Textes
Le jour, en ce matin d’octobre,
s’attarde sur les branches languides et les feuilles
froissées. On croirait qu’il veut mourir avec
elles. Le ciel et sa grisaille écrasent les
montagnes.
Il fait doux, cependant, très doux pour la
saison.
Ce qui manque à ma vie, je l’oublie en
marchant. Quelques fumées s’élèvent derrière les
buissons et dessinent dans l’air des figures étranges,
pareilles à celles qui remuent dans les tiroirs des
souvenirs.
Bientôt, après m’être arrêté près d’une
ancienne croix que l’on fleurit, même en hiver, ému, je
me tiendrai devant la petite usine abandonnée
dont l’horloge au-dessus de ce qui fut l’entrée des
ouvriers, marque neuf heures dix-sept – depuis
des années.
Richard Rognet
(Inédit)
Dommartin-lès-Remiremont
Octobre
2009
***
Dans la vie, un Atelier d’Écriture
Hier
athée, aujourd’hui lecteur
Ainsi
se crée la possibilité de devenir auteur, voire poète
Car
écrire est un jeu, dont les règles se découvrent au fil du texte
Les
lettres y sont tirées, reliées, étalées et élues
Puis
transformées parfois en rire
Parler
pour raconter, et cela sans tri de lecteur
Et
défendre ses pensées avec un stylo
Étaler
la terreur
Creuser
pour que poussière et banal soient sens, spontanéité et esprit
Rigoler
en inventant, mais surtout être vrai
Lecture
et écriture sont les attelles reliant la rupture des mots
Enfin
pouvoir dénoncer la traite de la laitue
Accepter
l’art de tuer
Et
hurler sur Tutur qui crie, étale son lard et rit
Ritale,
athée, lecteur, quoi d’autre ?
Émilia
***
Atelier d'écriture
la musique de ma rue
me relie à ma culture
je m'évade de mes
pensées
sans lutter pour me
faire une cure
discuter avec eux à
travers mes écrits
me donne des idées
claires
et je m'imagine un monde
parfait
je me sens hâté de
dénoncer
les maux sur mon culte
mais mon fond est clair
je rêve de décrire le
monde et de
partager mes pensées
lire pour apprendre
c'est montrer
l'originalité de
l'écriture et sa perfection
réécrire sans cesse me
permet de partager
ma joie
Yves
***
La
pudeur de l’élégance
La
cécité des étoiles
N’est
que l’inscription
Fanée
des anges.
La
rivière de l’amertume
Reflète
les vertus
Des
fraises et des orties
La
profondeur de nos chimères
Nous
permet de mieux résister
À
toutes ces roses entassées.
Cette
promenade audacieuse,
Au
cœur du temps,
Embrasse
ton absence.
J’affronte
tes regrets.
Personne
ne me voit.
Personne
ne m’entend.
Les
étoiles n’ont aucune profondeur d’espoir,
Elles
griffonnent et gribouillent
L’ombre
de ton amour.
Marine
***
La route est blanche
Un sentiment de mal-être
m'englobe
Chuchotements
oppressements clignotements
Parfums encres
Rires cris cliquetis
Claquements et
grincements
Regards angoissants
Encerclée d'images
J'ai peur
Peur mystérieuse
Venue d'un rien
Joie amère
Rejoignant l'impossible
Chuchotements oppressements
clignotements
Sentiment de déjà-vu
Parfums encres
Solitude face au bruit
Rires cris cliquetis
J'ouvre les yeux
Et tout est fini
Pauline
***
Pierre m'a déçu...
Pierre
n'est pas un simple caillou
Non,
il était bien plus que ça, Pierre
Il
m'a volé, Pierre m'a volé mon ombre
Ombre
volée Pierre
Simple
caillou capable de mentir
Pierre,
protège ce qui va éclore
Éclore
il va Pierre
Mentir
menteur, Petit caillou simple pierre
Il
vit en moi.
Il
vit dans mon coeur de pierre
Aime-moi
Pierre
Pierre,
le poème
Le
poème est l'amour
Amour
réalisé du désir pierre
Petit
caillou entend cela !
Pierre,
je te supplie maintenant
Demeuré
désir
Désir
Pierre demeuré
Pierre
mon ombre a volé
Mentir
Pierre
Caillou
dur
Simple
pierre
Pierre,
caillou dur il est
Pierre
a menti
Pierre
a trahi mais moi aimer Pierre
Marion
***
Ma chère Otarie,
Eh bien ! Que de
chimères, que de chimères ! Cette blague-là ne m'a pas fait rire.
Je
savais que c'était du chiquet. Lorsque j'ai vu ta ribambelle de cageots dans
mon potager, j'ai aussitôt appelé Tristan et Stanislas. Ils ont pris l'auto et
sont partis immédiatement de Paris. Je les attendais, je leur préparais une
bonne chicorée avec patience quand soudain j'ai senti une affreuse odeur
d'essence... Quelle malchance ! La voiture dans les conifères ! Ils ont
roulé sur mes pensées ! Ils ont ruiné mes semences ! Bien heureusement eux
n'ont rien. Sauf Tristan qui a cassé son alliance, une bague qui datait de
l'époque celtique ! Et un escargot a péri, ma foi tant pis !
Pour nous remettre de
nos émotions nous nous sommes remplis la panse de chipolatas. Quelle déchéance
pour une fille comme moi qui n'aime que le risotto bien consistant (une recette
qui nous vient de nos ancêtres ostrogoths. Étonnant non? Comme quoi, il n'y a
pas que les ritals qui savent faire la pitance ! )
En tout cas, je ne te
fais plus aucune concession. Tu es bonne concitoyenne, mais mon chemin ne
converge pas vers le tien. Va donc retrouver ton alchimiste, moi je vais
retrouver mon histoire, j'ai un contrôle sur l'Empire ottoman.
