 2002