L’Écume d’un pistil
Être
un filet d’eau, soulever tes rives aux rumeurs chavirées de gourmandise,
bousculer les océans, retourner la fureur des vagues, naviguer à
contre-courant sur tes abois en débord.
Parcourons
nos criques, faisons danser les lucioles dans des mantilles de ténèbres.
Une
danse barbare s’origine dans l’ornière des tabous, attendre ivresse à
portée de chair, exaspérer la soif.
L’office de la chair
Pour
célébrer cet office de la chair nous demandons une chambre avec un
fronton de légendes.
Déjà mon écume craque contre tes
brisants, immobile, je tourne la mappemonde jusqu’à tituber, tous les
continents ont ton visage, mes incertitudes s’ancrent à l’oblique des
chimères, elles ont ventre d’hermine. Le soleil étouffe les loques de
l’aurore, sur la plage crêtée d’écume la mer monte à cru, au loin le port
compte ses rapines, un gnome effeuille l’antiphonaire de nos regards.
Après
l’équinoxe de nos oraisons, je trace des traits sur le sable, haltes sur
les bornes du songe
Prends
le temps d’habiter mes perles et vallons, tremble dans l’abécédaire des
conjugaisons réinventées.
Tremblements
Mes
lèvres musardent encore et encore sur ta toison et dessinent des houles
qui font trembler la mythologie des seuils.
Pas
à pas, contre toute logique tu as passé le gué. Pourtant je ne sais rien,
ni le bruit de la source, ni ses nacres, je veux juste encercler tes sels dans la
violence et la lenteur de mes glissements, te drosser contre les embruns
de mes délires jusqu’à te laisser haletant sous des houes
d’effleurements, jusqu’à retenir tes tremblements dans l’écume d’un
pistil.
Je
ne sais rien, mais j’aime le festin perlé de nos étreintes, je bois le
velouté de leurs vagues. Là se tressent offrandes de sultanes, gestes
d’oblates, souffle et souffre, audace, soie et rosée lorsque nos
lèvres-alliance sont des alliages qui se fondent. Enroulement de langues,
tu es le conquérant de me créneaux, le paladin de mes murailles ruisselantes
orfèvreries.
Interrogations
Combien
de lèvres ont lissé ton prénom, l’ont mordu, lui ont donné corps ?
Sous
chaque bouche tu as été nouveau, tu t’es redécouvert avec fougue.
Oui,
tu m’as troublée, plaisir, douceur enveloppante, ce fut un hors temps.
Virtualité,
réalité, était-ce ou n’était-ce point ?
Gorge
à gorge
Puits
à puits
Spasmes,
sperme, sueur
Aurions-nous
rêvé ?
Déjà
les jalousies descendent aux fenêtres de l’amour, nuit.
Fils
du vent, tu as cru pouvoir jouer avec deux arbres à la fois, tu en as
juste cassé un. Tu étais archer et je n’avais pas de bouclier.
Tu
as décousu les plis de l’étoile, jeté la mangue, celle où coulait le feu
de tes mains d’oiseleur.
Nuits
en lambeaux
Rideau
déchiré
iris
dilaté
pierre
descellée
clous
acérés, il neige sur la pente de mes hanches
feu
de ténèbres.
Écrire
Mots
fractals, mots puissants, braises et cendre, tension dans la pâte du
quotidien
écrire
c’est accepter de retourner le sablier
conserver les grains de sable sous la peau
fugitives morsures des songes
écrire
c’est accepter la signature de la chair et du sang
celle
qui donne à l’autre un abri pour les nuits d’averse
une
carapace pour traverser les ronces du soir
c’est
dessiner avec l’extrême mouvance du mot immobile
le
reflet d’une île à travers l’ombre de la vie.
Secret de nos feux
Sur
la mosaïque de la mémoire brûlent des scories aux remous plus ou moins
perceptibles
dans
cette intime mythologie s’originent oasis et
déserts monastères et sultanats
mais
tout se perd dans la profondeur des estuaires
tout
disparaît dans des océans sans horizons
et
pourtant dansent sous mes paupières un phare lointain, lumineux vos mots
je
vogue sur leur reflet
à
marée haute, à marée basse
nous
labourons l’océan.
Secret de nos feux.
Flamme bure
Entre silence et tremblements
manger terre
et herbe
nuages et
soleil
le début
et la fin du cri de l'oiselle
courir dans
les vagues de vos étoffes
me noyer
dans votre toison
et
laisser sur le pourtour de vos lèvres
un avant-goût
d'ambroisie
orages
imaginaires
gouttes de
rosée
arche
lumineuse
je suis
la chanoinesse
amante
sauvage
flamme-bure
quand le
missel de vos mots s'entrouvre
les plis
de ma mante frissonnent
cercles
d'ombres dans un bouquet de menthe.
©Nicole Hardouin
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