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Nouvelle rubrique depuis 2019 : découverte…

 

Janvier-février 2023

 

 Dominique Marbeau

 

Présenté par Éric Chassefière :

 

Entretien avec l’auteur ;

Extraits de ses recueils

 

(*)

 

J’ai découvert la poésie de Dominique Marbeau à travers la revue Encres Vives de Michel Cosem, qui a publié plusieurs recueils de lui dans les années récentes. J’ai eu tout de suite envie de faire mieux connaître cette poésie profonde et sensible, dont Gilles Lades a joliment écrit : « Mais à force d’humilité, de retour à soi, se fait entendre « ce qui semble vibrer de corde », la juste voix intérieure. De poèmes-bilans en poèmes-ouvertures, Dominique Marbeau dessine un chemin. Il l’a taillé dans la chair de sa vie, dans la frémissante argile de l’inspiration, dans les flots contraires d’une longue tempête. Retenons-en l’exemplarité émouvante et salutaire, car la Poésie nous demande d’épuiser notre vie pour nous livrer quelques-uns de ses dons ». L’entretien reproduit ci-dessous s’est déroulé entre le 3 et le 9 novembre 2022. Un choix de poème suit. Une note de lecture sur Quelques gouttes insondables est également disponible dans la rubrique Lectures-chroniques du présent numéro.

Éric Chassefière

 

Entretien

1. Dominique Marbeau, dans votre dernier recueil, « Quelques gouttes insondables », vous opposez la parole silencieuse du poème au vacarme du monde, disant rechercher dans l’écriture pouvoir d’apaisement face à la violence de notre époque. Votre précédent recueil « Un silence d’argile » place, plus fondamentalement, le silence et l’indicible au cœur du geste d’écrire. Cette quête d’apaisement et/ou de silence est-elle l’élément fondateur de votre vocation de poète ? Plus largement, pourquoi et quand êtes-vous venu à l’écriture, et quel rôle joue-t-elle dans votre vie ?

Vous avez raison d’élargir la question de l’écriture au rôle qu’elle joue dans la vie d’un homme ou d’une femme et je commencerai par là. Pour moi, le besoin d’écrire un poème se fait sentir surtout quand je traverse des périodes difficiles ; et elles ont été nombreuses. Chercher les mots pour le dire libère le chagrin ; mais en partie seulement. La regrettée Odile Caradec parlait de « poèmes-désespoir » à mon sujet. C’est bien pourquoi je me suis longtemps dit que ma poésie ne pouvait intéresser personne vue sous cet angle. Mais comme je recherchais presque toujours la beauté plastique et sonore à travers la composition d’un poème, cela m’obligeait à travailler une parole poétique. Je suis donc convaincu qu’écrire donne un sens à la vie. C’est « vivre et non survivre » dit Edgar Morin. Se placer au-dessus des contingences matérielles et des simples nécessités du quotidien.

A 17 ans, au cœur d’une adolescence troublée, mon meilleur ami s’est suicidé. Nous voulions aller « jusque dans l’inconnu pour trouver du nouveau ». Même vivre ne nous suffisait pas ! Cette disparition m’a beaucoup marqué et j’ai compris alors qu’il était quasiment impossible d’écrire un poème sur la mort de quelqu’un qui vous est cher. Mais à chaque étape douloureuse de ma vie, l’écriture de poèmes s’imposait d’elle-même. Je ne la recherchais pas. Maintenant à mon âge et depuis une thérapie analytique (assez réussie) qui remonte à vingt ans, les choses se présentent autrement. Je pratique en effet une culture du silence comme condition d’accueil du poème, me ménageant un temps d’écoute tourné vers la voix intérieure. Mais il ne faut pas que le silence reste silence sinon il devient effrayant (celui des espaces infinis qu’évoque Pascal). Attendre que vienne l’idée poétique et les mots pour la peindre, trouver la bonne structure sonore. A partir de là commence à poindre une petite lueur, c’est la lumière du poème, la petite étoile qui apparait dans la nuit de la page. On parle de la feuille blanche mais nous sommes le plus souvent dans la nuit. Dans le recueil Un silence d’argile, je suis parti d’un extrait de Bernard Mazo : « Toute écriture est silence / où bruit entre les mots / la sourde pulsation de l’indicible ». Je compare l’indicible à un félin difficile à saisir par définition mais que le poète tente de faire passer par un cerceau enflammé, cerceau d’étoiles que forment les mots du poème eux aussi par essence doués d’une « majestueuse imprécision ». Souvent le poète n’y parvient pas mais il ne se décourage pas ; combien de poèmes sont des tentatives manquées ! Mais quand la magie se produit, cette sourde pulsation, ces glissements de l’indicible entre et derrière les mots font que le poème se met à émettre une petite lumière qui nous fait dire non sans une certaine exaltation : voilà ce qu’on aime à vivre !

