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ARCHIVES FRANCO-SEMAILLES

 


Janvier-Février 2021

 

 

Vous dormez au loin, je veille au plus près

Poèmes inédits de Nicole Hardouin

 

Peinture de Gérard Bouilly (1942-2007),

extraite du Catalogue de l'exposition rétrospective de Gérard Bouilly, collégiale Saint-Pierre-le-Pueillier, Orléans, 1985, texte de Nicole Hardouin

(reproduction d’après son site : https://nicolehardouin.weebly.com/livres-dart.html#)

 

 

L’universelle

 

Parcourir des galaxies

voyages intersidérants

je veux des lèvres comètes.

plonger dans les gouffres infernaux

ruissellement d’eau lustrale

je veux des bras racines.

 

Connaître le retournement du septième ciel

paupières recouvertes d’étoiles

je veux des ailes rouges d’anges déchus

des velours, des joyaux, des korrigans, Toi.

je suis la soyeuse, la voluptueuse

                      Mélusine, la blanche, la noire.

 

Chasser les ombres glissantes

taire les songes et passer le seuil

chercher un soleil noir, y découper une côte

façonner à homme à ma soif

je veux Adam, Sammaël, Orphée, Merlin et Toi

je suis la vénéneuse, la dévoreuse

                      Lilith, la conquérante, la satanique.

 

Trouver le puits et la source

poser, sur la margelle, l’escarboucle frontale

me désaltérer d’eau, d’orage, de vent

parcourir chemins, légendes, temps

je veux les écailles du dragon, le feu

l’émeraude de Lucifer, les dolmens, les cavernes, Toi

je suis la nocturne, l’ailée, la serpente

                      la Vouivre, l’énigmatique, la guérisseuse.

 

M’installer dans un jardin qui s’appellerait Parousie

un clos sans pommiers, seulement des arbres en cristal

des oasis, de l’ambre et des mangues

un serpent dressé, triomphant, un homme : Toi.

 

Je veux ton haleine, ta sueur, tes pluies

tes cieux, ta langue et tes désirs

je suis l’amante, la matricielle, le corail de tes songes

                      Ève la tentatrice, la hiératique, l’universelle.

                                                   la Femme.

 

*** 

 

Visage

 

Visage qui es-tu ?

Dans la lumière matricielle, lier, délier l'infinitude de l'invisible avec les mots de l'envers, ceux qui se déploient quand les ourlets sont décousus, mots de l'endroit ceux qui tentent encore, mots réverbères, mots calice pour offertoire interdit donc dit, mots tissés dans les murs du silence, comme ceux du labyrinthe de Dédale, murs aveugles avec l'ambiguïté de cent chemins qui se rompent, s'entrecroisent mais d'où l'on ne revient pas sauf à casser le fil d'Ariane.

 

Visage aux mots entrelacés, mots foudre.

 

Visage, je te connais, ne te connais pas, te reconnais, Visage venu, revenu qui êtes-vous ? toi, vous qui habitez précisément là où on n'habite pas ?

 

Visage des soirs où l'homme est nu dans sa grande déchirure.

Visage qui tire l'aube de la nuit comme la femme tire l'eau du puits à Samarie

Visage, ton visage, votre visage, lié délié, relié dans l'épaisseur des murs de vent, visage couturé,

 

Visage, votre visage né d'une histoire qui porte encore le sel des antiques marées, visage qui s'origine en créant dans le souffle-soufre de la page avant que temps ne s'efface et t'efface,

 

Visage inscrit dans la sinuosité de la chair, visage, vôtre, mien, hiéroglyphes sur le chemin où il n'y a pas de chemin.

 

Tourbillon, valse lente à l'envers, à l'endroit qui taille les corps jusqu'à la moelle, pas de deux sans pas.

 

Visage, il neige sur la lisière de votre hanche, le grésil a froid.

 

La licorne a sauté par la fenêtre.

 

***

 

Lèvres - mots

 

Électro choc, électrolyse, électro quelque chose c'est la vie avec ses murmures, ses fusions, ses effusions, ses géométries d'alcôves, où l'on se perd, se retrouve, tentative de communion avec l'absolu, tresses dans le silence qui libère toute une chapelle de mystères à explorer

 

Vous connaissez les voies et les tremblements, je sais les chimères et les orages de brume sur la lande. Solfège pour jardins et déchirures, quand nos lèvres se bousculent en une danse barbare.

 

 Combien de lèvres ont lissé votre prénom, combien de lèvres l’ont mordu, combien de lèvres lui ont donné corps ?

Sous chaque bouche l'homme est nouveau, l'homme est premier, l'homme se redécouvre, renaissant, ultime.

 

Vos mots de nuit sont un hors temps, virtualité et réalité, être, non-être, intelligence du dire, intelligence du corps.

 

Est-ce ou n'est-ce point ?

 

J'ai encore au creux du corps, au large du cœur vos élans d'homme, votre lente montée dans un ailleurs parallèle.

 

Était-ce, ou avons-nous rêvé ?

Réalité ou virtualité ?

 

 Vos mots, mes échos ? songes qui volètent, volages, caresses pour peaux aux reflets d'oasis, baisers qui s'échangent dans des carrefours errants, lèvres qui s'enlierrent, se prennent sur des corps qui font des ténèbres une aube.

 

Îles, vous êtes IL, mon île, que l'on prend dans la douceur et la force du désir.

 

Mots, terre à modeler, alliages qui ne demandent qu'à être fondus, métaux pour se donner l'illusion d'être Vulcain, juste un soir, Vulcain devant sa forge face au feu.

 

Juste un soir : brûler

 

Ne cherchez pas ce que sont exactement les mots, salive, battements de cœur, réactivité, peu importe, conservez-les comme je les garde précieusement, habitez-les comme je m'y love, croquez-les comme je m'en nourris, laissez-les fondre dans la sensualité de votre bouche.

 

Mots, ile secrète, où s'ouvrent les tabernacles et se cassent les éperons, où vit le dire, où s'obsurcit le banal et s'enlumine l'essentiel,

île aux poètes ceux qui s'égarent rebelles, vérité hurlante aux trousses juste pour faire germer des étincelles.

 

Vous dormez au loin, je veille au plus près.

 

©Nicole Hardouin

 

Présence de Nicole Harduin chez Francopolis : sa note de lecture sur Claude Luezior, dans notre précédent numéro ; la chronique qui lui est dédiée par Sonia ELvireanu au numéro de septembre-octobre 2020, pour son recueil Lilith. Sur celui-ci, nous citons également la notice suivante de Claude Luezior : « Nicole Hardouin est tantôt poète de l'amour, tantôt poète de sang biblique. Dans Lilith, ses bouillonnements s'entremêlent en un texte lyrique et profond qui questionne l'âme humaine et les relations homme-femme à travers ce personnage de légende. Comme dans ses précédents livres, la plume de la femme de lettres bourguignonne met le feu au verbe, embrase l'oxymore, tisonne les cendres des mots, célèbre en quelques traits un inconscient en quelque sorte revivifié dans ses affres, sa solitude, ses éclats hors du temps. De cette fusion entre l'écrivain et son propre texte naît une relation transcendante qui enchante et fait frémir le lecteur aux abois. »

Pour faire plus ample connaissance avec son œuvre, lire des textes d’elle, des articles critiques sur ses livres : rendez-vous sur son site ; commander ses derniers recueils de poèmes sur le site de l’éditeur Librairie Galerie Racine.

 

 

 

 

Nicole Hardouin

Francosemailles, Janvier-Février 2021

recherche : Dana Shishmanian 

 

 

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