L’universelle
Parcourir des galaxies
voyages intersidérants
je veux des lèvres comètes.
plonger dans les gouffres infernaux
ruissellement d’eau lustrale
je veux des bras racines.
Connaître le retournement du septième ciel
paupières recouvertes d’étoiles
je veux des ailes rouges d’anges déchus
des velours, des joyaux, des korrigans, Toi.
je suis la soyeuse, la voluptueuse
Mélusine, la blanche,
la noire.
Chasser les ombres glissantes
taire les songes et passer le seuil
chercher un soleil noir, y découper une côte
façonner à homme à ma soif
je veux Adam, Sammaël,
Orphée, Merlin et Toi
je suis la vénéneuse, la dévoreuse
Lilith,
la conquérante, la satanique.
Trouver le puits et la source
poser, sur la margelle, l’escarboucle frontale
me désaltérer d’eau, d’orage, de vent
parcourir chemins, légendes, temps
je veux les écailles du dragon, le feu
l’émeraude de Lucifer, les dolmens, les cavernes, Toi
je suis la nocturne, l’ailée, la serpente
la
Vouivre, l’énigmatique, la guérisseuse.
M’installer dans un jardin qui s’appellerait Parousie
un clos sans pommiers, seulement des arbres en cristal
des oasis, de l’ambre et des mangues
un serpent dressé, triomphant, un homme : Toi.
Je veux ton haleine, ta sueur, tes pluies
tes cieux, ta langue et tes désirs
je suis l’amante, la matricielle, le corail de tes
songes
Ève
la tentatrice, la hiératique, l’universelle.
la Femme.
***
Visage
Visage qui
es-tu ?
Dans la
lumière matricielle, lier, délier l'infinitude de l'invisible avec les
mots de l'envers, ceux qui se déploient quand les
ourlets sont décousus, mots de l'endroit ceux qui tentent encore, mots
réverbères, mots calice pour offertoire interdit donc dit, mots tissés
dans les murs du silence, comme ceux du labyrinthe de Dédale, murs
aveugles avec l'ambiguïté de cent chemins qui se rompent, s'entrecroisent
mais d'où l'on ne
revient pas sauf à casser le fil d'Ariane.
Visage aux
mots entrelacés, mots foudre.
Visage, je te
connais, ne te connais pas, te reconnais, Visage venu, revenu qui
êtes-vous ? toi, vous
qui habitez précisément là où on n'habite pas ?
Visage des
soirs où l'homme est nu dans sa grande déchirure.
Visage qui
tire l'aube de la nuit comme la femme tire l'eau du puits à Samarie
Visage, ton
visage, votre visage, lié délié, relié dans l'épaisseur des murs de
vent, visage couturé,
Visage, votre
visage né d'une histoire qui porte encore le sel des antiques marées,
visage qui s'origine en créant dans le souffle-soufre de la page avant
que temps ne s'efface et t'efface,
Visage
inscrit dans la sinuosité de la chair, visage, vôtre, mien, hiéroglyphes
sur le chemin où il n'y a pas de chemin.
Tourbillon,
valse lente à l'envers, à l'endroit qui taille les corps jusqu'à la
moelle, pas de deux sans pas.
Visage, il
neige sur la lisière de votre hanche, le grésil a
froid.
La licorne a
sauté par la fenêtre.
***
Lèvres - mots
Électro choc, électrolyse, électro quelque chose c'est la vie avec
ses murmures, ses fusions, ses effusions, ses géométries d'alcôves, où
l'on se perd, se retrouve, tentative de communion avec l'absolu, tresses
dans le silence qui libère toute une chapelle de mystères à explorer
Vous
connaissez les voies et les tremblements, je sais les chimères et les
orages de brume sur la lande. Solfège pour jardins et déchirures, quand nos lèvres se bousculent en une danse
barbare.
Combien de lèvres ont lissé
votre prénom, combien de lèvres l’ont mordu, combien de lèvres lui ont donné corps ?
Sous chaque bouche l'homme est nouveau, l'homme est premier, l'homme
se redécouvre, renaissant, ultime.
Vos mots de nuit sont un hors temps, virtualité et réalité, être,
non-être, intelligence du dire, intelligence du corps.
Est-ce ou n'est-ce point ?
J'ai encore au creux du corps, au large du cœur vos élans d'homme,
votre lente montée dans un ailleurs parallèle.
Était-ce, ou avons-nous rêvé ?
Réalité ou virtualité ?
Vos mots, mes échos ? songes qui volètent, volages, caresses pour peaux aux reflets d'oasis,
baisers qui s'échangent dans des carrefours errants, lèvres qui
s'enlierrent, se prennent sur des corps qui font des ténèbres une aube.
Îles, vous êtes IL, mon île, que l'on prend dans la
douceur et la force du désir.
Mots, terre à
modeler, alliages qui
ne demandent qu'à être fondus,
métaux pour se donner l'illusion d'être Vulcain, juste un soir, Vulcain
devant sa forge face au feu.
Juste un
soir : brûler
Ne cherchez pas ce que sont exactement les mots, salive, battements
de cœur, réactivité, peu importe, conservez-les comme je les garde
précieusement, habitez-les comme je m'y love, croquez-les comme je
m'en nourris, laissez-les fondre dans la sensualité de votre bouche.
Mots, ile secrète,
où s'ouvrent les tabernacles et se cassent les éperons, où vit le dire,
où s'obsurcit le banal et s'enlumine
l'essentiel,
île aux poètes ceux qui s'égarent rebelles, vérité hurlante aux
trousses juste pour faire germer des étincelles.
Vous dormez au loin, je veille au plus près.
©Nicole Hardouin
Présence de Nicole Harduin
chez Francopolis : sa note de
lecture
sur Claude Luezior, dans notre précédent numéro ; la chronique qui
lui est dédiée par Sonia ELvireanu au numéro de
septembre-octobre 2020, pour son recueil Lilith. Sur celui-ci,
nous citons également la notice suivante de Claude Luezior : « Nicole
Hardouin est tantôt poète de l'amour, tantôt poète de sang biblique. Dans
Lilith, ses bouillonnements s'entremêlent en un texte lyrique et profond
qui questionne l'âme humaine et les relations homme-femme à travers ce
personnage de légende. Comme dans ses précédents livres, la plume de la
femme de lettres bourguignonne met le feu au verbe, embrase l'oxymore,
tisonne les cendres des mots, célèbre en quelques traits un inconscient
en quelque sorte revivifié dans ses affres, sa solitude, ses éclats hors
du temps. De cette fusion entre l'écrivain et son propre texte naît une
relation transcendante qui enchante et fait frémir le lecteur aux
abois. »
Pour faire plus
ample connaissance avec son œuvre, lire des textes d’elle, des articles
critiques sur ses livres : rendez-vous sur son site ; commander
ses derniers recueils de
poèmes sur le site de l’éditeur Librairie Galerie Racine.
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