Cavale
Sabots des
quatre vents
Le temps
s’achève.
Sur la pierre
le feu
Sur la terre
l’eau.
Une jument
En sa course
Inonde le ciel
Signe de sa crinière
Sur de morts soleils.
Œil noir nuit
de l’eau
Encre votive
posée au seuil.
Le temps fuit
de nos poitrines.
Voix rouge
nuit du feu
Sueur et
salive corps du deuil
Le sang luit
sur l’aubépine.
Une jument à terre se couche
Se couple à l’orage.
De sa bouche tombe le soir
À son cou la veine éternelle
À son flanc l’attente.
Sabots du fond
des âges
Déchirent le
ciel
Frappent les
mâts d’injustice.
Brûlure de sel
Clous sur
chair
Le bois forge
l’espoir.
Brûlure des
éclairs
S’étoile son
corps de croix.
Une jument parée à sang
De sa crinière essuie l’opprobre
Dans l’ombre met bas sa douleur.
Infini de
l’instant
Le temps
s’incarne
Demain pour
fruit.
Vers lui
Aujourd’hui
Fait route.
Une jument
De sa crinière
Réenchante Le ciel.
En son pas L’amble du jour.
S’éloignent
les chevaux de rage.
Impression de
l’après
D’une secousse se libérer
d’un battement toucher ciel.
Mots soufflés
vent passant
du feuillage
un silence :
mémoire de sa présence.
Coups sonnant
au bois la
vrillette appelle
de l’horloge
le temps sans appel.
La lézarde
creuse l’oubli
déchire un
gouffre.
Sur le sombre
la blancheur
la chevelure
des racines
fils de vies
rompues.
Sans repère
sans appui
un vide acéré
coupe le silence
coupe les
racines, découpe demain.
Gorge dénouée
terre en fuite
tombe la pluie
où racines et
demain s’ébruitent
brisures
mêlées de l’être et du temps
Au tourment du
vide
froissement
d’elle
un
tournoiement de naufrage
longtemps
encore ce sentiment
d’une chute
immobile
d’une chute en
soi.
POURQUOI reste
muet
une idole
martelée
du refus et
des larmes
une idole
suppliée.
POURQUOI est
de bois muet.
Lentement
dépose le vide.
Pensée blanche
d’un blanc aveugle
écumant son
lait buvant le silence
soutirant
l’absence.
Tournoiements
et sillages
sel à
verse : flottaison
le courant
mène
le courant
pousse.
L’instant, sa
trace à saisir pour respirer
c’est
aujourd’hui temps vierge
où la pensée
cède.
Plus loin,
demain
la fin
inatteignable.
Le sel est sur
l’absence
la morsure
ensemence.
Racines en
nœud
temps sans
promesse
prémices de
demain.
Demain portant
sa fêlure :
mémoire de sa
présence.
Phoenix
une Vie
Compagnon de
route
Le voici
devant.
Son pas égal
l’éloigne du nôtre
Qui lui n’est
plus le même.
Ainsi le corps
suit le temps
Qui jamais ne
reviendra.
L’eau des
fontaines remplace l’eau libre
Où seule la
pensée se risque encore.
Peu à peu, la
pierre prend le corps.
Au temps
d’hier
De feu et
d’oiseaux
Sa peau, tel
le pré
Fut le lit de
sa joie.
La sève le
poussait.
Grandir
n’était pas vain.
Le paradis
coulait dans ses veines.
De grands cris
sortaient de sa chair.
L’âge le prit
sous son aile
Et lui, devenu
arbre
Fît de ses
branches
Le reposoir de
ses chants.
Vents, pluies
et soleil
Le
nourrissaient.
Sa ramure
frôlait d’autres ramures.
Ses racines se
mêlaient à d’autres racines.
Et de sa nuit
naquit le jour.
Le temps le
fortifiait.
Vieillir
n’était pas vain.
