"Des pas sans traces" est un
roman-poème sur le monde de l'enfance après la deuxieme
guerre mondiale dans un faubourg de Bucarest. La Roumanie était
sous l'occupation des Russes et dans une période de la dictature
totalitaire.
Commencé en 1986, puis revu, complété, il est
terminé en 2003.
La poésie de l'âme d'un enfant protégé par
ses parents se tisse avec les événements réels,
comme veut le dire l'édifiante prière de l'enfant du
début :"Mon Dieu ,aide moi à porter pendant toute ma vie
mon âme d'enfant".
Dans ce livre,vous découvrirez des traditions,toutes les
coutumes des gens pauvres, ceux qui formaient une mosaïque
ethnique -Grecs, Italiens, Tziganes, Juifs, Bulgares . L'école
élémentaire, le collège et la faculté sont
trois sortes de harnais qui recouvrent et dirigent l'esprit de l'enfant.
L'épilogue essaye de déchiffrer le sens de l'existence.
À droite de la fenêtre de la
boulangerie il y avait un sumac de Virginie.
Il avait poussé vite, en quelques années il avait atteint
le toit du Grec.
L'été, pendant les jours torrides, je jouais sous les
brigandines d'ombre-projection de son feuillage exotique. Ma
grand-mère marmottait souvent à cause de lui, parce qu'il
prenait la lumière nécessaire aux fleurs.
-S'il avait été de bonne qualité, il n'aurait pas
tant poussé...
Je le regardais, pendant les automnes grisâtres
derrière les rideaux, quand le vent sifflait enroué, en
dissipant les haillons des nuages ; ses rameaux squelettiques
enlevés vers le ciel comme une prière, grinçaient
tristement… Je vivais à l'idée que du mouvement
écervelé des rameaux nait le grand vent. Si je le
taillais, le monde pourrait se débarrasser d'ouragans.
Cette espèce d'arbre avec la feuille qui sentait mauvais avait
une vitalité stupéfiante, en étant une
illustration parfaite de l'arbre-merveille des contes :"on coupait une
branche et deux poussaient à sa place".
Plus tard, je l'ai retrouvé dans les toiles de père
Rousseau - le Douanier qui, obsedé par le désir de
recréer la jungle africaine a peint maints palmiers à
l'allure des simples sumacs de Virginie...
Quels que fussent ses péchés, il était, à
coté du platane, un ami sérieux de mon enfance. De ses
feuilles je taillais des jupes "à la mode africaine", et de ses
branches fragiles on faisait des arcs, en luttant dans d'infinies
guerres tribales.
C'est vrai que les crispés guerriers exotiques ressemblaient
plutôt aux Bohémiennes qui invoquaient la pluie, quand la
terre désirait ardemment une gouttelette d'eau (nommées
en Roumanie ).
Le platane, que les Canadiens avaient mis comme signe sur leur drapeau,
donnait les choses nécessaires pour nous déguiser. Nous
détachions ses cosses adhérentes et en faisions de
"grands nez", qui rendaient nos physionomies un peu asiatiques.
Les après-midi chauds et sereins -semblables à notre
âme- quand les feuilles des peupliers derrière la cour
étaient engourdis dans une douce immobilité, nous les
troublions avec nos cris. Et c'était difficile de decider le jeu
dans lequel nous allions nous jeter ensemble.
"Jouer à cache-cache", la distraction
préférée, amassait autour de moi une foule de
gamins. Ce jeu avait quelque chose du suspense des films d'action -avec
des poursuites tendues, des constructions psychologiques et des
renversements de situations, tout cela pour préparer
l'entrée en scène des grands détectives de la
litterature policière "comics".
Parfois, nous restions jusqu'au soir et les ombres consolidaient le
mystère de la recherche.
Je rentrais à la maison la nuit, plein de chaux, sali de terre
ou de brique, égratigné et avec les vêtements
déchirés. C'est vrai que l'effet des désastres ne
paraît pas être perceptible sur de si sommaires
vêtements. Une chemise d'une couleur douteuse, autrefois blanche,
un short large avec une bretelle passée sur une
épaule, liée à la ceinture par un noeud -car le
bouton était depuis longtemps taillé et changé en
bille -et les pieds nus- tout ça était la tenue
obligatoire dans laquelle je me sentais "moi-même".
