Vos textes publiés ici après soumission au comité de poésie de francopolis.







 

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Mains d'auteurs par Laurence de Saint Maréville
Un tableau de Laurence de Sainte Maréville

Présentation de la sélection de textes d'octobre-novembre

 

Par Joë Ferami et Stéphane Méliade

 


Avant tout, un simple et profond remerciement à tous. Merci pour vos textes, chacun d'entre eux a été lu avec soin. C'est là la marque d'une confiance et d'une espérance qui nous touchent. C'est à la rencontre de vous-mêmes à travers ce qui nous est différent que nous souhaitons être conviés.

Six auteurs ont été retenus pour ce premier choix de Francopolis. Six auteurs nés de styles et d'horizons divers. En chacun, c'est un appel, une poésie de l'appel, non pas un cri, mais l'invitation à nous glisser, nous amuser et parfois nous briser vers ce qui nous porte.

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Plus que jamais nous voilà ballotté par les mots de Rachid Dziri dans La Part d'Ombre. Ce poème écume nous emporte sur une mer originelle où le lecteur en ressort le cœur trempé par la tempête des phrases.

" Je te nomme Mer
dans les circonstances des chemins d'algues et de pierres
dans l'urgence de mes illusions mal ourlées
ô mirage perchant mes fougues amarrées
à ton corps rompu il y a mille songes et une folie "

Cette mer n'est-ce pas l'abysse ou l'insondable de nos vies qui est baptisé par le poète à défaut d'un autre nom, ce qui nous fonde et que le vertige insoutenable nous fait renié dans le même mouvement ?

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Avec Sémujin Qaghan, notamment dans " Anonyme au singulier ", nous voilà encore au bord d'un vide, comme suspendu sur une corde de mots à chercher un fil entre les sinuosités d'un labyrinthe mental. Si ce n'est renvoyé dans autrui comme dans un miroir mais dans un perpétuel échange de soi au monde et du monde à l'autre :

" …partir à ta recherche, le bruit, mes doutes du moment, ce murmure d'eau, ce que je ne sais pas, les coïncidences, la pluie qui tombe, ton retrait, les pas à pas de l'histoire, tes encouragements, l'avenue de la Grande Armée, la nuit, le sens de l'ouïe, ta retenue, la peur de te trouver quelque part, celle de ne jamais te trouver, l'élan de vert sur les arbres… "

Ou bien, ce sont des parcours qui nous sont proposés, des carrefours multiples par lesquels l'auteur exprime à la fois ce qu'il voit, entend, pense et ressent dans une seule et même action.

" je n'écoute pas ce que tu me dis. au bord du trottoir. la nuit recouvre le givre. je voudrais être là. le vent siffle dans mes oreilles. le périphérique a remplacé les champs. "

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Avec le poème " Age fertile de pierres " Philippe Vallet nous transporte dans un pays où les frontières s'effacent où le temps s'appesantit :

" le temps donne patine
les mots fatiguent l'air
les jours se taisent
s'amassent et emmêlent la durée "

Et puis, évaporé dans une nuit mêlant la fatigue du soir, le retrait sur soi et la mémoire ancienne qui vient, le poète nomme, à peine d'une touche, une absence telle une vague douleur.

" une absence
danse sur le seuil "

Et pourtant, et parce que sans doute toute poésie se surmonte, c'est enfin la transformation, peut-être la renaissance d'une autre présence.

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Le chemin le plus tendre d'un point à un autre est sans doute " Microcéan " d'Edouard Henry Dulac. Un texte d'une sensitivité prenante et intelligente à la fois qui me rappelle malicieusement un autre océan, l'océan de terre, celui d'Apollinaire :

" Autour de la maison il y a cet océan que tu connais
Et qui ne se repose jamais "


Microcéan a cette élégance des voyages qui mènent à soi, cet humour qui fait étinceler les larmes.

" Microcéan salé, solitaire tu glisses
Et cherche une jetée sur une joue trop lisse "

On ressent physiquement son rythme classique, comme si on était juché sur un animal immense et doux, un K de Dino Buzzati dont Stefano aurait enfin accepté la perle.

Microcéan ou "tout le monde peut se tremper". Mais de cette eau-là, " Petit reflet enflé de trop de sentiments " vous ressortirez tout neufs et, mouillé par votre coeur, votre mouchoir vous semblera un livre ouvert.

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La tendresse et la confidence encore, chez Laetitia Cemara. On devine un lieu où parler à voix basse à ceux qui sont partout, même là. On devine les tombes alignées, dont une, chère, n'a pas le même gris que les autres. Mais nous n'y sommes pas encore. Nous s'y serons qu' " après " le poème "A Carlo", et c'est une des intelligences de ce texte de nous suggérer cet après, pendant que nous sommes dans un autre lieu. Un atelier de peintre.

" Je me permets de t'emprunter un bleu
celui là, là, tu le vois ? "

L'adresse est douce et directe à la fois.

Ils sont trois. Elle, le peintre, l'ami à visiter. Non, ils sont quatre. Il y a aussi le bleu, qui reviendra à chaque début de strophe, avec ce premier vers en leitmotiv.

Laetitia Cemara ne se contente pas de ce premier emprunt. Elle revient, dans " Clin d'œil ", subtiliser l'impalpable :

" Je vole dans tes yeux
l'interstice de ces regards
où je n'apparais pas "

Ces trois lignes forment un poème dense et fin, mise en mouvement des jeux de volets et de stores qui nous font, nous humains, tour à tour nous dérober et nous rendre les uns aux autres.

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" En langage nombreux
les hommes dévastent la terre "

Ces vers d'Andrée Chédid dans " Cérémonial de la violence " pourraient servir d'exergue au poème de Jacques Rolland, " Dans le coeur de la nuit ".

Nuit de la guerre du Liban dans les années 70 ou nuit d'ici, maintenant, c'est toujours la même nuit, cette substance opaque que nous attachons à nos chevilles comme des boulets pour nous interdire de danser.

" (...)j'implore le temps où le temps s'arrêtait, happé par la douceur d'un jour d'été finissant, le miracle de l'enfant qui courait sur l'eau vive des chemins (...) "

Cette prose poétique clôt sans réponse ni conclusion ce faisceau d'appels lancés par les auteurs. Souvent, ils semblent désirer donner un avenir au souvenir, un mot suivant à leur phrase. Votre lecture leur répondra, de vallée en vallée, car la lecture est elle aussi un appel.

 

 

Joë Ferami et Stéphane Méliade

 

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Créé le 1 mars 2002

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