C’est alors que vient l’apaisement : le bruit intérieur et le désordre mondial cessent un instant. C’est une pause salutaire, un ilot de paix dans le déroulement troublé de la vie. Je pense très souvent au film d’Alain Corneau « Tous les matins du monde » où Monsieur de Sainte Colombe soutient au jeune Marin Marais qu’il ne compose pas la musique pour faire danser les gens à la cour mais bien plutôt pour trouver une paix intérieure. Un beau poème peut faire la même chose.

2. Vous évoquez dans « Quelques gouttes insondables » un arbre que vous avez planté, et auquel vous devez, dites-vous, de n’être plus le même. Pouvez-vous nous en dire davantage sur cet arbre, sur votre relation aux arbres et à la nature ? La nature fait-elle partie de vos sources d’inspiration en poésie ?

Je ne crois pas que la nature fasse souvent partie de mes sources d’inspiration, du moins je n’ai pas cette impression; mais ce qui est sûr en revanche c’est qu’elle est constitutive de mes choix de vie. A tel point que j’ai voulu quitter la ville où j’habitais (Strasbourg) pour installer ma retraite dans la campagne dont je suis originaire située au sud de Poitiers. Cela représente quand même un sacré saut ! et de grands changements dans ma vie qui ont été déterminants en ce qui concerne l’écriture. C’est là où je vis désormais, c’est le pays du père, là où sont de nombreux souvenirs d’enfance, là où poussent des arbres que mon père m’a appris à reconnaître par leur feuillage et leur écorce : chênes, érables, planes, charmes, faux érables, frênes, hêtres, etc. J’en ai planté d’autres à la naissance de chacun de mes enfants, quand je venais en vacances : tilleul, pommier, if et cyprès.

Le poème auquel vous faites allusion n’évoque pas un arbre particulier mais ceux dont je viens de parler, que je regarde pousser et qui me parlent. J’ai façonné ainsi un décor végétal qui me fascine et qui me façonne en retour. Un arbre est une promesse d’avenir et un exemple de force de vie. Planter un arbre est un geste d’une symbolique très forte, logement dans la terre nourricière, pas besoin de faire un dessin…

Je peux vous raconter une anecdote au sujet d’un arbre qui a été frappé par la foudre il y a une trentaine d’années. Il avait poussé en plein milieu d’un champ pas très loin de chez moi et de ce fait il était plus exposé que les autres. On voyait cet arbre mort, resté debout, squelette blanc n’ayant plus son feuillage au printemps. C’était triste à voir mais personne ne l’a coupé, il est vrai qu’on dit qu’on ne peut rien faire du bois d’un arbre foudroyé. C’est alors que bien des années après, une branche s’est garnie de feuilles puis des branches nouvelles chaque année. Aujourd’hui il est devenu un arbre magnifique et très résistant.

