Herbes de la langue, Arbres de pêchés
Debout aux confins des langues
Et la chimie ronge les colonnes
du ciel
Ne m'ont point échappé les
couleurs des lettres
Et je n'ai pas oublié leur gout
acide dans le sang
Debout,
Je tente de ravauder les atomes
de l'être
Si au moins je savais le sens
du sens
Et peut-on nommer les choses
sans langage :
(Le rêve, la malédiction,
l'oie, les tortues des mers, l'encre, les tremblements du sein affolant…)
Réponds sans ouvrir les
dictionnaires
Laisse les morts se reposer un
moment
(Le catapulte, l'honneur
suprême, la pomme du pêché, les gardiens de la Kaaba, ses violeurs)
Ne réveille personne,
Laisse-les se sédimenter au
fond du fleuve
Demain, après des millions
d'années, ils se transformeront en pétrole, en légendes…
Debout,
Jusqu'à quand t'habiteront le
rythme et la rime ?
Peut-on faire rimer la dance de
l'abeille ?
Peut-on faire rimer l'odeur de
la terre après la pluie ?
La mesure supportera-t-elle
l'appel de l'amandier aux vents féconds ?
Comment font les chameaux pour
éclaircir les contes du désert
Sans que, devant eux,
s’entremêlent les routes ?
Mais l’arbre vert fut,
Et là, l’eau simple et naïve
créatrice de tout.
Debout,
Je tente de libérer des sens la
parole première :
L’amour ne signifie pas que
nous soyons des étoiles
Et que nous ayons besoin de
nuit pour pouvoir éclairer
Et ne veut guère dire que nous
mourrions sans nous brûler
Et sans découvrir le désir et
les espérances.
L’amour c’est aimer le voyage,
Pas la mer ni la barque
Revenir au port pour trouver
une nouvelle terre
Et désirer davantage le sel du
voyage
Ainsi est le sein de celle que
j’aime
Que les langues ne maitrisent
point…
Même lorsqu’elles
annoncent :
(C’est un trottoir en exil
Des voix de rossignols
chosifiés
Âmes de jasmin dans les
tourelles d’éther)
Il reste obscur et sacré comme
les préambules des sourates
Debout,
J’essaie de distiller la
douleur dans les choses
Je tendrais la main, si je
pouvais
Pour cueillir une époque que je
n’ai pas vécue
Et je vois des forêts qu’on
appellera des villes
Des fleurs devenues mares dans
les cages des immeubles
Et le singe nu, mon grand-père,
Couvre le corps des choses de
significations
Apprivoise les chats et le
diamant
Les pieds des montagnes le vin
et les mythes
Il rêvait.
Il rêvait sans savoir que le
rêve est pourvoyeur des fleuves
Vers les mers
Créateur d’arbres à partir des
graines
Que le rêve est la rame des
barques
Voile des bateaux, charbon des
locomotives
Aile de l’homme vers la lune…
Dissimulé derrière la poésie.
Je tente de détruire
l’inhabitable :
Y en a assez des prières des
clercs devant la croix
Et des échos des cloches dans
les étendues
Assez des courbettes de l’Indou
devant le cobra
Et des
prosternations de l’Africain devant les arbres
Assez de
ces statues adorées que nous fabriquons
Et que
nous mangeons dès que nous avons faim.
Debout,
Je ne
vois de la nature que ce qui se voit
Ces temps
sont de fer, mercure, rayons, parfum, faim, guillotines, goudron, nectar,
voyage…
Ce sont
les chants de l’Euphrate pour la Volga
Et des
mélodies de l’Atlas pour les Alpes
Ne sois
pas triste, toi l’enterré dans les mines en Bolivie
Ou dans
les laboratoires de l’atome secrète à Téhéran
Cette
langue-ci n’est pas connue des anges et des opulents
Parce
qu’ils ne se sont jamais endormis sur une faim/un amour
Et ton
bras noir de charbon
Ton
poumon malaxé d’uranium
Seront
cités dans les mythes des temps futurs
Estime-toi
heureux ; c’est l’ère d’un prophète qui a pour miracles :
(Les
laboratoires, le cœur artificiel, les entrelacs de la poésie, le rouge à
lèvres, les feux des voitures, les boites de nuit…)
A toi de te réjouir et de savoir
Que la
terre est Dieu
Que les
nègres sont une autre neige dans le nouveau langage
Et que la
poésie est soufisme de la science
Questionnements
des charrues/ réponses de la terre
Tombe du
hasard/ funérailles de la fable
Et
l’utérus de la chimie/ les papillons et…
Les
pêchés glorieux
Debout
Les
fœtus, les bourgeons et les cellules, viendront-ils
Si ça ne
tenait qu’à moi, nous sèmerions les linceuls en utérus
Et si
nous partons sans retour
Reviendront
le printemps, nos enfants et les semences
Ils
clôtureront les limites de l’univers à l’aide de langue et de jasmin
Fabriqueront
leurs pluies nuage par nuage
Reconnaitront
la maison par sa menthe
Et sous
leurs rêves dormira l’impossible.
Traduit de l’arabe par Kader
Rabia
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