Nouvelle rubrique : découverte…

Mai-Juin 2020

 

 

 

Michèle Zwegers

 

«   ils sont nus / les instants de grâce… »

 

Poèmes pour Francopolis

 

Avec une présentation de l’auteure par Éliette Vialle

 

(*)

 

 

Née le 21 Janvier 1941 au Havre, Michèle ZWEGERS est marquée par une blessure originelle qui ne cicatrisera jamais. Elle est rejetée par sa mère et ignorée par son père (cf. sa nouvelle « l’Etoile brisée » publiée dans notre numéro de mars-avril 2020).

Elle fréquente le lycée de jeunes filles, après le BEPC, elle passe deux années aux Beaux-Arts au Havre puis entre dans la vie active, où elle enchaine les petits boulots.

En 1961, elle rencontre Pierre Lecordier, qu’elle épouse en 1964, et de cette union naîtra une fille en 1967.

L’écriture apparaît dans sa vie après une dépression et l’aide à remonter la pente.

-          Son premier poème paraît en 1979 dans les « Cahiers Poétiques de Normandie. »

Puis elle est publiée dans diverses revues dont « Vagabondages & Poésies »

-          1985 – Le Temps des Cyclamens, son premier recueil paraît aux Éditions du Pavé (Caen)

-          1987 - L’Issue, second recueil politique

Puis elle se passionne pour le bridge et passe un diplôme de Monitorat et ouvre sa propre école.

-          2009 - Juin & Octobre, décès de sa mère et d’un de ses frères, dont elle était proche, elle revient à l’écriture après 22 ans de silence

-          2016 - D’écorce & d’Écume, publié par les Éditions Accents Poétiques

-          2017 – Les Galets bleus

 

Ses influences

Michèle Zwegers ne pense pas avoir été influencée par ses lectures. Elle écrivait avant de découvrir la poésie.

-          La poésie était une thérapie qui l’aidait à se hisser hors d’un gouffre, les images arrivaient avec une facilité déconcertante. Alors elle a acheté un « petit traité de versification », a appris la musique poétique et a lu encore et encore

-          La lecture de Rimbaud lui a fait voir la poésie sous un autre angle. Elle n’aime pas les grandes envolées lyriques.

-          La mer symbolisée par l’écume est une source d’inspiration, car elle habite en face depuis 40 ans, les vagues sont devenues ses confidentes, ses sœurs.

L’écriture c’est une quête, souligne Michèle Zwegers, pour elle : « la poésie ce n’est que de l’émotion, il faut rester dans l’émotion ».

Ses textes sont souvent le fruit de « flashs politiques ». Elle opte résolument pour des textes courts. « Tout ce qui est court ça plaît »

« L’écriture serait une lueur qui donnerait un sens à mes souffrances ». Pour cette souffrance originelle, celle de sa propre naissance, l’écriture est un exutoire sans lequel elle étoufferait : un monde réparateur. Pour elle la poésie reste le dernier pont entre l’ombre et la lumière.

« Il faut bien que j’invente »

« Les terrasses du ciel »

« Pour m’asseoir à la table des anges »

« J’ai enfin trouvé le chemin de l’acceptation et de la sérénité » écrit-elle en 2016.

Aujourd’hui elle dépose volontiers des textes sur son mur Facebook, et constate qu’ils sont lus par des milliers d’internautes, « Un peu de moi / Au cœur des arbres / Au cœur des ombres / Au cœur des pierres / Je suis partout / Et nulle part / Emportée par les eaux / D’un fleuve qui m’emmène / Je ne sais où ».

 

Éliette Vialle

 

 

Aux poètes maudits

 

Élevons une stèle aux Poètes Maudits.

C'est leur passion du beau, leur goût pour la lumière,

Pour l'espace infini, leur volonté d'extraire

Le ciel des gouffres noirs, qui les ont tous détruits.

 

Ils ont osé braver le mystère des nuits,

Osé faire jaillir des poissons de la pierre,

Recouvrir l'univers d'une énorme paupière,

Et voir, voir le soleil dans l'eau froide des puits.

 

Saluons ces martyrs des guerres intérieures,

Ces héros fatigués de la marche des heures,

Ne trouvant ici-bas ni repos, ni plaisir.

 

Leurs fantômes aujourd'hui se mêlent au vent des landes.

Sous l'écorce des pins, on les entend gémir

Comme les suppliciés des anciennes légendes.

 

 

Les goélands

 

les goélands s'agitent

avec l'afflux des vagues

l'orage arrive

 

seuls les rochers ne bougent pas

 

la haine est dans la mer

dans le souffle du vent

dans les éclairs

 

seuls les rochers n'ont pas de haine

 

ils sont ailleurs

sur le rêve fertile

où broutent les moutons

 

(extrait du recueil D'écorce et d'écume, page 113)

 

l'odeur des lilas

même l'hiver je la sens

sur ma peau glacée

 

le fantôme parfumé

des lilas blancs du printemps

se promène dans la ville

 

il n'y a que moi

qui vois ses grands pieds

traverser la rue

 

*** 

ne pas briser la magie de l’instant

l’émotion est si fugitive

 

***

 

aucune dorure

la main ouverte ils sont nus

les instants de grâce

 

***

 

oui… versifie

si tu en as envie

 

mais sobrement

 

chaque rime qui ment

 

dans la volière

jette une énorme pierre

 

***  

 

pour qui écris-tu

sinon pour toi-même

 

c’est le grand plongeon

au cœur du brasier

qui dévore ta poitrine

 

tu sculptes les mots

qui vont immortaliser

ta flamme intérieure

 

la flamme qui te nourrit

et te désespère

 

***

 

feu qui jaillit d’un flash émotionnel

feu porteur d’images arrachées à l’intime chair

 

chair aux blessures béantes

 

chair au fond de laquelle s’affrontent… l’ombre et la lumière… la nuit et le jour… le bien et le mal… le ciel et l’enfer…

 

chair où les branches des arbres disloqués… à tue-tête chantent…

 

***

 

voilà pourquoi j’écris sans artifices… des poèmes courts… avec mes petits mots cueillis sur les lèvres des lilas

 

***

 

qu'elle soit ronde
lisse ou rugueuse

la simple pierre
dans un désert de pierres

peut contenir
toute la grâce
d'une orchidée


***

la mer me parle
de quelque chose
de beau de grand

je tends l'oreille

le vent s'en mêle
la vague aussi

cacophonie

mais taisez-vous
les goélands

la mer me parle

***

gommer les mots
gommer mes traits
gommer ma vie

la feuille blanche
légère flotte
dans le silence
d'une aube vierge

les mots reviennent
mes traits aussi
la vie s'étire
comme un gros chat

et l'aube n'est plus vierge

 

©Michèle Zwegers

 

 


Michèle Zwegers

recherche Éliette Vialle

mai-juin 2020

 

 

 

Créé le 1 mars 2002

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