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Philippe Le Moigne  sélection mars 2005

de France , il se présente à vous


Toute vague a toute naissance
(extrait de Renée, ou La promesse oubliée)

Tu marches nue sur les sables humides. À tes oreilles le vent siffle le gémissement inouï de la mer ; à tes yeux s'offrent des formes spectres qui te contemplent ; tu as à tes pieds la naissance humide du monde et le spectacle fractal d'une vie qui tient dans ta main et que ton poing embrasse. Quelles villes, quelles ruelles propices, quelles foires bigarrées, tant de grouillements d'insectes délicats que tu pressens avant d'écarter doucement les doigts, de ne pas lever une prière à nul dieu vivant et d'offrir tout ton corps au sablier du vent.

Alors tu es la maîtresse du temps puisque déesse d'un temple idéal où le marbre des autels a fait place aux silices des dunes, le calice du vin aux silences des embruns, et le dévoilement à la révélation. Tu te plonges solitaire et comme étrangère au sein d'un sacrifice où l'homme se fait pierre, la nature prêtresse et victime immortelle.

Tu t'assieds sur le sable qu'ont forgé des siècles de marée, de reflux paisibles. Fermant les yeux pour mieux t'ouvrir, tu bannis tout refus et sais qu'au même endroit hier jouaient des enfants et qu'ils reviendront, ou d'autres, demain ou un autre jour, ou les enfants de leurs enfants, quand tu auras rejoint éteinte les étoiles, et que la même mer lassera le même sable, et que la même nuit allaitera un jour jumeau. Toujours la mer divine se fait discrète aux cris des hommes ; retirés, elle s'émeut et dialogue avec le ciel de nuit et les pâles étoiles, qui lui répondent par l'offrande d'une lumière surhumaine.

Tu te couches sur le sable et tu témoignes ici de cet ailleurs présent aux siècles. Toute vague a toute naissance, l'aurore éteint l'éternité qui brille par éclipses quand la mer est mer et le sable infoulé. Et tu témoignes, tu vis, tu vois, car tu mourras mais tu vis.

Le pouls des abîmes tressaille dans la vague noire qui te reçoit. Le cœur du monde est là où tu es, où que tu sois, au moment où tu te dévêts du monde pour l'amour et l'honneur d'une mer où renaître.


 

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Créé le 1 mars 2002

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