Bernard VIMOND
Essais de Mots
Aller dans le regard du monde, y
reconnaître l’aube de l’aurore, savoir d’où vient le jour, ce qui sera de moi
et ce qui doit être traversé. Simple passage. Un instant qui emporte ses
bribes de temps ici ou là, où s’emmêle la mémoire décousue à la lisière des
sentiments. En moi est un envol, un inventaire d’îles et d’ailes ajouté aux
marques du ciel. Ajoutés les yeux à l’équilibre ; Ajoutée la voix au silence,
les pas aux chemins, pour que le voyage ne soit ni solitaire ni immobile.
Je veux comprendre ce vide entre les bords du ciel, entre les parois de ce monde, de chaque
côté de nos regards. Je veux sentir l’invisible, toucher l’inconnu, respirer
le silence. Je veux revenir sur mes pas et naître avant toi, pénétrer le
désir plutôt que l’éphémère, sans limite à retenir. Je veux tes mains,
parties de la nuit vers le silence, une fenêtre ouverte… Écris ce ciel pour
que personne ne l’efface.
J'habite un jardin au-dessus de ma tête, fait de branches d’oiseaux de
fruits, de feuilles d’arbres, comme bouteilles à la mer. Quel
destinataire ? Quel destin à terre ? Destin amer. J’habite l’éphémère…
Une autre voie
Du jour survenu à la lumière de l’attente,
qui pourrait me surprendre, si ce n’est le silence du présent. Les mots seuls
ne parlent pas.
A l’envers de ce que tu vois, il est un autre côté. Ton chemin, à la
fin de mon être. Solitude à mi-hauteur de la vie. Tu as dit la nuit, au coin
de l’inconscience, un écho fané du ciel et de la terre, auquel j’ai répondu
au plus profond de toi.
Vers le jour, comme un essai incertain de la lumière, chaque pas
franchi, chaque mot, comme fenêtre ouverte vers le ciel. Un espace mi-clos
entre murs, couvert de papiers prêts à l’envol. Un courant de cet air libre
de partir, dans les yeux de la mémoire et de l’enfance. Un livre d’arbres,
aux feuilles envolées, sous les doigts de l’horizon. Nul besoin de nos
regards pour exister.
Un essai de ciel entre deux vols de nuages, parcelle de tes yeux vers
le soleil, à une lumière de moi. Le chemin des étoiles, au-dessus de nos
sourires et de la lune. Ce ciel est à mon horizon ce que tu es à l’équilibre.
Entre deux nuits, le silence, d’un côté à l’autre du jour, dans mes regards
grands ouverts. Comment passer à côté de toi, puisque tu attires même les
mots, entre l’air et les rêves. La langue de mon âme en voyage. Qu’as-tu fait
d’hier Et d’aujourd’hui … Avoue
l’infini.
Mots … tus
D’infinis soirs de naufrages en entaille de
mémoire. Les regards changent, interrogeant la nuit avec le temps. Tu sais,
les mots se posent à quai, au hasard du ciel.
Un jour de vide où nous ne serions que silence. Un jour où tout
s’effacerait, même le temps, les accords de conjugaison, nos accords de
liaison. Plus de terre où marcher ni ciel pour respirer, un voile sans ombre
et sans lumière, nul relief, aucune couleur, plus de ligne d’horizon, nul
départ. L’immobile en point de repère. Même les oiseaux auraient quittés les
arbres, même les feuilles auraient abandonné branches et sève. Pluie de
cordes sans point d’appui ni équilibre. Plus d’envie de sourire ou de voir,
de naître, désir envolé. Une vague idée de partir, loin d’ici ou de là.
Au-delà serait infiniment pareil. Ce temps inconscient, qui avance seul et
s’échappe, à la vitesse de fuir, jambes à son cou. Paralysées nos mains.
Attente planante et immobile, d’un fil conducteur …
Nos futurs seraient conditionnels. Sans aile, avenir incertain. Nul
être sera ou serait, si ce n’est couleurs et mots volatiles, gestes de pinceaux
et de voix, papiers pliés, éphémères papillons au coin de l’air, lettres ou
poèmes. Ce qui fut reste à venir, encore.