La chemise ne reussissait jamais la performance de rester dans mon
pantalon, flottant derrière comme un drapeau de fête. Je
n'aurais échangé contre personne ce Gavroche de Bucarest
qui avait à ses pieds un monde entier...
L'un de ces après-midi calmes, je suis arraché en plein
jeu par des cris venant de la maison. Quelle douleur j'ai ressenti
quand j'ai decouvert la première querelle de mes parents.
Il venaient justement de recevoir une enveloppe de la Perception.
Dedans il y avait une sommation avec un impôt déjà
payé sur les maisons de ma mère, mais qu'ils devraient
repayer, rétroactivement... C'était une technique pour
ruiner les vieux propriétaires. La somme écrite sur le
papier représentait trois salaires de papa :
-Je ne peux plus, Dorisor, vendons-les, au diable, et
finissons-en une fois pour toutes !
Maman n'aurait accepté l'idée pour rien au monde. Elle
reprocha immédiatement à mon père l'aide qu'il
avait donnée aux grands-parents paternels d'Amarasti pour les
quotas qui augmentaient toujours.
Quand j'arrivai dans la chambre, ma mère était
étendue sur le canapé avec un chiffon mouillé de
vinaigre sur son front, pendant que mon père se tordait,
désesperé, les mains. Ma grand-mère pleurait dans
la cuisine. Me voyant, elle me caressa le sommet de la tête.
-C'est rien.Va jouer, mon petit !
Dans ma cervelle je ne comprenais pas comment mon père, qui
divinisait son épouse, pouvait lui faire tant de mal.
Hélas, mon Dieu, mais c'était trop...
C'étaient des moments où le monde disparaissait, en
perdant son éclat...
Les periodes calmes, olympiques, des nos jeux étaient
interrompues par des campagnes guerrières. Nous creusions des
fossés, les entourant avec des murs de brique, les couvrant de
rameaux de sumac de Virginie que nous appelions des casemates. Sans
dénégation, on vivait sous l'influence de l'enfer des
films russes, qui abondaient sur les écrans.
Je me rappelle que, fouillant comme une taupe la terre, j'ai
trouvé, une fois, une monnaie étrange en cuivre. Elle
avait le contour déformé et le relief aplati.
L'inspiration ou la chance (l'absence de mes amis) m'ont
determiné à l'emporter à la maison pour me vanter
de ma decouverte. Papa l'a regardée, étonné, en
dénouant ma langue sur sa provenance, puis il a felicité
le petit archéologue veinard, en ajoutant :
-Toi, tu la perdras ou la donneras pour n'importe quoi... laisse-la
chez moi... je la garderai pour toi...
J'ai sécoué la tête, pas trop convaincu... Il l'a
posée dans une vieille cassette, à côté des
pièces en argent, avec l'effigie de Stefan cel Mare
(Étienne le Grand), Carol I et Ferdinand, m'expliquant que
j'avais découvert une monnaie byzantine de l'époque de Justinien.
La tristesse produite par la perte était
témpérée du noble rapprochement que ma monnaie
avait obtenu.
L'histoire mélangeait ses héros, en arrachant les
chronologies... Et même aujourd'hui je garde cette relique.
Je prends dans le creux de la main son contour imparfait aux reflets
rougeâtres et aux sillons vert-de-gris. Les deux "facettes" ont
la même signification pour moi. La monnaie étrange,
apparue dans le monde par un jeu, a sur l'avers l'image de mon enfance,
et sur le revers sont gravés les signes d'un grand empire
-Byzance. Tous les deux ont été détruits par la
fuite du temps. La providence a offert une fois, à un gamin
innocent, une monnaie en cuivre.
Niels Holgersson, le héros de Selma Lagerlof, pouvait racheter
la malédiction d'une ville, usant d'une monnaie semblable...
Quant à moi, j'aurais pu sauver mon enfance de la même
manière, aussi. Malheuresement, toutes les deux, nous avons
perdu l'occasion.
J'ai payé, toutefois, pour la leçon sur
"l'éphémère du monde".
