Mai-juin 2022
Francis Gonnet : Traversée
des visages…
Poèmes et aquarelles inédits
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La nuit éponge la sueur du jour
Le feu des rires rassemble les
esseulés
D’un revers de vent
le pigment des joies
colore la craie froide des sables
Tu glisses des morceaux
de terre, dans la poche des nuits,
quelques grains
de soleil, au visage de l’ombre.
Je garde sur
les lèvres, l’odeur brûlée des mots,
l’épice pourpre
du rivage…

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Aux eaux des silences
les mots renaissent
et nos visages…
Les terres nues appellent
le vert d’un jeté de graine
J’ouvre la
gousse de l’aube,
pour respirer
le parfum des premiers regards,
frôler le corps
humide de l’herbe.
D’un seul
souffle de vie,
tu délivres le
cri naissant de l’air.

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L’enfance au visage de sable
colle aux lèvres des vagues
Dans un murmure d’écume
la mémoire rejoue
la portée de nos joies
Je m’enracine,
là où je m’évade,
au jardin
tressé de rotin, où les parfums s’enlacent,
à l’ombre des
canisses, qui berce l’insouciance.
Ton souffle
redit le frisson du saule,
qui cache ses
lumières, dans le fouillis des feuilles…

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En équilibre
entre l’horizon et le vide
l’oiseau donne au visage
une aile d’espérance
Je marche vers l’ajour de
l’aurore,
où les ombreux silences,
s’emplissent de jour.
Toi, tu suis la lumière jusqu’à
la délivrance…

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Le vent demeure encore au sel de
ton souffle
Le granite vibre au bâti du
regard
Dans la tempête
l’épaule du rivage
s’appuie au bois du chemin
Sous le tissu
du silence,
tu revêts le
blanc des sables.
Je reste
immobile,
main contre
toi, joue contre froid.

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Le crépi du jour s’écaille
On entend l’absence
et la fêlure des pierres
Au loin les chiens aboient
La peur résonne contre les murs…
L’indifférence
nie la violence des hivers. Immobile, je regarde
s’effriter le
soleil.
Dans ta course,
tu bois l’ombre des pavés, jusqu’au glissé des nuits.

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Il fait un froid de drap mouillé
et nos paroles
claquent des dents
Il faudrait
que nos souffles se blottissent
de visage à visage
Je lèche les
parfums de l’air.
Du ciel, il
reste le bleu sur ta langue.

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Le soleil mord la terre de midi
Assis dans les copeaux de l’ombre
la souche d’un regard accueille
l’épuisé
Où est le vrai visage de l’arbre
entre écorce et sève ?
Délace les
silences trop serrés
L’endroit des
mots est bois rugueux
l’envers est
coulée de ciel

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On creuse au cœur de nos ombres
On se hisse à la force du
cri
et chaque élan nous grandit
le nœud du
souffle se desserre.
Tu respires la
beauté des sommets,
le visage
apaisé du ciel.

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Le vent porte
le bruissement des mots
la fragrance d’un baiser
comme un soleil de traine
Je sais ton
chemin, à toucher l’argile de ton visage,
à mêler la
langue du silence, à la salive de nos joies.

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Une frêle silhouette
griffée d’un peu de pluie
disperse ses rêves
au cœur du vent.
Je voudrais
creuser une empreinte de joie, dans la paume du temps,
que tu
imagines, au-delà des brumes, la porte d’un jardin entrouvert.

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On sait si peu du froissé des
silences
des mots repliés
des solitudes
Pourtant dans l’enveloppe de
l’ombre
se cachent les souffles
essentiels
La poussière
recouvre la cire de l’aube.
Tu peines à
tordre l’arrogance des cimes.
Donne-moi de
chercher, en chaque brindille, l’immensité de l’arbre.
©Francis Gonnet
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(*)
Poète et peintre, Francis Gonnet est déjà connu de nos
lecteurs : pour sa présentation, et sa précédente
« créaphonie » dans les pages virtuelles de note revue, voir le
numéro de novembre-décembre 2021. Nous sommes
heureux d’accueillir à nouveau sa plume et… son pinceau.
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