Le vieux Russe
L’oiseau boit sous la lune des
étangs de miroirs •
écrit
avec son bec les cimetières de l’air –
et
dépose dans le labyrinthe aux fenêtres murées des archives de
plumes •
à
l’absurde avec seul je creuse dans l’orbe cendreux l’inutile –
mon
regard évaporé dans naguère •
j’habite
une chambre de nerfs et de serpents –
je
me dissipe dans le lointain et le vague de même que le souvenir et la
tour •
et
voilà encore l’encre violette du crépuscule –
corde
étrangère et larme du funambule qui se pend tous les jours •
et
le temple de chaos où j’adore des fantômes d’étoiles –
pour
voler des lettres dévorées par les chiens de l’oubli •
trop
de chemins promis ne furent qu’autrefois –
trop
de manteaux ne se sont avérés que pluie et vent •
des
vieux livres nous ne pouvons plus cueillir que des sources asséchées –
des
vieux livres nous ne pouvons plus boire que les épis de la
sécheresse •
ta
chevelure est or de poussière – tes lèvres sont sommeil de cendres •
et
à nouveau je coupe avec des lames de dégoût et de sourire les amarres du
monde •
je
danse – moi, le funambule –
sur
les cordes de la frustration qui me carie la vie et l’âme •
avec
des échardes de cris, je me cherche –
et
je me demande – et je m’appelle •
oui,
je me demande – comment je pourrais habiter
une
autre demeure que le souterrain •
oui,
je me cherche – où ailleurs que dans la ruine
des
sous-marins et des croiseurs coulés •
je
m’appelle – où ailleurs que dans les effondrés –
les
maudits pays et cités des damnés •
parmi
les équipages innombrables des peuples assombris par le sang •
oh!
ce fer, il est exil – et invasion – et envie bleue •
et
vide de souffrance – peau sans corps •
oui,
cette peau qui cherche son corps quelque part – nulle part •
cette
flamme de torturante névrose qui quelque part – nulle part –
cherche
son éteint •
et
ce vieux Russe – comme un géant de résignation et noirceur •
oui,
ces fosses létales – toujours étrangères, tel un lait ultramarin •
comme
un matin de métal toujours assoiffé •
et
la maison de nerfs et de poussières d’or –
la
chambre de serpents et du sommeil de cendres •
et
la mort qui se coagule de nulle part et d’ailleurs –
la
mort qui finit toujours dans l’obscur –
et
laisse derrière elle des squelettes de sang •
et
les violons aux ailes aveuglantes –
nous
exterminant tels de sombres seigneurs •
... oui, et ce vieux Russe comme un
géant de résignation et noirceur... •

Diable pleurant
Lune, déesse des insomnies •
absurde
lumineux glissant à travers le miroir et la nuit •
sourire
oublié comme une barque sur des pleurs livides •
le
diable pleure en chantant les automnes de l’éphémère aux splendeurs
abolies •
larmes
étrangères sur les joues obscures de l’âme –
voyageuses
invisibles sur les voies de la peine •
rayons
mystérieux comme les murmures prophétiques de la fin
si
pleine de commencement •
des
clés obscures déverrouillent ma fièvre et mon froid •
et
l’amour née de la double écume – le vin abyssal de l’océan •
ainsi
je suis devenu – ainsi je me suis méconnu •
ainsi
je me suis jeté labyrinthe dans un royaume de douleur •
me
mêlant à la semence chaude rougie par le sang –
dans
une double ivresse d’incandescence et d’innocence froide •
et
toi espérance – étrange fantôme que le soleil ne chasse point –
toi
qui prolonges la nuit dépressive dans le jour •
personne
erre dans l’ombre comme une bouche des
illusions –
comme
une gare des mirages •
à
chaque pas plus seul avec insoluble en exil •
mais
le dilemme est un prétexte pour de plus létales voies •
impondérable
je sors par les fenêtres blanches
et
je ramasse dans des paradis éblouissants
les
nouvelles fleurs aux corolles atomiques •
je
fais l’amour aux nymphes de lueur brisée –
et
je comprends avec plus de nostalgie les ténèbres •
le
bleu s’est arrêté dans une obscurité d’en dessous –
et
l’horloge promène en moi ses heures blanches •
comme
si mille yeux aspiraient d’un sol invisible les regards hélés –
aveuglant
d’aveuglant •
tu
descends sur les marches imaginaires de l’eau –
t’égares
dans les canaux étroits entre barques et chandelles •
et
tu cherches une sortie dans chaque éclat de ta disparition
impossible •
dans
chaque bris de ce jeu extatique à l’oubli •
dans
chaque débris du jeu à n’avoir jamais été •
oui,
dans chaque débris...
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