Vivre au plus près de la nature, m’apporte, outre celui venu de la poésie dont on a déjà parlé, un apaisement nécessaire après une vie de déchirures et de rebondissements meurtriers. Ce « retour au pays natal » (qui est si puissant chez Aimé Césaire) est le thème de mon recueil Clarté des sources également édité par Michel Cosem. Mais si l’imprégnation de cette nature arrive à calmer mes chagrins, ce n’est pas pour autant que mes poèmes lui rendent hommage. Car j’y projette mes états d’âme. Plutôt que la décrire, elle est prétexte à rechercher ma propre identité.

3. Cet arbre qui renaît, n’est-il pas la métaphore de la langue ré-enchantée par le poème ? Que mettez-vous dans un poème, et qu’attendez-vous de lui ? Concrètement, où, quand et comment écrivez-vous ?

Oui, en effet on peut dire ça. La langue revisitée par le poème se distinguant du langage ordinaire par sa « poéticité » un terme qu’emploie le formaliste russe Roman Jakobson dans ses Huit questions de poétique. Mais votre question est vaste car dans cet art qu’est la poésie comme dans tous les autres arts d’ailleurs, on distingue le côté sensibilité de l’artiste, le message qui l’inspire, de l’aspect proprement technique, le moyen pour y arriver. Or le domaine poétique a ceci de particulier qu’il n’y a pas d’école de poésie comme il y des écoles de musique, de peinture, de sculpture, etc. Depuis l’existence d’ateliers d’écriture les choses ont changé mais nous sommes tous plus ou moins autodidactes dans ce domaine. C’est par la lecture d’autres poètes que nous affinons nos préférences et ainsi notre style. Mais c’est aussi - et je m’en suis bien aperçu - par le travail. Il faut du temps, de la rigueur, de l’exigence. Mais, ce qui est contradictoire, les mots matière même du poème - ne sont pas précis et ont très souvent plusieurs connotations. Comment être compris alors ? La communication poétique passe beaucoup par l’intuition et le ressenti, utilise beaucoup d’images, de métaphores et autres stratagèmes comme les associations d’idées chères aux surréalistes. Et ça tombe bien car je sais être intuitif, instinctif quand je veux, fantaisiste parfois et toujours dilettante, détestant me prendre au sérieux! Je ne sais pas si ça suffit pour être un artiste, moi ça me va !

Je vous confie ça car je réponds ainsi à votre question sur où et quand j’écris : ça commence dans mon lit au réveil si me viennent des mots et des idées que je note aussitôt sur la table du petit déjeuner. Mon cerveau est encore embrumé et la censure ne se fait pas bien ; c’est ça qui est bon ! Après une journée souvent consacrée à des tâches manuelles, je reprends le soir et procède à de nombreuses corrections. Mais l’idée précède l’écriture du poème.

Et vous me demandez ce que je veux mettre dans un poème ? Alors, ! Si je pouvais y mettre toute la beauté du monde, ce serait magnifique ! Je crois que tout poète et même tout artiste voudrait recréer, restituer cette lumière suprême qui nous tient tous en éveil et qui nous éclaire ; Éluard disait qu’il fallait « peu de mots pour dire l’essentiel, mais tous les mots pour le rendre réel ». Et même encore, tous les mots ne suffiraient pas. Alors, à mon modeste niveau, je me contente, de même que ce que j’attends d’un poème, d’y mettre des images si possibles inattendues et belles pour qu’elles surprennent agréablement, des mots aux sonorités qui ne se heurtent pas, dans un phrasé qui coule bien un frisson d’eau sur de la mousse »). Je m’efforce à des rimes internes ou pas, des euphonies plutôt et des harmonies de couleurs dues aux sonorités (j’aime les mots en « ure » : échancrure, déchirure, etc.). Tout ça pourquoi ? Parce que la beauté d’un poème m’importe davantage que le message qu’il est censé transporter. C’est sans doute aussi parce que le message que je mets dans les miens est très souvent le résultat de méditations existentielles, réflexions philosophiques et autres pensées sur la mort (qui, à l’instar celles de Sylvain Tesson, ne sont pas tristes). Mais de tels sujets sont des abîmes sans fond et je préfère les entourer du calme et de l’apaisement d’un langage poétique l’on peut entendre une douce musique. Évidemment, j’y arrive très rarement, aussi combien de poèmes qui manquent leur cible !