Par les murs de la casemate, j'enlevais toutes sortes de
ferrailles, m'en imaginant des canons, des mitrailleuses, fusils et
autres moyens de radiolocation. Puis la guerre commençait. Elle transportait sur le seuil de la maison de
Bucarest le serrement entre les troupes soviétiques et
allemandes, descendues de l'écran.
Pendant ces années, comme je l'ai déjà dit, les
films russes avaient chassé des cinémas de la Capitale
tout ce qui était production occidentale. La thematique
dominante était représentée par la guerre, dans
laquelle les triomphants étaient, bien sûr, les
Soviétiques.
"Sevastopol, le kilometre 9", "Le sort du tambourin", "La symphonie de
Stalingrad"... "Les grues cendrées volent", "Le sort d'un
homme"...et combien d'autres...tous glorifiant le soldat russe -bon,
généreux, brave et prêt au sacrifice.
Dans "les guerres du coeur", la tradition était respectée
jusqu'à un tel point, en déconsidérant la fin du
scenario, écrit -là-haut- pour tous et toutes au Kremlin.
La victoire, "signée" par la démolition de la casemate
vaincue, suivie par les cris "je me livre" -une sorte de capitulation-
appartenait souvent, malheureusement, aux "pauvres" Allemands, les
"Soviétiques invincibles" s'en tirant "chiffonés" de
l'affaire. C'est vrai que les deux champs belligérants
comptaient, à la fin, assez de bosses sur les têtes …comme
décorations.
À cette époque, la Loi de la conservation de
l'énergie, les ondes radio, la fusée, la
pénicilline, l'évolution des espèces, l'ampoule
éléctrique et beaucoup d'autres avaient été
"decouverts" par les Soviétiques comme : Lomonosov, Tziolkovski,
Lebedinski, Miciurin, Lodigkin… mais : Lavoisier, Marconi, Oberth,
Fleming, Darwin et Edison avaient "plagié" les premiers "sans
vergogne".
C'était le temps où aucune équipe sportive des
"pays fraternels" ne devait vaincre celles soviétiques quand,
selon une blague "subversive" : "l'éléphant
soviétique était le plus grand et fort du monde" …et
notre action-libre -et totalement inconsciente- pouvait être
facilement considerée comme une dissidence "avant la lettre" de
l'enfance innocente, que la vie allait agenouiller bientôt.
La première neige a maculé son blanc pur par la boue !
Immédiatement, tout près de notre maison, dans
un corps voisin, vivait une sage-femme avec une petite-fille, (de 2-3
ans plus jeune que moi).
Les cheveux -tout bouclés d'or et les yeux- de petits morceaux
de bleu, étonnés et surpris, en un seul mot la nouvelle
amie se montrait, dès le debut, extrêmement aimable.
Jusqu'alors, je ne m'étais jamais bien entendu avec les filles.
J'étais tout comme les autres garçons : chassé,
ébouriffé ou "reclamé"…
Cette fois, il m'arrivait quelque chose d'étrange. J'avais
quitté mes amis, j'avais enterré la hache de guerre,
j'avais même oublié le monde de mes livres.
J'étais descendu de mes contes, dans autre conte... J'avais
trouvé, ici, un Eden, seulement à moi... Et j'en
étais étonné, émerveillé.
À l'appel de ma nouvelle amie, je descendais l'escalier de notre
maison paternelle entre deux coups de coeur. Et, mon Dieu, que de
marches il y avait.
Le ciel s'était approché de nous. Nous nous y
égarions ensemble. La terre avait disparu sous nos pieds,
lorsque les mains aspiraient à s'atteindre.
Je ne savais pas que déjà vivait le bonheur…Une vague de
joie m'accablait. Je ne savais pas que j'étais heureux.
Tout mon être s'efforçait de retenir l'instant serein. Si
j'avais su qu'il s'envolerait, j'aurais tout donné pour le fixer.
Ce garçon là avait découvert la main chaude et
tendre d'une petite fille.
J'avais fait un pas dans la vie, mais je m'étais
éloigné encore un peu de l'enfance.
