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Laurence de Sainte Maréville
  sélection avril 2006

elle se présente à vous

 Escapade

 
L'hiver a de la chance, je suis une calligraphie enracinée, un plaisir émoussé, une symbiose. Je regarde et me tais. Élever la voix c'est prendre le risque de faire partie du décors, de tendre la main à l'espace, à la matière, sentir la morsure de la lumière. L'hiver a de la chance, je lis les perroquets fracassés sur les murs des cellules et ma voix n'a pas de portée, pierre jetée dans un lac elle ne trace aucun cercle. Le mouvement vient d'ailleurs. La fracture déshabille les prisonniers de l'intérieur, les yeux exilés sont baissés dans une ivresse similaire.
 
Fouettée à la taille je suis à l'antipode de l'être humain, eux aussi mais il ne le savent pas. Ils disposent des bougies sous les globes, s'abstiennent des réveils, culbutent les entailles du monde en disposant de la chaux vive sur les paillasses. Ils y croient.
 
Demain la sécheresse aura gagné la mer, les silhouettes malingres se baigneront dans l'absurde, elles tireront la langue en pensant se sustenter de ciel. Personne n'est furieux, les caractères se sont forgés dans la tourmente, les sentiments sont enfouis sous des pelletés d'identité. L'on installe des bivouacs recouverts d'encre couleur d'ambre, quelques flacons ont fui, il a fallu les reboucher d'extrême urgence, l'escapade n'est pas tolérée.
 
Je réintègre la nappe dormante et dominante, j'invente un joli mot pour les menottes qui lient mes chevilles, je me fonds dans les regards superposés, je suis étrangère à ma propre  chair.
 
L'on montre du doigt ceux qui pleurent encore, il va falloir les passer dans la machine à décontamination, assainir leurs cellules engorgées de mémoire et de pousses. Ce n'est qu'une formalité, rien de plus.
 
La cour centrale accueille les fardeaux des nouveaux. La montagne des charges émotives est recouverte d'essence, de sarcasmes et de quolibets. Les lèvres fendues libèrent des relents d'égouts. Un chat tourne autour comme une aiguille d'un pendule détraqué. Une petite fille miaule en se tenant le ventre.
 
L'hiver a de la chance, j'épouse le dos maigre des passants. Je suis à moitié remplie ou à moitié vide comme l'on voudra, j'intègre mentalement l'objet qui pourrait contenir. Les semblables ne s'émeuvent pas, ils ont connu l'épreuve de l'inflation puis de la déflagration. La peau est devenue grise dans l'épaisseur à force de côtoyer les murs. L'essaim carcéral massacre les étincelles dans les yeux descendus des véhicules, avec douceur, avec retenue comme une mère annoncerait le jour des grandes lessives pour le bien de ses petits.
 
Je campe à l'orient, sous la jungle dans ma tête. J'habite une branche, je ne dirai pas laquelle. J'étrangle le temps, il crible mon visage d'aime.
 
Ça y est ! Ils ont choisi l'objet dans lequel je vais être refondue !
 
J'ai de la chance...
 
c'est un oeuf en albâtre, d'un beau vert de printemps translucide.
 

***


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Créé le 1 mars 2002

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