Je voudrais terminer en citant Gilles Baudry, poète et moine en Bretagne que j’ai évoqué en 4ème de couverture du recueil Quelques gouttes insondables, car il m’arrive souvent de m’élever contre ce que j’appelle le confort de la société moderne comme étant l’ennemi principal de la poésie. Voilà ce qu’il nous dit : « le fait qu’on soit connecté en permanence est une menace pour l’intériorité (…) Le développement d’une pensée technicienne, virtuelle, utilitariste forme des êtres sans tonalité qui n’ont plus de musique en eux. Ils ne manifestent à la beauté qu’une indifférence opaque. » Vous comprenez que cette révolution numérique me fait craindre beaucoup pour l’avenir de la poésie.

4. On trouve dans trois de vos recueils, « Les nuits secrètes », « Un silence d’argile » et « Quelques gouttes insondables » des reproductions d’œuvres picturales, dans le premier cas du peintre américain Andrew Wyeth, dans les deux autres cas de votre sœur Marie-Christine Beau. De quelle nature est le rapport entre ces œuvres et les poèmes au sein desquels vous les avez placées ? Plus largement, quelle est votre relation à la peinture et aux arts plastiques en général, et à quel(s) courant(s) artistique(s) êtes-vous le plus sensible ? 

La croix de bois sommaire du tableau d’Andrew Wyeth, où flotte une guenille déchirée, accompagne les poèmes Questions et Vent. J’y vois l’obstination du vent qui reste muet face à l’énigme d’un monde hostile ; ce tableau est d’un dénuement poignant.

Le tableau aux carrés géométriques blancs dans un ciel flou en première page du recueil est une figure d’oxymores comme les gouttes insondables de l’univers. Et le second tableau de M.C. Beau qui présente un paysage flou avec trois cailloux posés comme dans un berceau au premier plan (un noir, un gris et un blanc – ce qui n’est pas anodin) illustre assez bien mon propos : « la fantaisie aujourd’hui … trahissant... un immense malaise ». Soulignons au passage que cette peintre est elle aussi une autodidacte mais, par sa technique d’application de pigments à sec, réussit à obtenir des fondus de ciels qui ne sont pas sans rappeler ceux des peintres hollandais.

Mes connaissances dans le domaine de la peinture sont limitées et je n’ai pas de préférences marquées ; beaucoup de choses me plaisent. J’aime le courant impressionniste pour la richesse de la lumière, le nuancé des couleurs. Mais j’aime aussi la fraîcheur inattendue des peintres naïfs yougoslaves, c’est pourtant un style très différent. En fait, j’aime beaucoup de choses, là je suis très ouvert. Comme vous voyez, on peut trouver des correspondances (au sens baudelairien) entre ces deux formes d’expression que sont la poésie et la peinture. Leurs champs (chants ?) sont si vastes qu’on peut toujours trouver des sensations concordantes et même en discuter longuement car chacun y voit un reflet de sa propre sensibilité.

5. Vous avez beaucoup lu. Quels sont les auteurs, poètes mais aussi romanciers et philosophes, qui vous ont le plus marqué et auxquels vous estimez que votre écriture doit le plus ?

J’ai en effet eu cette chance de suivre des études littéraires classiques à Nantes sous la houlette de Daniel Briolet (qui a fondé la maison de poésie avec D. Biga) et j’ai eu le bonheur, en plus des auteurs classiques humanistes (Descartes, Montaigne, Pascal), de découvrir la poésie contemporaine ainsi que la philosophie dans d’excellentes conditions grâce à un professeur hors du commun. Ma vie en a été changée. Si je n’avais qu’un philosophe à retenir je citerais sans hésitation Emmanuel Kant. J’ai continué la philo dans mon cursus universitaire, puis devant me consacrer aux ouvrages de psychogénétique et de pédagogie (Wallon, Piaget, Zazzo), me destinant au métier de l’éducation, c’est bien plus tard que j’ai pris le temps de lire des romans. Mais la poésie ne m’a jamais quitté.

