Au commencement de la misère
Mon père arrosait l’obscurité
Et ma grand-mère séchait au soleil
comme un raisin sec
D’un pays lointain, toute cette
misère
L’électricité grise
L’eau noire
Le sabot du soir
Des habits pour couvrir le jour
Un oncle ancien qui continue de
creuser
Nous étions une famille sans
doigts
Et nous ne faisions que balayer les
papillons
Chaque matin
Congé de fin de vie
La rose est devenue vase
Je n’ai plus le droit de défendre
le printemps
Il n’est plus de mon droit de me
prosterner
Sur les sangs de l’alphabet
Le pays qui m’a quitté n’est habité
que de moi
Mes pas ont égaré les péchés
Alors que je défendais le lit de la
Magdeleine
Tout t’a déçu
Tout t’a déçu
Le bus la station du bus les lacets
de tes chaussures
Tout t’a déçu
Le briquet le dé de jeu la clé de
ta porte
Tout t’a déçu
L’anti-migraine
Le robinet d’eau
Tout t’a déçu
Même le poison avalé secrètement et
qui n’as pu te tuer.
Analyse grammaticale de la charogne
Elle est sortie de ses ongles
Pour rentrer dans sa victime
Elle mit pore sur chaque pore
Et pua
Il ne lui suffisait plus de la
mouiller et la tordre
Afin qu’elle redevienne une cote.
Nos morts sans ennemis
En souvenir d’un mort
Il n’est pas de droit pour l’air
De souffler comme il l’entend
Il n’est pas de droit pour le sang
De retourner en arrière
Il n’est pas de droit pour nos
morts
De mourir avant nous
Faire des adieux à notre adieu
Ranger leurs habits, leurs absences
dans notre tristesse
Il n’est pas de droit pour nos
morts
De mourir comme nous
*
Nos martyrs sont
Tout ce que le khalife
A ramassé comme butin
Sortie
Chapeau manteau et chaussure
Nous avons marché sous l’oubli
Nous avons frappé à la porte de
l’obscurité
Et nous sommes rentrés
Nous avons couvert une femme d’un
index
Puis nous sommes sortis
Chapeau manteau et chaussure
*
Plus longue sera la trêve avec le
loup
Plus grande sera sa faim
Ne t’allonge pas
Ne t’allonge pas
Les coups de feu morts dans ton dos
N’ont pas l’intention de te tuer
Ne t’allonge pas
Ne dissimule pas ton ombre
Ne donne pas ta forme à l’herbe
endormie
Ne donne pas ton paquetage
Et regarde comme si le tueur n’est
pas en train de danser autour de toi
Continue tes pas
Mieux que toi le hasard ne trouvera
pas qui aimer
Continue tes pas jusqu’au café
Comme si ton ami n’a pas été tué
avant toi
La poésie
Elle était moi comme moi j’étais
elle
Elle m’a trahi comme je l’ai trahie
Comme si maintenant
Elle ne m’a jamais dit ni moi je
l’ai dite
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