Vos textes publiés ici après soumission au comité de poésie de francopolis.







 
actu  
  archives

 


LEA
  sélection février 2005

elle se présente à vous.


  Les âmes nues

 

Le front contre la vitre j'observe les âmes nues.
Cruellement clouées sur des corps rescapés
tellement détruits qu'il est impossible de discerner
les bourreaux des victimes...Obsession.
Scène dérisoire pourtant…silhouettes émouvantes de solitude
dans un espace de totale a-communication.
Comment exprimer la force de tuer et la force de survivre ?
Je ne sais pas. Il fait si froid… Demain le fleuve sera gelé.

Dans ma tête ils tournent ...inlassablement...

Lui, vieil homme, imposant d'indifférence, torse nu sous sa veste,
les pieds enveloppés de chiffons qui ...inlassablement...
fouille dans le fond d'une charrette vide.

Elle, femme sans âge, aux cheveux rouges, silhouette déformée, boitillant
sur des talons aiguille et menaçant ...inlassablement...
le même ennemi invisible.

Et puis cet autre… si frêle, dénudé, le regard au raz du froid,
un bouquet desséché à la main et qui tente ...inlassablement…...
d'en retrouver le parfum.

Et tous ceux... qui ...inlassablement... dans les brumes ou ailleurs.

Inlassablement?…que peut bien cacher ce mot qui de toute éternité
semble repousser les limites de leur détresse et les maintenir encore debout,
ces indésirables survivants de la dernière heure.

Fantômes aux idéaux désabusés, hachés par la violence exécutrice de l'histoire,
tellement au cœur de marbre de leur misère, qu'ils n'en ressentent même plus

la froidure. Ils ne résistent pas, ils ne contournent pas. Ils restent là…plantés au beau milieu...
la respiration au minimum... Imminence latente d'une ivresse repoussée.
Chacun sa rive. Le fleuve ne sera pas franchi. Ici... même le vent est solitaire.

Leurs démons avides de neutralité se révolteront peut être une nuit.
Ils se souviendront de ces lieux isolés où le sang jaillissait, devant les yeux étonnés
de leur jeunesse en uniforme, pour l'honneur d'une patrie, qui n'existait que dans leurs rêves.
Que le ciel leur accorde un brin d'innocence, sans véritable pardon, et les pousse à déserter... A courir vers l'avant. A respirer ...enfin.

Qu'un regain de mémoire ramène leurs printemps, leurs étés, leurs nuits où les filles étaient belles et disaient "oui" sans l'ombre d'un kopeck.
Tu es moi... Je suis toi... amor patria nostra... Laissons frémir nos mains et pénétrons dans ces ailleurs énigmatiques et chauds qui sont au cœur à corps de nos songes.

Je voudrais étreindre leurs phantasmes, arracher le drapeau écarlate fiché dans leurs cœurs, qui ne demandent qu'un chemin de traverse et des eaux libérées, pour semer les graines d'une moisson qui ne sera jamais achevée, mais où leurs nuits pourront enfin se vider des ombres torturées de la barbarie.
Avec eux... risquer l'amour...

Tu peux rêver… toi qui brûle tes rêves avec l'acharnement de celui qui adore le feu, caresse les flammes et marche sur les braises.
Te souviens-tu seulement du temps où tu aimais les fleurs ?
Quand as-tu rompu le fil d'Ariane ? Le jour où tu as cessé de vouloir ressembler aux femmes si ridiculement confortables de Botero? ou bien la nuit où tu as croisé un loup de Sibérie dont les blessures ont mis un terme à ta compassion pour les hommes ?

Fenêtre cadenassée. Je suis toujours gardienne de mes secrets. Aucun des hommes qui ont croisé ma route ne m'était destiné, mais je garderai toujours au cœur une passion d'enfance pour les loups.

Il faisait si beau le jour ou j'ai ouvert les mains, pris la vie comme on prend une grenade, avec précaution, sans intention de dégoupiller.
Et puis les mots, ceux qui tuent, aussi sûrement que les armes, ont entraîné mes illusions vers des émotions d'outre cause.
Naïvement armée, sans états d'âme, j'ai rallié, passionnément, et fait sauter la goupille...
Au fil des jours sans repos j'ai vu le soleil disparaître. Détruit... Lui aussi...
La suite ne relève que de la plus dure des réalités qui ne garantit ni l'intégrité du corps ni celle de l'âme.
Seul le silence dynamité des enfants-tueurs…et ces hommes si douloureusement nus.

Est-il possible d'avoir de la compassion pour ces spectres qui ...inlassablement... traînent dans leurs propres ruines? La réponse ne m'appartient plus.

Mais si trop misérables, ils ne devaient jamais revoir la lumière, que leur soit accordée la défense des nuits sans lune…celles qui protègent les guerriers de l'ombre...
Avec eux... risquons le noir.






 **

-> Vous désirez envoyer un commentaire sur ce texte?
        

 

-> Vous voulez nous envoyer vos textes?

Tous les renseignements dans la rubrique : "Comité de poésie"

Créé le 1 mars 2002

A visionner avec Internet Explorer