Dans le sillage de
REMI
ARNAUD
poèmes de Rémi choisis par
Aurore, sa femme, Laurent, son ami, et Lilas
Poèmes à son fils et à sa femme
Depuis ta naissance Léo
Le jour et la nuit ont changé d'horloge
Le temps de ma vie bat dans le tien
Ta vie à petits bruits
Tes soucis de biberon
Ton front qui se plisse
Ta tête si petite et si lourde au creux de mon
bras gauche
Tes yeux encore remplis de nuit qui cherchent et s'étonnent
A l'affût d'un cri je tiens ton sommeil contre
moi
J'aime ce pouvoir dont je dispose pour calmer tes
peurs
Depuis ta naissance Léo
Le jour et la nuit ont changé d'adresse
Voici le monde et le jardin
Des couleurs des fruits et des fleurs
Nous avons commencé notre dialogue futur
Tous les mots seront à toi
Depuis ta naissance Léo
J'entre le matin dans ta chambre tu dors
Et j'écoute respirer pour la millième
fois
J'écoute respirer pour la millième fois
le commencement du monde
Pour Léo, son fils,
juillet 2007
|
A Aurore et
Léo…
il dort appuyé sur moi au chambranle de la
porte
les yeux clos à ce qui lui est proche
.
je me croyais fait pour aller solitaire
j'en avais parlé entre tes bras
entre tes jambes
à grandes caresses pour me donner raison
cherchant en toi ce qu'il faut d'amour pour vivre
bien
le contraire est venu
de toi toutes en pleurs et en sourires
de moi qui ne suis plus le passant que tu as suivi
le jour je vais l’enfant à mon bras
équilibré comme un porteur d'eau
la nuit en secret
je souhaite un bonheur qui n'apaise pas l'existence
entre nous
de Les Mots Manquants
|
Chanson pour sa femme
"ce qui est écrit reste"
Il faut que je trouve les mots
et les moments
tous les mots mentent
mais ceux qui sont écrits restent
mais ceux qui sont écrits restent
Il faut que je trouve les mots
les mots me prennent par la main
comme si tu prenais la mienne
comme si je prenais la tienne
Il faut que je trouve les mots
au fil des soirs au fond des chopes
où se bâtit le rêve au fil des
rues
où je m'égare oui je m'égare
Il faut que je trouve les mots
au fil de mon espérance
au fil de tes yeux ma vie au fil des silences
le secret des mots
où se cache le monde
où se cache ton monde
Il faut que je trouve les mots
tous ceux que tu me donneras peut-être
tous ceux que l'on a lus
tous ceux qu'on a perdu
Il faut que je trouve les mots
précieux comme le jour
précieux comme le rire
précieux comme le rêve
précieux comme l'amour
précieux comme l'amour
Il faut que je trouve les mots
a ne plus savoir comment les écrire
a ne plus savoir que les chanter
comme un poème
pour toi
|
C’était
l’heure des soirs quand les toits s’apprêtent
pour dormir. C’était l’automne,
il faisait déjà froid. Les feuilles
du tilleul tombaient laissant la branche morte.
Le brouillard remontait pour suspendre sa trame. Le
bruit lointain d’un bal arrivait jusqu’à
nous. La valse s’égrenait et nous allions
ensemble par les prés bleus de lune au bord
de l’eau tremblante.
La valse s’égrenait et nous allions ensemble.
Nous nous embrassions à peine un peu.
Je me souviens.
*
J’avais quelque chose comme
un rêve à te dire, quelque chose comme
le mot amour dans les vitrines, quelque chose comme
les pièces ensoleillées de ma mémoire
où tous les enfants traînent la mer au
bout d’une ficelle.
je pense à toi sans prévenir
personne
je pense à toi en un mot comme en cent
je pense à toi comme si de rien n’était
je pense à toi
Le temps ne tient à rien comme
le son des cloches ou comme ces amants de fin d’été,
début d’automne, qui passent.