Titela restait plus lucide que moi, me réveillant avec
un ordre court :
-"Tout comme la maman et l'enfant"
C'était le jeu que nous devions mimer, en ayant recours au peu
de connaissance acquise autour de nous…
Comme la partition de mère lui revenait, naturellement, j'avais
la posture ingrate de l'enfant. On sait que, le rôle le plus
difficile est celui d'être soi-même. Ainsi, "mon enfant" en
cherchant d'être toujours l'autre, finissait souvent par
désillusionner sa "mère".
Après quelques temps le jeu devint impraticable.
Évidemment c'était à cause de l'enfant. Ainsi on a
dû en trouver un autre, qui nous apportait une satisfaction
reciproque et dans lequel ma contribution gagnait des accents plus
crédibles, en impressionnant souvent ma partenaire.
"Tout comme maman et papa" devenait de plus en plus passionnant !
Mais, comme le bonheur est marqué du berceau par le stigmate de
l'éphémère, notre nouvelle distraction
mécontenta certainement la tante de la fillette qui allait
intervenir promptement, en exilant la "mère" ...chez ses parents
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La maison où j'ai vu la lumière du jour
était comme un wagon.
On entrait au rez-de-chaussée par une porte double en bois, avec
la huisserie sculptée, encadrée par deux baquets
où des lauriers brossés, hauts comme l'homme, accordaient
leurs lumières roses, comme signe du printemps.
Un escalier en mosaïque montait dans une large spirale à
l'étage s'ouvrant dans un vestibule. Ce dernier était une
sorte de chambre -filtre ou un lieu de carantine, comme je
l'appréciais, car là on récevait les
"invités " comme : les locataires de ma mère, le facteur
postal, le receveur pour l'éléctricité et,
parfois, le milicien ou d'autres personnages étranges, et
lorqu'ils s'en allaient, maman soupirait soulagée.
Du vestibule s'ouvrait une porte qui communiquait avec la salle
à manger, et après c'étati la chambre à
coucher de mes parents. De l'autre côté était le
couloir vers la cuisine. Au-dessus de la cuisinière en fonte, il
y avait une fenêtre à deux vitres qui donnait sur le toit
voisin.
Pendant les jours torrides d'été, quand la canicule
fondait l'asphalte des trottoirs si bien que l'on pût frire
l'oeuf dans le godet du pas, je me faufilais dans le vestibule obscur,
protégé contre la canicule. Je restais là, dans un
fauteuil, enchaîné par la torpeur qui inondait dans tout
mon être de la faiblesse et du calme, à la fois...
Mes paupières tissées par la fatigue se levaient de temps
en temps. Le regard s'en allait errant sur le chemin d'un rayon. Des
fils étincelants portaient sur leur dos des milliers de
filandres ; chacun d'eux se baignait espiègle dans un
éclat de soleil.
Ces brins de poudre ennoblis par le baiser de la lumière,
devenant un monde animé par un ressort inconnu.
Il y avait tant de beauté entre ces nouvelles frontières
découvertes que leur jeu m'attirait, me faisant l'otage d'un
univers où les sens me paraissaient tout autres…
La cuisine se prolongeait avec le grenier, long comme un jour
maigre et plein de toutes sortes de choses... J'avançais sur la
couche épaisse de sable qui couvrait le plancher -comme mesure
de précaution contre les incendies- les pieds nus sur une plage
qui avait comme ciel le toit brûlant en tôle.
Le grisâtre dominait, protégé par un halo de
pénombre, mais dans mon âme il y avait tant de couleurs !
C'était ce calme digne -le protecteur des exilés de la
vie et de la mémoire. Les chevrons qui me flanquaient le chemin
étaient ornés par des rangées de piments
enfilés sur une ficelle. Les visages rouges, ridés par
l'attente, paraissaient des momies vegétales, arrachées
d'un Eden vert. Simplement parlant, pendant l'hiver, ils étaient
destinés, à changer leur posture décorative dans
la marmite en fonte de grand-mère -devenant le mets
préféré de mon père- piments remplis avec
la viande hachée.
Plus loin, je trouvais la place de ma première
existence, que j'essayais en vain d'utiliser. Le vieux landau bleu
marine avait été gardé, peut-être, par mes
parents, en pensant qu'ils auraient un autre bébé. Les
vicissitudes de la vie ont empeché la cigogne effrayée de
l'apporter.