Pour les romanciers je suis ouvert à beaucoup de choses à condition qu’elles soient bien écrites. Je fais attention au style et suis exigeant. J’aime la clarté des romans de Stéphan Zweig, la rigueur de l’écriture de Julien Gracq, l’amour de la vie qui préside chez Camus. Ces écrivains m’apportent beaucoup. Parmi les auteurs du 19ème parce que cette période de l’histoire me passionne, j’ai tout lu de Zola. Outre son souci de la vérité historique allant parfois jusqu’à la caricature, son style n’est pas dénué de poésie. Vous voyez que je suis resté très classique !

Maintenant il y a les poètes et ils sont nombreux à m’avoir influencé. L’élan surréaliste était fort encore dans ma jeunesse et avec mon ami nous aimions le côté subversif du mouvement Dada. Savez-vous que T. Tzara a complètement changé son style d’écriture à la fin de sa vie ? Pour moi Apollinaire reste un incontournable ; il est mort bien trop tôt. « J’ai encore tant de chose à faire ! » s’était-il écrié lorsque son médecin lui avait annoncé qu’il était perdu. J’ai passé beaucoup de temps avec Éluard, Reverdy, Jouve, Supervielle, Prévert, René Char, Michaux. Mais aussi avec ceux de l’Oulipo, Boris Vian, Raymond Queneau. Impossible de citer tout le monde. En ce moment je découvre avec bonheur les auteurs Belges et Québécois. J’aimais déjà Jacques Brault et Paul-Marie Lapointe. Mais curieusement, l’écriture de mes poèmes a été plus fortement influencée par le style de Pablo Neruda (bien qu’il s’agisse de traductions), le déroulé de son discours, sa syntaxe, ses images. Je me suis senti rapidement en accord avec sa sensibilité et son engagement. Je cherche maintenant à m’en détacher et veille à une expression poétique plus concise tant il est vrai qu’en poésie il faut beaucoup se servir de la gomme !

 

Extraits

 

LES NUITS SECRETES (479ème Encres Vives)

 

CAPTIF

 

Le ciel uniforme et sans âge

et l'âge fixe des saisons

les mousses mouillées de l'automne

et les racines en terre d'hiver

sont les barreaux d'une prison

loi immuable et dense du temps

qui danse autour de moi

comme une nuit de pierre

 

L'usure identique des choses

chiffre répété des mots

borde à l'étroit mes pensées les plus sauvages

peuple de murs silencieux mes rivages

Je me débats au milieu d'unités confuses

Je me heurte à ce pacte infini et sans ruses

sans âme sans âge sans maître sans nom

 

Une image contenant extérieur, montagne

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Tableau de Andrew Wyeth

 

QUESTIONS

 

va ce long tunnel obscur de la nuit

vont nos éclats de rires et d'amour?

 

Trajectoires

empires

mondes

traces d'histoires

allumées sous la peau du ciel

négoce des stratagèmes

aux strates d'horizons blêmes

et les ossements des fleuves

qui en se croisant cabossent

un tel silence d'étoiles

mais où va tout cela ?

 

Le vent sans visage

sans mémoire

ne sait que répondre

 

COMPLICITE

 

je dis pierre

dans le temps

qu'on regarde une pierre

dans sa durée

elle à sa place

moi de passage

dans ma courte existence

 

pierre chauffée au soleil

pour des mains qui ont froid

roche broyée par le vent

loin des yeux qui ont soif

 

Je dis pierre comme j'aurais dit

pierre de taille éclat de silex

pierre de ruine effondrée

comme ma peine en cet instant

 

 

CLARTE DES SOURCES (488ème Encres Vives)

 

TERRE DE GROIE

 

Ce matin n'a pas attendu le jour

du versoir de sa charrue

il a retourné sa plaie d'impatience

morsure aux gerbes des coquelicots

.