Que sais-je de l’amour et des grands amoureux
sinon cinq ou six noms ? Que sais je de l’amour
au bout du compte mis à part ton prénom.
je pense à toi sans prévenir personne
je pense à toi en un mot comme en cent
je pense à toi comme si de rien n’était
je pense à toi
à toi maintenant
de Soleil(s) premier(s)
|
« Où que je sois, quoi que je fasse,
je serai avant toute chose un poète »
Extraits du recueil
Vagina Noctis, chez L’aube défaite
à l’intention
des fous
des
oiseaux
le monde à la renverse
j’arrêterai pour toi les heures d’aujourd’hui
mon
cœur tremble comme une vitre
les
cloches sonnent des années dans chaque minute
aux
réseaux des éperviers nerveux
mes
plus beaux adieux furent le lac de tes pas
je ris contre le silence
contre
l’ordre
sinon le bonheur reste un autre
au
velours de la panoplie
le vent se lève
au-dessus des forêts
je remonte le drap
même si tu n’es pas là
il y a des jardins hélas
pour amants séparés
hommes / femmes tristes s’y croisent
en cachant leurs larmes
dans les odeurs de jasmins fous
ramassant leurs ombres pour en faire
des pétales
|
A J.P pour
les larmes …
SOLEIL FOU LES MOISSONS BRULENT
l’aube
est dans l’herbe humide
jambes mêlées aux fuseaux des saisons
à
pas de vent
à
pas de mer
de feu
de
loup
de piège
afin de retrouver
l’ordre
ancestral
le fin système nerveux
des grandes nébuleuses
(douées depuis peu
de la parole & des larmes
grâce au maigre vent
à voix d’enfant)
c’est un bel amour secret
un
amour de fin des temps
dans
le dernier déluge
le premier jour
|
Extraits du recueil La nuit des
miroirs, chez la Librairie-galerie Racine
POUR LES ENFANTS DE L’AUBE DEFAITE
Sur des conduits de pluie des paliers d’horizon
L’azur n’est qu’une seule vitre
sale
Vous m’emportez vers un lieu
Où s’en vient
ma chanson
Du côté d’un soir au large de l’automne
Et les chambres d’hôtel ruissellent sur
la mer
Dans l’attente blanche d’un silence
Nettoyé chaque matin
Tout oblige les fontaines
fumantes
A se taire
Et je sonne à la porte
Qui ne s’ouvrira pas Ma main
Fait alors un grand voyage
Au pays des harpes et du grand soleil
Princesse de la folie mon miroir peut-être ma
folie
J’ai remonté le train
En sens inverse du sommeil
Les loups se démasquent au bout de la prairie
Et la neige et le riz dans le sable font la paix
Le soir hèle les
Troupes On escorte les grèves
Et le vent dans la plaine cherche la mariée
Derrière la vitre mon front célèbre
un grand rêve
Au loin les gestes bleuâtres du souvenir
Des siècles de folie
Dans des calèches
de peaux On a bu des étoiles
Dans un fond d’élixir
Je sculpte le totem des feuilles et des mots
Dites-moi ce que mordent
Chaque pierre et chaque été
Je vous offre la couleur d’un jour
Et puis d’un jour et puis
D’une heure encore
Je vous offre le présent avec ses
Cris d’oiseaux avec son nom et
Son gouvernail fané
Mais ma tristesse
Ne vous ressemble pas
Je n’attends plus
Depuis tant de temps l’été
Je devine à l’ouest la promesse de vos
Pas
Je grignote une
Herbe volée
Au mystère des prés
Et je suis là brassant
Mes nuits et mes lueurs étoilées
Fleurs des chemins
Je vous regarde mourir
Cieux au-dessus des toits
Je vous regarde pleurer
Doux bruit de vos pas tournant à n’en
plus finir
Je chante le temps s’en allant percher
Sur quelques nuits
Je chante le temps où la mer
Pose ses collets
Je vous offre la couleur d’un jour
Et puis d’un jour et puis
Soir après soir j’ai disparu je disparais
Les heures hantent de songe
La cour de mes jouets
Vous n’y êtes pas Où êtes-vous
donc Vous n’y êtes pas
J’ai peur constamment de briser
D’être pris je
ne sais
Plus loin le matin tousse
Sur les plaines d’en
bas
Je m’enfance avec vous
Dans les jardins d’enfant
Le soir récite ses strophes
Aux fleurs assises
Mais les mots de jadis
Ne trouvent plus de prise
Pour gravir la paroi qui monte jusqu’au chant
Dites-moi ce que mordent
Chaque pierre et chaque été
Je vous offre la couleur d’un jour
Et puis d’un jour et puis
D’une heure encore
Je vous offre le présent avec ses
