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ARCHIVES FRANCO-SEMAILLES

 


Novembre-décembre 2022

 

 

 

Nicole Hardouin :

 

« écrire c’est accepter la signature de la chair et du sang ».

 

Poèmes inédits

 

Peinture de Gil Pottier

 

(*)

 

 

L’Écume d’un pistil

 

Être un filet d’eau, soulever tes rives aux rumeurs chavirées de gourmandise, bousculer les océans, retourner la fureur des vagues, naviguer à contre-courant sur tes abois en débord.

Parcourons nos criques, faisons danser les lucioles dans des mantilles de ténèbres.

Une danse barbare s’origine dans l’ornière des tabous, attendre ivresse à portée de chair, exaspérer la soif.

 

 

L’office de la chair

 

Pour célébrer cet office de la chair nous demandons une chambre avec un fronton de légendes.

 Déjà mon écume craque contre tes brisants, immobile, je tourne la mappemonde jusqu’à tituber, tous les continents ont ton visage, mes incertitudes s’ancrent à l’oblique des chimères, elles ont ventre d’hermine. Le soleil étouffe les loques de l’aurore, sur la plage crêtée d’écume la mer monte à cru, au loin le port compte ses rapines, un gnome effeuille l’antiphonaire de nos regards.

Après l’équinoxe de nos oraisons, je trace des traits sur le sable, haltes sur les bornes du songe 

Prends le temps d’habiter mes perles et vallons, tremble dans l’abécédaire des conjugaisons réinventées.

 

 

Tremblements

 

Mes lèvres musardent encore et encore sur ta toison et dessinent des houles qui font trembler la mythologie des seuils.

Pas à pas, contre toute logique tu as passé le gué. Pourtant je ne sais rien, ni le bruit de la source, ni ses nacres, je veux juste  encercler tes sels dans la violence et la lenteur de mes glissements, te drosser contre les embruns de mes délires jusqu’à te laisser haletant sous des houes d’effleurements, jusqu’à retenir tes tremblements dans l’écume d’un pistil.

Je ne sais rien, mais j’aime le festin perlé de nos étreintes, je bois le velouté de leurs vagues. Là se tressent offrandes de sultanes, gestes d’oblates, souffle et souffre, audace, soie et rosée lorsque nos lèvres-alliance sont des alliages qui se fondent. Enroulement de langues, tu es le conquérant de me créneaux, le paladin de mes murailles ruisselantes orfèvreries.

 

 

Interrogations

 

Combien de lèvres ont lissé ton prénom, l’ont mordu, lui ont donné corps ?

Sous chaque bouche tu as été nouveau, tu t’es redécouvert avec fougue.

Oui, tu m’as troublée, plaisir, douceur enveloppante, ce fut un hors temps.

Virtualité, réalité, était-ce ou n’était-ce point ?

Gorge à gorge

Puits à puits

Spasmes, sperme, sueur

Aurions-nous rêvé ?

Déjà les jalousies descendent aux fenêtres de l’amour, nuit.

Fils du vent, tu as cru pouvoir jouer avec deux arbres à la fois, tu en as juste cassé un. Tu étais archer et je n’avais pas de bouclier.

Tu as décousu les plis de l’étoile, jeté la mangue, celle où coulait le feu de tes mains d’oiseleur.

Nuits en lambeaux

Rideau déchiré

iris dilaté

pierre descellée

clous acérés, il neige sur la pente de mes hanches

feu de ténèbres.

 

 

Écrire

 

Mots fractals, mots puissants, braises et cendre, tension dans la pâte du quotidien   

écrire c’est accepter de retourner le sablier

conserver les grains de sable sous la peau

fugitives morsures des songes

écrire c’est accepter la signature de la chair et du sang

celle qui donne à l’autre un abri pour les nuits d’averse

une carapace pour traverser les ronces du soir

c’est dessiner avec l’extrême mouvance du mot immobile

le reflet d’une île à travers l’ombre de la vie.

 

 

Secret de nos feux

 

Sur la mosaïque de la mémoire brûlent des scories aux remous plus ou moins perceptibles

dans cette intime mythologie s’originent oasis et déserts monastères et sultanats

mais tout se perd dans la profondeur des estuaires

tout disparaît dans des océans sans horizons

et pourtant dansent sous mes paupières un phare lointain, lumineux vos mots

je vogue sur leur reflet

à marée haute, à marée basse

nous labourons l’océan.

Secret de nos feux.

 

 

Flamme bure

 

Entre silence et tremblements

manger terre et herbe

nuages et soleil

le début et la fin du cri de l'oiselle

courir dans les vagues de vos étoffes

me noyer dans votre toison

et laisser sur le pourtour de vos lèvres

un avant-goût d'ambroisie

orages imaginaires

gouttes de rosée

arche lumineuse

je suis la chanoinesse

amante sauvage

flamme-bure

quand le missel de vos mots s'entrouvre

les plis de ma mante frissonnent

cercles d'ombres dans un bouquet de menthe.

 

 

©Nicole Hardouin

 

Nicole Hardouin est présente dans cette même rubrique avec de nombreuses notes de lecture, et un groupage de poèmes au numéro de janvier-février 2021, où figure aussi une présentation de son œuvre poétique.

Rendez-vous sur son site ; commander ses derniers recueils de poèmes sur les sites de ses éditeurs Librairie Galerie Racine, et L’Harmattan.

 

Gil Pottier présente le principal de son œuvre picturale sur son site, sous la thématique : Le corps et le drapé.

 

 

 

Nicole Hardouin

Francosemailles, Novembre-décembre 2022

Recherche Dana Shishmanian

 

 

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