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LECTURES – CHRONIQUES – ESSAIS

Été 2024

 

Lectures érotiques de Rimbaud :

Parade sauvage n° 34

 

Chronique par Michel Herland

 

(*)

 

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Parade sauvage – Revue d’études rimbaldiennes, sous la direction de Denis Saint-Amand et Robert St. Clair.

N° 34, Classiques Garnier, 474 p., 42 €.

 

 

 

Rimbaud, l’idole de la jeunesse qui s’affiche sur les murs de nos villes (moins aujourd’hui, il est vrai, que naguère et l’on ne peut que le regretter si l’on voit là un signe de la ruine d’une culture jeuniste qui préfère désormais les rimes faciles du rap), ce Rimbaud, donc, n’a pas toujours été lu comme le font les spécialistes d’aujourd’hui qui décryptent sous les mots apparemment innocents du poète une verve gauloise pour ne pas dire scatologique et pornographique.

 

Les articles réunis dans le premier dossier de la revue font hommage à Marc Ascione, fin herméneute, qui a « démontré la présence et importance d’une polyphonie diastratique dans l’entièreté du corpus poétique et dans la correspondance rimbaldienne, mais aussi engagé un mouvement d’exploration des usages et effets de la langue verte dans les textes des poèmes ». C’est de ce second aspect qu’il sera surtout question dans ce dossier.

 

Certaines clés du sous-texte (au sens du texte caché) rimbaldien sont déjà connues mais les ressources des exégètes semblent sans limite et ils nous convainquent que les significations d’un mot a priori anodin peuvent être multiples et qu’il suffit de les chercher. Confronter un poème ou un texte (comment qualifier Une saison en enfer de poème ?) entre eux peut d’ailleurs aider à déceler de nouvelles interprétations.

 

Il est impossible de rendre compte de toutes ces trouvailles ou de toutes ces hypothèses qui sont pour la plupart, ainsi que l’écrit l’un des contributeurs, à strictement parler indémontrables. Certaines, néanmoins, ne laissent pas place au doute car directement empruntées à la langue argotique, comme la stance conclusive du poème « L’Aube » (Les Illuminations), « Au réveil il était midi » : il est midi se dit en effet d’un homme qui connaît une puissante érection. Même sens pour l’expression « quand le clocher sonnait douze » de « Nuit de l’enfer » (Une saison en enfer), l’aiguille pointée vers le chiffre douze symbolisant l’érection. Le sens est d’ailleurs conforté, dans ce cas, par la notation qui suit : « le diable est au clocher, à cette heure ». Notons qu’Alain Bardel, l’auteur de l’article en question, l’a intitulé « ‘Being Beauteous’ ou les ‘zolismes tardifs’ » en référence à l’article « fondateur » de Marc Ascione et Jean-Pierre Chambon, « Les zolismes de Rimbaud » (Europe, mars-juin 1973). Le terme « zolisme » fut créé par Verlaine au sens de « grossièreté », Zola étant considéré par une partie de la critique de son temps comme un auteur ordurier !

 

Dans un autre registre, on peut signaler l’article qui revient sur le poème « Les chercheuses de poux », ces « deux grandes sœurs charmantes » qui « font crépiter […] sous leurs ongles royaux la mort des petits poux » dans les « lourds cheveux [de l’enfant] où tombe la rosée ». Ces deux sœurs ont été identifiées par l’ex-professeur et ami de Rimbaud, Georges Izambard, aux demoiselles Gindre de Charleville. L’auteur, Benoît de Cornulier, propose d’y voir plutôt deux « bonnes sœurs » (catholiques). Parmi les indices, ces « ongles royaux » puisque les sœurs de charité sont les épouses du Christ, le roi des rois. Autre indice, « leurs haleines craintives » et les « désirs de baiser », deux notations pouvant sous-entendre un désir sexuel interdit. On vérifie sur cet exemple combien les éléments qui supportent les diverses interprétations du sens caché derrière le poème sont ténus. Il n’en demeure pas moins que la plongée dans l’ésotérisme enrichit notre compréhension.

 

Parmi les varia, un autre article d’Alain Bardel revient, à l’occasion du cent-cinquantenaire d’Une saison en enfer, sur le sens qu’il convient de lui accorder, repentir sincère ou ironie, tandis qu’un article de François-René Swennen, intitulé « La Pitié de Rimbaud », revient en détail sur « l’affaire de Bruxelles », le coup de revolver tiré par Verlaine qui blessa Rimbaud au poignet. Pour mémoire, après avoir dénoncé Verlaine, Rimbaud retira sa plainte, évitant ainsi à son ami d’être traduit en Cour d’assises.

 

Notre brève plongée dans la trente-quatrième édition de Parade sauvage, riche de dix-huit articles plus quelques recensions, entend seulement rappeler tout l’intérêt d’une revue, certes écrite par des spécialistes dans un style de spécialistes, pour tous les rimbaldiens, savants ou non.  

 

©Michel Herland

 

(*)

 

Voir, du même auteur, la chronique à la précédente édition de cette revue, dans notre numéro de novembre-décembre 2023 (à cette même rubrique).

 

 

Michel Herland

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Créé le 1 mars 2002