Cris d’oiseaux avec son nom et
Son gouvernail fané
Les enfants de l’aube
A tout jamais recommencer
|
extraits du recueil Les mots manquants
le cœur est la troisième
oreille
c'est celle aussi de l'enfance
celle qui entend dans la vieille maison
les chansons et les rires d'une autre vie
comme une lumière d'étoile affleurant
la nuit
j’entends le front appuyé à des
odeurs closes
les mains cherchant la couleur des murs
une rumeur d'arbres et de rivières
qu'on partageait à table avec le pain
quand la place du pauvre était vide
je devine les joies muettes
et leur disparition dans l'usure du jardin
alors je me reconnais fils de la rumeur et du retour
des choses
j’entends derrière la porte
qui reviennent vers moi
mes propres pas perdus
puis je serre les ombres sur ma poitrine
|
quelquefois encore
laissez nous l'espérer
le grand cheval peint
de nos années d'enfance
il renaîtra pour rejoindre de plus larges saisons
venant sans prendre garde
au-dessus des maisons
hanter l'orée d'un petit bois
clair blanc et souverain
contre l¹emprise idiote
de notre vieillissement
quelquefois encore
laissez nous l'espérer
le grand cheval peint
de nos années d’enfance
et tout cela ainsi
et tout cela aussi
à grands pas d¹innocence
|
il manque toujours un mot à
la place du silence
un seul mot pour vrai
je cherche encore un mot qui serait fait pour moi
juste un tout petit mot parmi les traîtres mots
un mot réel et bien vivant
un mot de rien qui dise tout
je cherche encore un mot
le cerf-volant d’un mot qui quitte le papier
un mot d’escale
un mot de cale pour l’espoir
je cherche encore un mot qui ne cacherait rien
un mot sans uniforme sans culotte sans nom
la cicatrice d’un mot sur la blessure de l’âme
.
je cherche encore un mot pour appeler à l’aide
un mot goûtant la fraise
la souplesse de l’enfance
le pari d’espérer
je cherche encore un mot
le rouge d’un mot nu parmi les éperviers
un mot vague dans le délire de l’eau
le mot d’une île sur la mer
je cherche encore un mot
une marche qui manque
un mot qui fasse un trou dans les filets tendus
un mot frais dans la ville en chaleur
je cherche encore un mot pour te nommer
mon amour
un seul mot qui soit digne de toi
|
Extraits de Soleils premiers
avoir ce n’est
rien
mais se savoir aimé
comme un soir d’été
dans la nostalgie d’un homme
accoudé à la dernière heure
et puis ces chants qui ne tiennent
pas aux lèvres
et puis les pensées
l’espace fuyant comme l’herbe
et puis avoir ce n’est rien
comme un passant dans la maison
laissant de lui la mémoire
dans ce couteau sur la table
et puis aimer
et puis tenir la main du vent
|
XI
J’aurai beaucoup appris des feuilles.
De la tendresse avec laquelle elles houssent de vert
les arbres en avril, de leur façon à
peines nées de s’offrir à la pluie
et au soleil, de cacher l’oiseau avec le fruit.
J’aurai beaucoup appris des feuilles.
Des frissons qu’elles mêlent aux rires
dans le torrent des vents, dans l’averse des
lumières, de leurs mille façons de mourir.
J’aurai beaucoup appris des feuilles.
Entre résistance et abandon. Feuilles caduques
ou persistantes.
Appris d’elles l’amour. Sa mort surtout
même.
Et la musique qui suit.
|
Un jour, je reviendrai vers tes
yeux. Je recommencerai. Je reviendrai avec un son
de guitare et de soleil mouillé. Je chercherai
entre les papiers du temps ton corps et tes chevaux
de raisins.
Je te couronnerai ainsi avec ma bouche, avec mes mains
qui ne se terminent pas.
Je reviendrai pour toi, regardant
passer l’après midi comme une ombre ancienne.
Quelque chose se brisera là-haut et nous ne
serons plus nous-mêmes. Quelque chose brûlera
soudainement dans l’écho des draps.
Je reviendrai plus vivant, plus pur,
plus affamé. Je reviendrai à m’en
déchirer les plumes. Je ferai pour toi un silence
jusqu’aux oiseaux.
|
Extraits de A bientôt donc
Cette longue nouvelle épistolaire, d’une cinquantaine
de pages, était destinée à des adolescents
et demeure inédite. En voici les poèmes d’ouverture
et de fin.