Parfois, une tourterelle égarée attirée par la
fenêtre du grenier, laissée ouverte, s'arrêtait
là.
Je fouillais les coffres poussiéreux dont je m'efforçais
à peine de lever le couvercle. Leurs grandes charnières
grinçaient rauquement, comme une protestation, en supprimant le
silence de l'endroit dégageant tout autour un parfum de lavande.
J'ouvrais de l'écorce de l'oubli, un monde vieilli,
chassé de tous les souvenirs. Je marchais parmi les chapeaux en
feutre décoloré, en faisant s'ondoyer des écharpes
en soie taillée, destinées à la retraite pour
maintes décennies.
Leur tissu étincelant, animé par mes bras graciles,
volait sur ma tête comme une aile, en calmant la flambée
de mes joues…
Sous de vieux journaux avec la réclame du champagne Mott Premier
et de l'aspirine Bayer, je decouvrais des tas vieux bouquins à
l'odeur piquante de papier brûlé, colorés en
brun-jaunâtre. Je les feuilletais pris par la joie et l'ardeur en
avalant le vieil et le nouveau, à la fois. Autour de moi il y
avait tant de calme, comme dans peu d'endroits j'en allais trouver…
Ici, j'étais près du ciel bleu et je ne devais qu'enlever
le couvercle en vitre de la lucarne pour baigner mon visage dans son
onde.
Maman, n'avait-elle pas raison de me dire que "j'étais dans la
lune" ?
Pour moi, le charme de l'enfance doit absolument passer par le
grenier de la maison paternelle. Dans cet empire mirifique, j'ai
decouvert Vinicius et Ligia de "Quo vadis", "Le Comte de Monte
Cristo"(qui, lui aussi, avait trouvé un trésor...c'est
vrai, pas dans le grenier, mais dans une grotte), les héros des
romans de la collection roumaine "15 Lei", et surtout, les
héroïnes des "Femmes célèbres"...
Protegé par son bouclier de tôle brûlante, j'ai
devoré les livres que mes parents ne m'auraient pas
autorisé à lire alors.
Les heroïnes de Kessel, Pittigrilli, et Lawrence me dessinaient un
monde dans lequel le sensuel était tout-puissant.
Dans la pensée de l'enfant s'étaient déjà
déclenchées les impulsions de l'homme que j'allais
devenir…
Sous une pile de caisses j'ai découvert le téodolithe de
papa, abandonné là, depuis qu'il faisait des mesures sur
le terrain. Sans delai, j'ai demonté les lentilles, en essayant
de soumettre, dans leur cristal, l'inconstance des rayons de
lumière...
Le grenier était le lieu où je cachais mes trésors
: des billes, des boutons, des romans "Dox", des almanachs piquants,
tout ce que maman -si elle les avait découverts, aurait
jeté à la poubelle, sans regrets.
J'étais tant épris de son mirage qu'après mon
retour à la maison, je mangeais puis...vite je montais dans le
grenier.
Plus tard, pendant une nuit, resté devant la télé,
je me rejouissais et je devenais triste, à la fois… L'historien
Neagu Djuvara avait invité le critique d'art Radu Ionescu, qui
relatait sur une étrange espèce de gens. Ils avaient
gardé leur passion d'une vie. J'étais heureux du fait
qu'il y eût encore des gens bénis par la constance de la
passion.
L'illustre critique, qui m'avait verni, il y a quelques années
trois expositions, racontait l'histoire d'un bohème de
l'aristrocratie bucarestoise, ruinée pendant les années
'50, qui lui avait raconté, heureux, comme il avait
"cherché" trois greniers dans un seul matin béni…Bien sûr, il avait le
signe de Sherlock Holmes.
Il troublait le silence des coins oubliés, en espérant
trouver quelques toiles abandonnées par l'ignorance et
l'indifférence de ses semblables. Cette ferveur commune l'a
approché de mon cœur, quoique je ne l'eusse jamais connu…
C'était un frère de qui la vie m'a tenu
très loin.
Il n'avait pas trahi sa passion pendant les années.
La constance est recompensée.
La trahison ne peut cueillir que…de la nostalgie.