Je viens d'apprendre soudainement, par
Facebook, le décès de Michèle Zwegers
/ Lecordier…
Sa disparition brutale m'a beaucoup
bouleversée ; elle me remontait souvent le moral, et elle m'a
annoncé une nouvelle chimiothérapie, et puis... silence... pour
toujours !
J'aimais lire son poème quotidien sur Facebook,
elle me manque en tant que poète et en tant qu'amie.
Ci-joint extraits de l’article que je lui avais
consacré il y a quelques années dans la rubrique Terra Incognita (mai-juin
2020), et quelques-uns de ces tout derniers poèmes postés sur sa page Facebook,
inédits.
©Éliette Vialle
Ses
influences
Michèle
Zwegers ne pense pas avoir été influencée par
ses lectures. Elle écrivait avant de découvrir la poésie.
La
poésie était une thérapie qui l’aidait à se hisser hors
d’un gouffre, les images arrivaient avec une facilité déconcertante.
Alors elle a acheté un « petit traité de versification »,
a appris la musique poétique et a lu encore et encor
La
lecture de Rimbaud lui a fait voir la poésie sous un autre
angle. Elle n’aime pas les grandes envolées lyriques.
La
mer symbolisée par l’écume est une source d’inspiration, car elle habite
en face depuis 40 ans, les vagues sont devenues ses confidentes,
ses sœurs.
L’écriture
c’est une quête, souligne Michèle Zwegers,
pour elle : « la poésie ce n’est que de l’émotion, il faut
rester dans l’émotion ».
Ses
textes sont souvent le fruit de « flashs
politiques ». Elle opte résolument pour des textes courts.
« Tout ce qui est court ça plaît ».
« L’écriture
serait une lueur qui donnerait un sens à mes souffrances ». Pour cette
souffrance originelle, celle de sa propre naissance, l’écriture est un
exutoire sans lequel elle étoufferait : un monde réparateur. Pour
elle la poésie reste le dernier pont entre l’ombre et la lumière.
« Il
faut bien que j’invente »
« Les
terrasses du ciel »
« Pour
m’asseoir à la table des anges »
« J’ai
enfin trouvé le chemin de l’acceptation et de la sérénité »
écrit-elle en 2016.
Aujourd’hui
elle dépose volontiers des textes sur son mur Facebook, et constate
qu’ils sont lus par des milliers d’internautes, « Un peu de
moi / Au cœur des arbres / Au cœur des ombres / Au cœur des pierres / Je
suis partout / Et nulle part / Emportée par les eaux / D’un fleuve qui
m’emmène / Je ne sais où ».
©Éliette Vialle
Choix de poèmes
la mer me parle
de quelque
chose
de beau de
grand
je tends
l'oreille
le vent s'en
mêle
la vague aussi
cacophonie
mais
taisez-vous
les goélands
la mer me
parle
***
gommer les
mots
gommer mes
traits
gommer ma vie
la feuille
blanche
légère flotte
dans le
silence
d'une aube
vierge
les mots
reviennent
mes traits
aussi
la vie s'étire
comme un gros
chat
et l'aube
n'est plus vierge
©Michèle Zwegers,
Francopolis / Terra Incognita
(mai-juin
2020)
j'ai laissé mon
"je"
dans la bouche du
silence
qui déjà le
mâchonnait
libres devinrent les
mots
plus d'entraves plus
d'amarres
l'aube pouvait s'étirer
un jour nouveau se
levait
sur la page blanche
***
cris et douleurs
voix déchirantes
souffrances de la terre
qui s'élèvent dans
l'air
et le ciel n'entend
rien
il est si loin
avec les dieux
il est l'azur
au-dessus des
nuages
il est le ventre
bleu
de tous les rêves
***
les mots dans
l'habit bleu
d'un bel alexandrin
se sentent mal à
l'aise
ils étouffent les
mots
l'habit bleu est trop
bleu
alors ils le déchirent
et sortent du poème
libérés les oiseaux
font les fous
au-dessus
d'un sonnet avorté
***
la pureté d'un
instant
traverse l'image
et soulève les
étoiles
qu’elle a ciselées
dans l'épaisseur du
silence
***
je peins en rouge
les mots
j'en fais des
coquelicots
et la nuit paraît
moins noire
dans les plaintes de
l'armoire
(La
forge de la création, page 74)
***
les gouttes d'eau
creusent un vide
la pluie éveille en
moi
une chute infinie
(Les galets bleus, page 32)
***
les mots fondent
dans la neige
le dégel
me rendra
la beauté
de leur rêve
(D'écorce et d'écume, page 161)
©Michèle Zwegers,
sur sa page Facebook (janvier 2024)
|