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Printemps 2024

 

In memoriam Michèle Zwegers

 

Par Éliette Vialle

 

(*)

 

Une image contenant texte, lune, capture d’écran

Description générée automatiquement

Reproduit de la page de Michèle Zwegers (Lecordier) sur Facebook

 

 

Je viens d'apprendre soudainement, par Facebook, le décès de Michèle Zwegers / Lecordier… 

Sa disparition brutale m'a beaucoup bouleversée ; elle me remontait souvent le moral, et elle m'a annoncé une nouvelle chimiothérapie, et puis... silence... pour toujours !

J'aimais lire son poème quotidien sur Facebook, elle me manque en tant que poète et en tant qu'amie.

Ci-joint extraits de l’article que je lui avais consacré il y a quelques années dans la rubrique Terra Incognita (mai-juin 2020), et quelques-uns de ces tout derniers poèmes postés sur sa page Facebook, inédits.

©Éliette Vialle

 

Terra Incognita (mai-juin 2020)

Ses influences

Michèle Zwegers ne pense pas avoir été influencée par ses lectures. Elle écrivait avant de découvrir la poésie.

La poésie était une thérapie qui l’aidait à se hisser hors d’un gouffre, les images arrivaient avec une facilité déconcertante. Alors elle a acheté un « petit traité de versification », a appris la musique poétique et a lu encore et encor

La lecture de Rimbaud lui a fait voir la poésie sous un autre angle. Elle n’aime pas les grandes envolées lyriques.

La mer symbolisée par l’écume est une source d’inspiration, car elle habite en face depuis 40 ans, les vagues sont devenues ses confidentes, ses sœurs.

L’écriture c’est une quête, souligne Michèle Zwegers, pour elle : « la poésie ce n’est que de l’émotion, il faut rester dans l’émotion ».

Ses textes sont souvent le fruit de « flashs politiques ». Elle opte résolument pour des textes courts. « Tout ce qui est court ça plaît ».

« L’écriture serait une lueur qui donnerait un sens à mes souffrances ». Pour cette souffrance originelle, celle de sa propre naissance, l’écriture est un exutoire sans lequel elle étoufferait : un monde réparateur. Pour elle la poésie reste le dernier pont entre l’ombre et la lumière.

« Il faut bien que j’invente »

« Les terrasses du ciel »

« Pour m’asseoir à la table des anges »

« J’ai enfin trouvé le chemin de l’acceptation et de la sérénité » écrit-elle en 2016.

Aujourd’hui elle dépose volontiers des textes sur son mur Facebook, et constate qu’ils sont lus par des milliers d’internautes, « Un peu de moi / Au cœur des arbres / Au cœur des ombres / Au cœur des pierres / Je suis partout / Et nulle part / Emportée par les eaux / D’un fleuve qui m’emmène / Je ne sais où ».

 

©Éliette Vialle

 

Choix de poèmes

 

la mer me parle
de quelque chose
de beau de grand

je tends l'oreille

le vent s'en mêle
la vague aussi

cacophonie

mais taisez-vous
les goélands

la mer me parle

***

gommer les mots
gommer mes traits
gommer ma vie

la feuille blanche
légère flotte
dans le silence
d'une aube vierge

les mots reviennent
mes traits aussi
la vie s'étire
comme un gros chat

et l'aube n'est plus vierge

©Michèle Zwegers,

Francopolis / Terra Incognita (mai-juin 2020)

 

j'ai laissé mon "je"

dans la bouche du silence

qui déjà le mâchonnait

libres devinrent les mots

plus d'entraves plus d'amarres

l'aube pouvait s'étirer

un jour nouveau se levait

sur la page blanche

 

***

 

cris et douleurs

voix déchirantes

souffrances de la terre

qui s'élèvent dans l'air

et le ciel n'entend rien

il est si loin

avec les dieux

il est l'azur

au-dessus des nuages

il est le ventre bleu

de tous les rêves

 

***

 

les mots dans l'habit bleu

d'un bel alexandrin

se sentent mal à l'aise

ils étouffent les mots

l'habit bleu est trop bleu

alors ils le déchirent

et sortent du poème

libérés les oiseaux

font les fous au-dessus

d'un sonnet avorté

 

***

 

la pureté d'un instant

traverse l'image

et soulève les étoiles

qu’elle a ciselées

dans l'épaisseur du silence

 

***

 

je peins en rouge les mots

j'en fais des coquelicots

et la nuit paraît moins noire

dans les plaintes de l'armoire

 

(La forge de la création, page 74)

 

***

 

les gouttes d'eau

creusent un vide

la pluie éveille en moi

une chute infinie

 

(Les galets bleus, page 32)

 

***

 

les mots fondent

dans la neige

le dégel

me rendra

la beauté

de leur rêve

 

(D'écorce et d'écume, page 161)

 

©Michèle Zwegers,

sur sa page Facebook (janvier 2024)

 

(*)

 

Nous reproduisons ici la photo et la présentation de l’autrice

sur le site de son éditeur Accents poétiques où elle a publié ses trois recueils de poésie :

« Née le 21 janvier 1941 au Havre (France) et décédée le 28 février 2024 à l’âge de 83 ans, Michèle Zwegers fut marquée par une blessure originelle qui ne cicatrisera jamais : elle est rejetée par sa mère et ignorée par son père. Sa venue au monde obligera ses parents à se marier six mois après sa naissance. Ils auront ensuite deux garçons, Bernard et Jacques, qui deviendront architecte et docteur ingénieur en chimie. Michèle Zwegers, quant à elle, quittera le Lycée de Jeunes Filles du Havre après avoir échoué au BEPC. Elle passera cependant deux années aux Beaux-Arts du Havre avant d’entrer dans la vie active où elle enchaînera les petits boulots. En 1961, elle rencontre Pierre Lecordier qu’elle épousera en 1964 et dont elle aura une fille, Caroline, en 1967.

L’écriture apparaît dans sa vie au plus profond d’une dépression et l’aidera doucement à remonter la pente. Son premier poème paraît en 1979 dans Les Cahiers Poétiques de Normandie. Elle sera ensuite publiée dans diverses revues, dont Vagabondages dirigée par Marcel Jullian et Poésie 86 dirigée par Pierre Seghers. En 1985, les éditions du Pavé (Caen) éditeront son premier recueil intitulé Le temps des cyclamens, puis un second en 1987 intitulé L’issue. (…)

Après 22 ans de silence, l’écriture réapparaîtra en 2009 après le décès de sa mère et de son frère Jacques dont elle était très proche. Dans les dernières années de sa vie, elle disait se sentir suffisamment solide pour "partir dans l’inconnu, flirter avec la folie et revenir aussitôt sur le quai des réalités". Après avoir confié aux éditions Accents Poétiques ses deux premiers recueils, D’écorce et d’écume et Les galets bleus, Michèle Zwegers continuera sur sa lancée avec ce troisième opus intitulé La forge de la création. »

 

 

In memoriam Michèle Zwegers

Francosemailles, Printemps 2024

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