Hypothèse de la nuit, dans le silence, à l’abri des mots. Bribes de
moi, extraites de l’intérieur, si profondément enfouies, dans
l’enchevêtrement d’inconnu. Je partirai entre deux hémisphères, à l’infini de
nous. J’oublierai la mémoire même de vous plaire. Je rêverai longtemps après
les écumes du vide, après le sommeil, sous les herbes de cette nuit. Je ferai
moisson de regards, pour remplir l’espace, dissipé derrière les nuages et
l’absence. Au passage entre deux vertiges, je serai en équilibre. De paysage
entre le noir et le blanc, l’ombre et la lumière, j’ouvrirai la part de nos
yeux. Je serai en suspend au-dessus du temps, à la mesure du cœur qui bat,
comme point de départ de la vie, les premiers pas au bord du monde. Le matin,
à l’orée de toute renaissance… Pourront alors s’ouvrir les mots.
Vers quelles îles aller depuis la mer, sur quelle plage se rejoindre,
hormis celle de l'enfance. Nos rendez-vous secrets se créent à mesure de
nous. Le temps du ciel, à l'évidence d'un regard, de mots murmurés, aux
rives du hasard, aux bords des rêves.
Le jour pour mémoire incertaine du silence.
Vers quelle terre se terre la lumière, comme une empreinte décousue de la vie, l'infini à portée de mains, l'instant si près et fugitif d'aller vers soi.
Notes … Incertaines
Je prends
conscience du silence, en cheminant sur ses rives désertes. Au fond de moi se
libèrent ces espaces sombres qui séparent les ombres de l’invisible. Les
saisons m’accompagnent, toujours renouvelées de jour en nuit, en équilibre
pour se rapprocher des étoiles et faire naître le sens du ciel. Par
l’horizon, l’attente reste suspendue à mes regards, pour que deviennent alors
légères les pierres sonnantes du chemin vers la mer et les paroles en retrait
de solitude, au rythme des pas de la lune. La terre s’épanche vers la lumière
et les mots dispersés, aux quatre coins du monde. Je fixe alors l’étendue des
possibles, à la croisée de ces points cardinaux, là où les fenêtres ouvertes
équilibrent le vide et l’air, là où je respire, pour prendre l’envol de ma
vie.
Défier le ciel en habitant l’infini, le passé et l’avenir
omniprésents, en accord chevillé encore à corps, nos ailes irréelles vers le
futur. D’un jour sur la terre à l’envers, demain celui de vos sourires, les
mots des maux dits à peine, pour se lier à la peine du temps des soixantièmes
rugissants. Une année de plus à inventer le vide et la forme de partir, en
silence, à la pointe du vent.
Éclairs de nuit, regards solitaires. Étincelles après l’orage. L’or du
temps, par les mots venus depuis la mer. Le souffle coupé par les vagues, les
lames d’écume, les caresses salées, emporte l’horizon à la recherche d’un
ciel et d’une terre, d’une conjonction d’étoiles au fond du cœur, vers
l’ailleurs.
Suite autour de la mer …
Là où je suis, il y a juste la mer au lever
de mes yeux, chaque matin.
Sa ligne crée mon horizon et je pars, loin vers elle, à la limite du
ciel.
Le jour est parfaitement debout et se tient droit devant moi, en appel
à mes regards, un sourire au bord des nuages, entre l’ivresse bleue azur et
le gris cotonneux qui l’enveloppe.
Là les herbes sont aussi vertes que les algues de l’estran, le
mascaret en reflux de la mer vers la baie de la Sienne, le sable et la
salicorne mêlés en tapis de pré-salé.
Là le temps qui passe, lentement, au rythme des marées, la brise
légère et caressante. La marche tranquille sur les cordons dunaires.
Là, je sais d’où je suis …
Je commencerai par être, le matin et le
bleu du ciel, à la fois si proche et si loin, l’impalpable tissu de rêves,
au-dessus de nos têtes en l’air, le voyage
sans visage. Je commencerai par être, le jour et le temps infinis,
premiers instants de vie, à écrire ce que je suis, les mots en équilibre, sur
un fil entre deux rives. Entre les ombres et la lumière, entre la mer et la
terre, entre le passé et l’avenir, entre le hasard et l’inconnu, libre et
funambule, je commencerai par être.
***
Retour
à la sélection de décembre
2017
|