"Je m’en vais
n’ayant plus profond regret que de n’avoir
pas su dire le meilleur
et te livrer ceci comme une petite chanson
qui s’est assise en route sur une charrette
que les pierres secouent
à l’ombre aveugle des horloges
ce ne sont peut-être que des notes
des mots comme des fleurs dans le verre
des mots comme un verrou
mis à la porte
des mots qui se murmurent
mais ce sont des mots d’amour
des mots d’azur
il n’y a pas de vin plus soûl que
le secret
j’ai beau essayer d’en ouvrir les serrures
à chiffres
j’ai beau frapper de mon poing nos battants
verrouillés
j’ai beau t’appeler beau vers toi crier
je me perds parmi nous
je me perds parmi nos cages
ce que je veux dire n’est pas de mots plus
qu’un soupir
plus qu’un signe de moi-même
un nom d’un autre monde
un trait tiré par quoi je me trahis
une courbe sans loi rapide à se couper
se recouper je barre ce que j’écris
mon poignet annule les vocables
de son fouet d’encre pur et bleu… »
« et je reste les yeux ouverts à tes
côtés
sans savoir ou non si tu dors déjà
je ne sais jamais si déjà tu dors
je surveille l’oiseau léger qui respire
en toi comme un oiseau
si faiblement parfois que je m’en épouvante
il n’y a que toi t’en souvient-il il n’y
a que toi et les oiseaux
les yeux ouverts en rêvant au sommet clignotant
des étoiles
Lila je te donne aujourd’hui ton plus beau nom
de femme
ici à ce moment de nous je t’appelle
d’un nom d’Espagne
âpre et doux
comme un fruit des collines
un fruit de soleil et de silence
je te donne ce nom du vent tombé
le nom d’être nu
d’ouvrir l’épaule à l’odeur
du café
je te donne aujourd’hui le nom de Solitude
Solitude vois-tu Lila c’est toi ma Solitude
Il fera beau
beau de dormir quand ce sera le soir d’enfin
dormir d’enfin
d’enfin dormir le soir d’enfin dormir
ensemble
un soir d’aubépines en fleurs aux confins
des parfums de la nuit
un soir profond comme la terre de se taire
un soir si beau que je vais croire jusqu’au
bout dormir du sommeil
de tes bras
dans les pays sans nom sans éveil et sans rêves
ce lieu de nous où toutes choses se dénouent
dans ce lit où celui qui est seul
se tourne
comme pour te parler
Je t’aime
Hugo »
|
Extraits de Sevrance,chez Thebookedition
trente-deuxième jour sans une seule goutte d’alcool
septembre s’évade de mes mains
je ne retiens de lui qu’un seul jour
que je planterai chaque matin
au beau milieu de nos paumes
au-dessus de la pluie le soleil meurt de soif
il y a des traces de silence sur le sable
parfois je me sens comme lui
j’épouse le temps de ma solitude
mais j’en oublie le goût du vent
quand il soulève la robe des sources
quelques feuilles tombent de fatigue par le refus de la
sève
il serait inconvenant de briser le murmure de nos pas
dans la pauvre nuit des bistrots vides
trois ivrognes dégainent une chanson d’amour
on ne sait plus la distance qui sépare le ciel
du monde
de toi à moi de toi à moi de toi à
moi
pas même l’espace d’un enfant
cinq mois et vingt et un jours
sans une seule goutte d’alcool
la prochaine heure sera un véritable enfer
j’entends le corbillard des éboueurs
le murmure du frigidaire
par le grillage de l’attente
je laisse l’espoir égrener ses ombres
dehors le givre est resté seul avec nos cicatrices
la rosée reste à terre Qui donc a tant
pleuré ?
je n’ai pas dit au balayeur ma peine
c’est un jour comme un autre un jour sans oiseaux
je suis là debout regardant les étoiles
maintenant je sais ce qu’est la solitude
la mer à l’aube pardonne à l’horizon
|
Poèmes pour une autre fois,
chez thebookedition
c’est le dernier recueil de Rémi. De publication
posthume, il emprunte certains poèmes de recueils
antérieurs pour les deux parties Feuilles Rousses
et L’arrière Cœur.