Puis le jour est venu

fraîches aubépines

sur un blanc calicot

avec son petit vent d'air perdu

et doucement retrouvé

 

Maintenant le voici

pressant la clef de sa serrure

la basculant d'un pêne un peu trop dur

le jour est là qui fume de réveil

 

*

 

Ma source rêvée

ô mon ruisseau

mes chemins retrouvés

aux flancs de tes murmures

 

l'empreinte de mes pas

comme un clin d’œil au ciel

 

les feuilles rousses se sont amassées

aux pieds des arbres noirs et dénudés

 

la pluie souvent

vient battre les collines

 

ma vie au vent

ou folâtre ou décline

 

*

 

Quand je reviens à la Javigne

il me semble ici plus qu’ailleurs

qu'un temps me poursuit

 

C'est un temps de réconciliation

de réparation et d'attentions

un temps de successions et de déchirures

que les saisons ont peu à peu raccommodées

 

C’est aussi un temps de récolte et d’abondance

un temps de juste redondance

un temps de palpation sur les roseaux du ciel

 

*

 

Entre soleil et feuillages

un bout d'azur suffit

pour converser avec le ciel

 

Entre paroles et frissons

si peu de terre garantit l'essentiel

 

Car ce soir la nature paie "cash"

le bonheur d'exister

et laisse au temps

sa liber

 

 

UN SILENCE D’ARGILE (502ème Encres Vives)

 

Mais ma voix est friable

fragmentée de syllabes

de lettres éparpillées en désordre

et les mots retombent à mes pieds

comme des cendres refroidies

 

*

 

Et comme il était impossible

qu'un tel amoncellement

puisse retrouver le chemin du poème

c'est en tâtant de la main

jusqu'à la nuit du cœur

ce qui semble vibrer de corde

d'espace et de lueur

que j'ai cherché un début à cet emmêlement

avec cette volonté naissante

que mon sang revigorait

 

*

 

C'est en écrivant

sur l'aubier de la mémoire

que se met à briller

l'écorce de la nuit

libre-écrit sur la teille

nœuds de sang

éclats de bouteille

éclairés par des noces ruinées

lézardées de pendules battant la breloque

 

J'ai arraché les pages de l'agenda du temps

suivi la dame de cœur sa flamme et son printemps

 

Une image contenant baignoire, vaisseau, bain

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Pigments sur toile de Marie-Christine Beau

 

Nous renouvellerons les routes

abandonnant les vieux itinéraires

aux cartes jaunies

 

Je ne parle pas du voyage

qui relie une ville à une autre

mais des chemins de la parole

 

cette intention du cœur

qui se faufile entre les pierres

comme une racine cherchant

la vérité du monde

 

*

 

J'ai pour tout plaisir de vivre

Remonter la vallée par des villages

Connus de moi seul

Des routes et leurs tournants

chaque pause est un tableau ivre

 

Matelot sachant naviguer en eaux mortes

Je déplie la carte des écueils

 

Je bâtis ma maison comme on fait un poème.

 

SILENCE LUMIERE POESIE

 

Au calme de la forêt

s' est endormi l'orgue de mes mains

 

et dans la nuit multiple des fleurs

l'écharpe de la voie lactée

emmitoufle mes rêves

 

un frisson d'immensité répond

au silence des étoiles complices

 

Dans cette nuit pascalienne

le poème est lumineux

 

 

POEME INEDIT

 

Tu as l'hiver devant ta porte

la vie irréprochable

 

Les grands oiseaux

au large t'invitent

espaçant les journées

avec encore un peu d'amour

 

Tu as comme amis

la nuit et son escorte

l'enfant que tu chéris

et l'arbre dont

les racines s'épuisent

 

 

QUELQUES GOUTTES INSONDABLES (510ème Encres Vives)

 

Voir des extraits dans la note de lecture à la rubrique Lectures-chroniques.