Longtemps, il
arpenta
La lumière de
ses branches
Visitant les
fruits de sa vie.
Un à un
Ils sont
tombés.
Il a senti la
cassure.
Il a senti le
vide.
Il ne les a
pas reconnus.
Dans ses
branches
Où sa pensée
ne se risque plus
L’absence a
pris place.
Le présent
l’amenuise.
Aujourd’hui
est un long sommeil.
Il est tombé
Comme la
pierre lancée
Rejoint la
terre.
Autour de lui
hier fructifie.
La vie le
visite encore.
Au jeu de
l’ombre sur la pierre
La lumière
parfois se risque.
Autour de lui
demain s’affirme
De feu et
d’oiseaux
À eux le vent,
la pluie, le soleil.
Le silence
n’est pas vain.
Sans âge était la
plaie
La poésie
Comme le
pommier
Venue du
paradis
Donne des
fruits interdits
Chams Langaroudi Les cendres de l’envol
Érès, Po&psy, 2024
De chair
ancienne, sans âge était la plaie
Et comme
toutes présences
Soumise au
temps.
Lui s’attelant
à cette béance
Fit son œuvre
pareil au vent.
Il éroda la
plaie, la façonna
En aveugle car
telle est sa nature.
Ainsi s’offrit
à tous un coin de plaie
Comme un coin
de terre
De celle que
l’on gratte pour un fruit
L’amère discorde
au jus de fiel
De celle que
l’on soigne pour le fruit
Cette paix à
goût de miel.
La plaie
patiemment fut irriguée
Parfois plus
parfois moins
Toujours par le sel des sources :
Salives et
sueurs, larmes et sangs
Humaines
sources de nos horizons :
Épousailles de
chairs et de temps
Celles des
batailles et des moissons.
●
De vie douce,
tendre était la plaie
Qui trop jeune
pour résister, pour savoir
Et ne
cherchant que consolation
Accueillit en
elle toutes les floraisons.
Sans peine, le
mal y logea sa griffe.
Sans peine, il
s’y trouva bien.
Racines
fortes, il força la plaie
L’envenimant
d’une liqueur injuste.
Gardant pour
lui son visage
Mais souriant
de promesses
Jusqu’au cri
de l’éclosion
Il sut rester
muet.
Ainsi, silence
sur silence
Et d’ombre
vêtu, il grandit
S’étendant sur
la plaie
Épanouissant
sa discorde en fleurs
Seules parmi
toutes à être mauvaises.
Elles écloses
vint le murmure du mal.
Heureuse
d’être jardin
La plaie ne
vit que les fleurs
Récompense du
temps passant
N’entendit que
leur cri
Cet appel
espoir d’un fruit.
Revêtue
d’abondance, de vie
Sensible au
murmure
Elle s’imagina
être un nouvel éden.
●
Serpente le
murmure du mal
Et
d’inassouvi, devint la plaie.
Mordus
d’orgueil, piqués d’envie
Et la discorde
pour fruit
Tous subirent
le mensonge
Tous par
eux-mêmes furent trompés.
Parfois moins
parfois plus
Car tous
avaient le choix :
D’élargir en
la plaie
La brèche de
leurs appétits
Pour mieux
satisfaire l’instant
L’ensevelir de
leur avidité
Ou de porter
en elle le soin qui guérit
Pour toujours
croire aux semailles
Celles d’où
lèveraient paroles et pain
Les horizons
de notre humanité
Qui de tant de
nations, de visages
Nous fait
frères d’un seul peuple.
De longue
attente, éternelle est la plaie
Sépulture du
frère en espérance de vie.
Racines fortes
l’arbre y viendra
Se cueilleront
alors pour tous les fruits
Pommes et
poèmes sans interdit
Paroles où
s’apprivoise le murmure
Parfois moins
parfois plus.
Paroles où
s’endort le mal
Sommeil
profond et sans rêve
Bercé
d’humanité.
©Béatrice
Pailler
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