HOMMAGE A REMI
ARNAUD
La grande émotion qui a
serré la gorge de ses amis est cause du retard apporté
à cet hommage à Rémi Arnaud, ce poète
qui nous a laissé tant de poèmes, inédits
ou non, dignes d’être donnés à
aimer. Et maintenant entre les mots et la cendre le cœur
le vôtre le nôtre amis copains lecteurs visages
d'une rencontre d'un jour ou de toujours bons à dire
en douleur en regret le présent acéré
bons à tenir tendu le fil du souvenir de l’amour
entre les mots et la cendre Léo du passé si
présent Léo de l’avenir frêle
encor et Aurore pour la lumière.
***********

Hommage de ses amis : Frédéric
Lattarsa, Stephan Bonnet, Nicolas
Treibier, Laurent et Laurent
Augier
Dans le sillage de Rémi Arnaud :
poèmes de Rémi
choisis par Aurore, sa femme, Laurent, son ami et Lilas
Poèmes à son fils et à sa femme
Extraits du recueil Vagina Noctis, chez L’aube défaite
Extraits du recueil La nuit des miroirs, chez la Librairie-galerie
Racine
E xtraits du recueil Les mots manquants
Extraits de Soleils premiers
Extraits de A bientôt donc
Extraits de Sevrance,chez Thebookedition
Poèmes pour une autre fois, chez thebookedition
Extraits de L’Arrière-Cœur
Frédéric
Lattarsa
À Rémi.
Nous
étions ce fou qui va, d’étoile en étoile, des
nuages plein les poches et le
visage
trempé d’horizon :
le sable collait à la peau,
le sel aux yeux,
la lumière ruisselait dans nos mains et les
jours étaient si vastes que nous ne parvenions
pas à les apercevoir,
pas encore…
Nous étions ce fou qui se penche au bord des
précipices afin de toucher du bout des lèvres
son écho,
à
cheval sur le bleu du ciel
et
le murmure de la terre comme un mal au ventre sous-jacent,
un
cœur crispé dans le noir…
Nous étions ce fou qui décroche la
lune et s’en retourne l’offrir au rêveur
et
nous marchions insouciants sous les frondaisons du silence que courbait
le vent, courbés nous-mêmes sans le savoir par le poids de
quelque chose encore à dire
comme
des restes d’illusions,
jusqu’à être au monde et ne plus douter.
|
Stephan Bonnet
Pour Rémi
Tu n'en reviendras pas ami
de cette solitude amère
où ton front s'est oublié un instant
de ces livres déposés à nos chevets
que tu n'écriras pas pour novembre
de cette voix qui t'échappe
et dont chaque mot nous fuit
de ces regards enfin qui cherchent sans trouver
un de ces poètes qui font la solitude et l'âge
de cette ronde triste où s'éreintent
les amants perdus
Tu n'en reviendras pas ami
de ces amours nues sous l'automne
de ces amitiés tous ces chants qui veillent
comme autant de feuilles sur ton chemin
ces trois livres sur une table et ce clope froid
de toute cette vie égarée
en un instant
de ce tumulte qu'on nous arrache pour nous faire taire
de ce boulet sans canon qui coucha en un instant toute
ta musique
et puis le silence camarade
Je plains le temps de notre jeunesse, si tu savais,
si tu savais. Combien nous nous sommes tant aimés
– tous ensemble, fière bande –
là-haut dans ce petit appartement près
de la rue de l'université ! Les guitares n'étaient
jamais loin, l'amitié et l'amour traînaient
dans un coin. Brel et Higelin et Renaud encore, accompagnaient
les coquillettes au fromage. Tendresse de rien, sans
idéologie, sans avenir et sans le sou. Toi
déjà tu fuyais l'école, déjà
la casquette des apaches dormait dans ta poche. Et
quant à moi je vivais d'un rien – la
harangue au poing. Thomas chantait du Lapointe comme
du Lapointe. La nostalgie, camarade, la nostalgie.
La poésie nous avait pris pour l'hiver, irritante,
plein les poumons et les mots. Tu l'aimais pour ta
part afflorée comme une chanson d'Eluard. Sur
les murs de cette vieille ville, Baudelaire dansait
dans chaque ombre. Aragon dépassait parfois
dessous un drap - l'Aragon menteur, l'Aragon courtois
des yeux d'Elsa. Je mettais déjà Verlaine
à cent lieues de Rimbaud et tu me répondais
XXème siècle. Cette discussion dura
douze ans. Elle t'a sans doute mis à nu deux,
trois fois. Le refus de l'idéal se mêlait
étrangement en toi au besoin acharné
du lyrisme. Comme le mélange qui se refuse
d'une boue noire et du lait le plus pur. Aurore te
vit-elle aussi comme cela - tant de cynisme sous un
tel besoin de croire au cœur et à ses
vertus? Écrire, c'était pour toi laisser
poindre la lumière dissimulée sous le
jour de tous les jours, et pour nous deux la langue
autre où nous conversions – à
l'abri du quotidien. Ce qui ne se dit pas. Ce qui
ne se montre pas. Ce qui ne se publie qu'anonymement
sur internet. Les avons-nous variés, ces confidences,
du cadavre exquis à la correspondance virtuelle.
Et maintenant? Maintenant, tu peux bien devenir célèbre,
plus personne n'en profitera. Plus personne ne le
saura. Que la douceur de tes œuvres échappe
à la nuit !