Poème XIII de Feuilles
Rousses
Je voudrais tenir le feu entre mes
dents et
qu’il dure et que s’en perpétue
la saveur
comme une feuille dans l’herbier
je voudrais laisser venir entre moi
et
l’épouse la tombée du soir
pour qu’agisse sous les beautés muettes
l’autre lenteur du monde
un amour d’abord confondu avec
la
fraîche ivresse
et puis rondeur au fil des jours comme
une planète dans la paix des ombres
je voudrais me tenir dans le retrait
chantant d’une fenêtre l’œil
comblé d’horizon
l’œil comblé d’horizon
la bouche bâillonnée par la lumière
du jour
|
Poème XVI de Feuilles
Rousses
je suis quelqu’un qui se regarde dormir
et ne retrouve à ses côtés que
la poussière
j’ai perdu la trace du soleil
une phrase me revient qui me servait jadis de guide
photo de la chaise
dès l’aube je descends je m’allonge
contre un rocher
le prodige m’attend là
ce jardin que j’imagine immense
le rire d’une femme dans l’été
je suis quelqu’un qui souhaite seulement
que son âme s’épuise
et que les mots désertent au matin
|
Extraits de L’Arrière-Cœur
I
je marche au centre d’un pays où tout
rituel prend source au seuil de vos visages
un pays de misère et d’effroi un pays
d’aller un pays d’attendre un pays d’aimer
où après tant de nuits difficiles je
désapprends l’oubli jour après
jour
je crois ne vous avoir jamais perdus des yeux
je sais vous avoir attendus parfois sans rien espérer
d’autre que de poursuivre cette attente
je garde le souvenir d’être aussi montés
jusqu’à vous quand il se faisait tard
aux vitres de ma solitude
qu’ai-je à vous offrir aujourd’hui
rien peut-être si ce n’est l’interminable
obsession de ma fidélité
où mon amitié s’éclaire
au temps qui va
au temps qu’il fait
au temps qui s’ouvre et se dénoue
dans l’incessant renouvellement des saisons
qui reposent un instant au bord de vos paupières
pour y métamorphoser l’instant
|
V
hier ces sérieux affrontements
c’est mon cœur qui s’inquiétait
j’ai fait le nécessaire mais je n’avais
plus de corps
l’alliance sera sauve mais laisse-moi sur ce
banc
le froid me fera du bien
il y a encore des fleurs à couper dans le
jardin
avant ton retour le temps se perdra
et il boit déjà trop
il ne fait qu’augmenter à vivre sans
toi
un instinct comme jamais m’étouffe
ne serait-ce que pour un seul jour un seul
la vie à tes côtés a été
délicieuse
|
VI
il pleut sur la ville ce matin cela fait démodé
comme un chagrin d’amour
ô comme le temps me manque pour vaincre l’oubli
au bout du compte tout n’est que solitude et
misère
ici ou ailleurs que m’importe le désert
j’aurai vieilli sans y prendre garde à
t’attendre
dans les gares aux coins des rues dans les cafés
je me suis enivré entre Rhône et Durance
le vin ne m’a rien donné que les larmes
le sommeil et le froid
entre Rhône et Durance sans amour pas de pitié
ici ou ailleurs que m’importe j’ai tout
perdu
tu ne m’oublieras pas dis le temps où
tu seras loin
loin le temps perdu le temps de ne plus partir
tu m’oublieras je le sais bien que puis-je y
faire là
dans le désordre des feuilles cette beauté
du monde
je suis un jardin sous la pluie
mes amis sont ivres et les filles dans les bars s’ennuient
midi minuit hommes et femmes comme le vin tout se
renverse
ô mon amour à qui penses-tu quand tu
m’oublies
je me suis enivré entre Rhône et Durance
le vin ne m’a rien donné que les larmes
le sommeil et le froid
entre Rhône et Durance que m’importe j’ai
tout perdu
et les eaux silencieuses ne m’ont rien rendu
|
XIX
j'arriverai de très bonne heure
personne ne me verra
il sera difficile d'ouvrir avec la clef rouillée
j'essaierai à plusieurs reprises
les murs me souffleront la mort au passage
mais je n'entendrai rien
je m'étendrai dans le jardin désert
sur le dos ou sur le ventre peu importe
je prononcerai vos noms plusieurs fois
personne ne répondra
je comprendrai alors le message des murs
il me restera à prendre racine
pour mieux m'enfoncer dans le sol
|
Photo de Stéphanie Bellet
Hommage
des amis de Rémi Arnaud
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