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Six auteurs ont été retenus pour ce premier choix de Francopolis. Six auteurs nés de styles et d'horizons divers. En chacun, c'est un appel, une poésie de l'appel, non pas un cri, mais l'invitation à nous glisser, nous amuser et parfois nous briser vers ce qui nous porte. * Plus que jamais nous voilà ballotté par les mots de Rachid Dziri dans La Part d'Ombre. Ce poème écume nous emporte sur une mer originelle où le lecteur en ressort le cœur trempé par la tempête des phrases. " Je te nomme Mer Cette mer n'est-ce pas l'abysse ou l'insondable de nos vies qui est baptisé par le poète à défaut d'un autre nom, ce qui nous fonde et que le vertige insoutenable nous fait renié dans le même mouvement ? * Avec Sémujin Qaghan, notamment dans " Anonyme au singulier ", nous voilà encore au bord d'un vide, comme suspendu sur une corde de mots à chercher un fil entre les sinuosités d'un labyrinthe mental. Si ce n'est renvoyé dans autrui comme dans un miroir mais dans un perpétuel échange de soi au monde et du monde à l'autre : " …partir à ta recherche, le bruit, mes doutes du moment, ce murmure d'eau, ce que je ne sais pas, les coïncidences, la pluie qui tombe, ton retrait, les pas à pas de l'histoire, tes encouragements, l'avenue de la Grande Armée, la nuit, le sens de l'ouïe, ta retenue, la peur de te trouver quelque part, celle de ne jamais te trouver, l'élan de vert sur les arbres… " Ou bien, ce sont des parcours qui nous sont proposés, des carrefours multiples par lesquels l'auteur exprime à la fois ce qu'il voit, entend, pense et ressent dans une seule et même action. " je n'écoute pas ce que tu me dis. au bord du trottoir. la nuit recouvre le givre. je voudrais être là. le vent siffle dans mes oreilles. le périphérique a remplacé les champs. " * Avec le poème " Age fertile de pierres " Philippe Vallet nous transporte dans un pays où les frontières s'effacent où le temps s'appesantit : " le temps donne patine Et puis, évaporé dans une nuit mêlant la fatigue du soir, le retrait sur soi et la mémoire ancienne qui vient, le poète nomme, à peine d'une touche, une absence telle une vague douleur. " une absence Et pourtant, et parce que sans doute toute poésie se surmonte, c'est enfin la transformation, peut-être la renaissance d'une autre présence. * Le chemin le plus tendre d'un point à un autre est sans doute " Microcéan " d'Edouard Henry Dulac. Un texte d'une sensitivité prenante et intelligente à la fois qui me rappelle malicieusement un autre océan, l'océan de terre, celui d'Apollinaire : " Autour de la maison il y a cet océan
que tu connais " Microcéan salé, solitaire tu
glisses On ressent physiquement son rythme classique, comme si on était juché sur un animal immense et doux, un K de Dino Buzzati dont Stefano aurait enfin accepté la perle. Microcéan ou "tout le monde peut se tremper". Mais de cette eau-là, " Petit reflet enflé de trop de sentiments " vous ressortirez tout neufs et, mouillé par votre coeur, votre mouchoir vous semblera un livre ouvert. * La tendresse et la confidence encore, chez Laetitia Cemara. On devine un lieu où parler à voix basse à ceux qui sont partout, même là. On devine les tombes alignées, dont une, chère, n'a pas le même gris que les autres. Mais nous n'y sommes pas encore. Nous s'y serons qu' " après " le poème "A Carlo", et c'est une des intelligences de ce texte de nous suggérer cet après, pendant que nous sommes dans un autre lieu. Un atelier de peintre. " Je me permets de t'emprunter un bleu L'adresse est douce et directe à la fois. Ils sont trois. Elle, le peintre, l'ami à visiter. Non, ils sont quatre. Il y a aussi le bleu, qui reviendra à chaque début de strophe, avec ce premier vers en leitmotiv. Laetitia Cemara ne se contente pas de ce premier emprunt. Elle revient, dans " Clin d'œil ", subtiliser l'impalpable : " Je vole dans tes yeux Ces trois lignes forment un poème dense et fin, mise en mouvement des jeux de volets et de stores qui nous font, nous humains, tour à tour nous dérober et nous rendre les uns aux autres. * " En langage nombreux Ces vers d'Andrée Chédid dans " Cérémonial de la violence " pourraient servir d'exergue au poème de Jacques Rolland, " Dans le coeur de la nuit ". Nuit de la guerre du Liban dans les années 70 ou nuit d'ici, maintenant, c'est toujours la même nuit, cette substance opaque que nous attachons à nos chevilles comme des boulets pour nous interdire de danser. " (...)j'implore le temps où le temps s'arrêtait, happé par la douceur d'un jour d'été finissant, le miracle de l'enfant qui courait sur l'eau vive des chemins (...) " Cette prose poétique clôt sans réponse ni conclusion ce faisceau d'appels lancés par les auteurs. Souvent, ils semblent désirer donner un avenir au souvenir, un mot suivant à leur phrase. Votre lecture leur répondra, de vallée en vallée, car la lecture est elle aussi un appel.
Joë Ferami et Stéphane Méliade
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Créé le 1 mars 2002
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