| Agnès KERBORIOU     LA NUIT   Dans les
    mirages de la nuit Il y a
    des ombres Que l’on
    prend parfois Pour des
    fantômes.   Ils
    sortent tous les soirs Avec
    leur cafard en poche Et des
    hauts de forme Strictement
    imaginaires   Au petit
    matin, Ils se
    terrent. Car tout
    noctambule Plongé
    dans le jour Se
    dissout, instantanément.     LES ANNÉES   La
    vieille dame au visage Transparent
    de lumière Passe
    douloureusement S’appuyant
    sur une canne Sculptée
    ou hasard de temps.   Elle
    s’arrête de longs moments Et son
    regard différent flotte Loin sur
    les canaux Ou des
    bulles crèvent la surface De
    souvenirs enfouis.   Ses
    mains gantées de noir Posées
    sur le rebord D’un
    petit pont de pierre Pensent
    que les années sont lâches Elles
    nous frappent Et
    prennent aussitôt la fuite.     VOYAGES   Sur ma
    peau invente des octaves, Il n’est
    pas de mélodie Qu’elle
    ne désire apprendre Si le
    temps lui est donné.   Épanche encore
    d’une caresse L’alarme
    de plaisir Que tes
    doigts de coton S’effilochent
    sur mes pores.   Au terme
    de voyages Sans
    destinées Je
    viendrai te rejoindre Si je
    sais t’y mener.     L’ENFANT   Dans ce
    profil D’enfant
    tranquille Aux
    lignes pures Coule
    cette tristesse Du monde
    qui se ravage. À quoi
    dont rêvent les enfants De cet
    air si grave Quand
    ils cessent de jouer Et,
    assis sous un arbre Se
    protègent d’une ombre Et s’en
    font une armure. Peut-être
    qu’ils rêvent les enfants De ne
    jamais devenir grands.     L’AMER À BOIRE   J’ai
    tant été l’amer Aux plus
    vils desseins Que
    l’hiver a gelé Sur ma
    langue l’essaim Des mots
    d’amour sereins.   Le plus
    doux délai  Est
    celui de t’attendre Pour
    t’offrir l’éther Des
    chants d’un nectar.   Au jour,
    sève erre Dans les
    sillons tracés. Elle
    attend que l’on sème.   Je bois
    à tasse hantée De
    tendres souvenirs.     |