Rendez-vous sous
l'archipel à 15h.
Constance
***
Notre
Gouveromance
Je
veux un état social actif, genre stratégie de Lisbonne ou modèle danois, un peu
de flexibilité et beaucoup de créativité. Nous étions pourtant en projet.
Responsabilisation et justice sociale étaient à l’ordre ! Mais maintenant,
finie l’égalité des chances ! Il n’y avait plus que toi pour moi et moi pour
toi. Ainsi on créa notre flexisécurité. Progressivement notre wordfare a
détruit l’équilibre, ce fut l’économie sociale du marché. Exclusion de l’ordre
social, finie l’équité. Le contrat vivre-ensemble a muté, faites place à
tolérance zéro ! Entre inclusion et exclusion, on prône le blairisme. Échec de
la conditionnalité des allocations, donc droits et devoirs exclus ! Peut-être
reste-t-il quelques droits acquis mais où sont les devoirs ? De revendication,
nous sommes passés à révolte, puis à guerre. Chaque peuple meurtri, notre
gouveromance fut finie.
Force et puissance
Les
lucioles luminescentes brillent en silence. L’aurore arrive, et le spectre
d’une journée s’installe. Les derniers souffles se font entendre. Leurs corps
gisaient là, au milieu du fleuve. Nez, crânes, minuscules têtes humaines
phosphorescentes, tout est soumis à la moquette, chose effrayante. C’était le
premier amour, gracieux et fantaisiste, mais étrange aussi. Maintenant elles
sont seules, torturées par le néon vert. Le soleil étincelant éclate dans
l’espace. Une déesse de marbre, une Vénus de cristal, luit et veille à présent
sur elles. Le profond abîme creuse leur vie. Elles ne sont plus que braises
attractives et éclats flambants. Ces insignifiantes femmes bercées d’ardentes
illusions abordent les mystères de la lune. Avec force, elles sombrent, l’enfer
n’est pas loin. Elles remontent, les voilà dans la malle des nébuleuses. La
dureté du regard s’adoucit, c’est l’œuvre d’un rire. L’eau en devient rose, la
lumière, fantasque. Sur un temps d’arrêt, la mort si attractive les emporte.
Deux saintes sont nées
Émilia
***
Ma voix se tait
Je m'en vais
Ton coeur plein de vie meurt
Alors je m'en vais
Tu te blottis dans un coin
Et je m'en vais
Vers des collines
Vers des pays inconnus
Je m'en vais
Le ciel s'enfonce de plus en plus dans l'ombre
Et je m'enfonce dans les bois sombres
Tu me regardes de loin avec mépris
Cet amour entre toi et moi est simple comme une chanson
Mais je m'en vais
même si je ne sais où aller
Je regarde ton visage une dernière fois dans la nuit
Alors des heures de rêves passent
Enlacés, entremêlés
Ravir un baiser, ce baiser
Il fait bouillir notre sang et briller nos yeux
Je souris, amusée
Ce dernier instant de bonheur m'emplit le coeur
Mais quand la première étoile du soir disparaîtra
Je m'en irai
Marion
***
La
plaie
Bavard
comme une pie. Menteur comme un politique. Roi de l’hypocrisie et de la
rhétorique. Mon épaule sur la tienne te faisait gouverner mon cœur. Tu avais
pris le pouvoir des sentiments et tu t’enfermais dans ta bulle. La liberté et
l’égalité disparaissaient et laissaient place à une monarchie absolue. L’abolition
de tous mes privilèges faisait monter en moi une certaine révolte. Révolte qui
voulait faire pression sur toi. Je voulais te pressuriser, t’envoyer une balle
pour te faire tomber de ton piédestal. C’est un rêve. Un rêve où l’avenir sans
toi est plus rose, plus serein et où repose une relique de toi, à Athènes,
comme dans l’Ancien Temps. Une photo de nous se trouve désormais en paix,
là où la pluie et le public ne peuvent l’atteindre.
C’est une
relique épique qui enfonce chaque jour le couteau dans la plaie.
Marine
***
Maternelle
pleine de compassion et
d'émotion
cet ange donne toujours
ce qu'il y a de mieux
bâtie comme une
guerrière elle déploie
ses armes à l'occasion
derrière sa lumière
chaleureuse
se cache l'ombre des
pensées
miroir de la bonté et du
savoir
elle n'a jamais cessé
d'être là pour chacune
des minuscules têtes
humaines
peu importe le temps qui
passe
cette eau de rose veut
conserver le présent
et le reflet de la joie
Yves
***
Black dream
De vieilles connaissances,
cachées dans mon chapeau de souvenir
It's Over...
J'ai crayonné les murs
of this black world, pour enfin un peu me dépayser
It's over...
Cherche pas à comprendre,
caresse les mots et fais la paix avec ton mal de vie
It's over...
C'est demain, c'est
ailleurs, dans cette journée perdue que nous marcherons de travers
It's over...
Dans ce tiroir scellé,
mes souvenirs parfumés à la vanille, à jamais sont bloqués
It's over...
Des chansons comme des
faux soleils me rappellent un bouquet de pensées
It's over...
Quand rien n'attend
plus, pleurer d'eau ou de sang ne change rien
It's over...
Un homme qui ne
reviendra pas tout ça parce que l'amour a pris le bord sur le Titanic
This black dream is over!
Marion
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textes tirés du receuil
Poético
Scriptique
"libérez vos crustacés syntaxiques"
2009-2010
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