 

Dominique Marbeau

 

 

(*)

 

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DOMINIQUE MARBEAU

(Dominique Marcel BEAU à l’état civil devient Dominique MARBEAU par contraction du second prénom avec le nom)

Lieu-dit LA JAVIGNE 2, Chemin de LA GROIE 86240 ITEUIL

dommbeau@gmail.com

Né à Poitiers en 1950, études littéraires au lycée Jules Verne de Nantes, sensibilisé à la poésie contemporaine grâce à Daniel Briolet* qui a été mon professeur de français-latin en première et terminale. Études universitaires À Bordeaux, Professeur certifié d'EPS ayant exercé à Nantes puis à Strasbourg.

Revenu en retraite à Poitiers, adhère à la Maison de la Poésie de Poitiers aux côtés de Jean-Claude Martin et Odile Caradec qui m'ont complimenté sur mes « magnifiques évocations », influencé par l’écriture de Neruda et d’Octavio Paz et Supervielle.

Une douzaine de recueils ont été publiés aux éditions ENCRES VIVES. Parmi lesquels : Chacal de Compagnie, Le Secret de Javigne (avec une contribution de Louis Dubost en 4ème), Les Nuits Secrètes, Clarté des Sources, Un silence d’argile présenté par Gilles Lades. Plus quelques poèmes parus en revues, à Friches (numéro 117 et 122), Comme en poésie, Écrit(s) du Nord ainsi que divers sites en ligne.

Nominé au Prix Troubadours 2016 que les Cahiers de Poésie Verte organisaient tous les deux ans sous la direction de J.-P. Thuillat. Voir le numéro 122 de Friches... remarqué par G. Cathalo : « poèmes de qualité », « étonnante maturité » (article sur l’ancien site Texture). Plusieurs poèmes ont par ailleurs été copiés et appris par des élèves d'une classe de CM1 à Tours (école Ferdinand Buisson) et école primaire de Montpellier pour leur action poétique.

Je suis en correspondance permanente avec Michel Cosem qui m’a demandé une collaboration au numéro spécial d'E.V. n°480 consacré à ses dernières œuvres.

Grâce aux rencontres poétiques de la maison de poésie de Poitiers et aux Polypoésies d’Alain Lacouchie à Limoges, ainsi qu’aux divers salons du livre, j’ai pu côtoyer et converser avec de nombreux poètes connus éditeurs et revuistes. (B.Mazo, J.L. Wauthier, Nimrod, A. Laabi, G. Goffete, M. El Masri, J. Portante, J. Baude, je ne peux tous les citer ; et plus près, Philippe Biget, Louis Dubost, Martine Morillon Carreau (ancienne amie d’enfance à Nantes), Bernard Fournier et Danièle Corre, J.L. Clarac, Jean Pierre Thuillat et Gilles Lades qui m’accueille dans « le cercle des poètes de Barbezieux – St Yrieix ». Ces échanges fructueux plus la lecture des recueils et revues auxquelles je reste un fidèle abonné (Friches, Poésie Première, Décharges, Spered Gouez) me permettent d’avoir une bonne vision sur le monde poétique actuel.

* Professeur Émérite de Lettres Classiques à la Faculté de Nantes et auteur d'ouvrages sur la poésie moderne. Fondateur de la MP de Nantes avec D. Biga.

 

 

 

Entretien, choix de textes et présentation par Éric Chassefière

 

Voir aussi, dans ce même numéro, la note de lecture d’Éric Chassefière, à la rubrique Lectures-chroniques

 

 

 

Dominique Marbeau

Francopolis janvier-février 2023

Recherche, entretien, choix de textes : Éric Chassefière

 

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Créé le 1er mars 2002