Ce que j'ai perdu avec toi ne se voit pas. Les gens
que je croise dans la rue ne savent pas, ils ne voient
pas, ils n'ont que des yeux. Ils ne devinent pas à
qui je ressemblais, avec ma haute taille et ces mots
dans mes mains. T'étais mon frère, mon
pote, un presque frère insupportable et cependant
parfaitement précieux. Les gens, ils ignorent
cette fois-là où le premier tu m'as
tendu la main pour me sortir de l'or, quand tous les
autres déjà ne voyaient rien. C'est
le premier chagrin qui nous montre nos amis. Tu m'as
offert Aix sous les toits, et un brin d'amour pour
l'hiver. C'était beaucoup – Dire que
je n'ai su te le rendre assez de si longtemps. J'ai
le cœur dévoré de t'avoir perdu.
Chacun cherche aujourd'hui comment te retrouver dans
cette vie-là. Pour moi, tout ceci passe d'abord
en chansons, bien sûr. Ferré d'abord,
Ferré surtout. C'est dans les notes que ta
voix me réapparaît surtout, à
hurler du Noir désir, à susurrer une
petite chanson pour elle, la cigarette au bec. La
chanson du hérisson en voix de tête.
Hexagone qui chauffe les cordes. Gloria enfin, à
t'en péter la voix... Des images ensuite, dont
aucune ne te laisse dormir sans un geste. Cadenet,
Montpellier, Aix et la campagne de Venelles. Des mots,
enfin. Toi qui parlais tant de l'absence, ce genre
de situation t'intéresserait un instant et
puis tu gueulerais un peu excédé devant
tant de regrets : « et basta...! ».
|
Nicolas Treiber
Pour Rémi
Ma voix et ce que je suis je te les dois à
plus d’un titre
à mes quinze ans tu jouais au soleil au milieu
d‘astres fous
à mes vingt ans tu ouvrais le chemin du poète,
le chemin de nos vies
à mes trente ans tu disais que l’âge
est venu de continuer pour toujours à aimer
et écrire
Tu m’as appris le sens de l’engagement
et de l’amour pour un idéal.
à tes côtés j’ai appris
qu’il est une vie où on existe bien plus
que la plupart des hommes. L’éternité
des mots
Tu m’as donné la dignité de te
lire autrement qu’en ami
Toi le poète, tu es le guide, à l’accolade
franche et jamais refusée, de ma vie
|
Laurent
Pour Rémi
C’est à tes mistrals que j’emprunterai
pour entonner le chant des jardins désunis
parce que la nuit tombe en octobre
un peu sur nous aussi
Il faut à présent plaindre
les plumes qu’on ne croisera plus
le vin violet et doux
la peau de la souvenance tiède et calme
Fraternelle
joie et colère
Est-ce que ça fait des mirages
comme tu le savais
et peut-on s’écrier nous qui restons
Ô Vie
comme tu le fis
D’autres mots viendront
par fidélité
au creux de ton épaule
dans le souffle brun des nuits partagées
Quand bien même il y aura
legs de silence
il est heureux
que l’essentiel fût dit
J’espère que le doute te déserte
et que les mots que freine la peine
t’atteignent enfin dans ton navire
- il m’est dur de soulever la mesure du chant
cet art sans défaut
qui t’habille encore de lianes émeraude
ne semble plus à la hauteur
Il y aura d’autres digues à longer
d’autres rues à traverser
sous un tapis de feuilles jaunies
que tes pas font d’or
mais il nous faudra désormais pour retrouver
la Joie
(guettée entre l’eau et la roche)
échanger un peu de tes mots
puiser le sel et l’enfance aux mains
que tu as tendues en coupe
|
Laurent Augier
Je ne peux t’oublier
une chanson pour Rémi
Retour retour sur notre histoire
Retour feuille blanche et guitare
Photos éthyliques dans les couloirs
Engueulades laissées sur les comptoirs
Le souvenir reste plus qu’il ne faut
Sourire à coup de couteau
C’est comme ça
Parade et paradoxe de la mémoire
On voulait vouloir
Les autres qui hier riaient autour du feu
Feus les autres on n’a plus besoin d’eux
Ne pas garder de traces ne plus en laisser
Les visages s’effacent, les chansons oubliées
On s’était pourtant dit jamais on courbera
l’échine
Le Monde nous suivra
Ce souffle que je perds à chaque pas
C’est le vent qui t’emporte loin de moi
Nos désirs fragiles ont déjà
trop vieilli
Comme quoi la vie c’est n’importe quoi
C’est n’importe quoi
Nous qui nous sommes battus pour notre liberté
On se bat aujourd’hui pour ne rien regretter
Gros condamnés à l’insouciance
De la génération X à la génération
perdue
Quelques décennies, pas plus
J’attends, j’attends…
Mais que reste-t-il à écrire que l’on
ne sait déjà ?
Dies irae, dies illa solvet saeclum in favilla
Ex cetera, ex cetera, ex cetera, ex cetera…
Et blablabli et blablabla
Ecoute-les parler, écoute-les parler,
Ils parlent du football et des séries télé
Refrain
Retour, retour sur notre histoire
Retour feuille blanche et guitare
Souvenirs éthyliques au fond du bar
Je ne peux t’oublier…
|
|