Ou les mots cessent de faire la tête et revêtent un visage.

 

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 GUEULE DE MOTS



Où les mots cessent de faire la tête et revêtent un visage...

Cette rubrique a repris un second souffle en 2014 pour laisser LIBRE PAROLE À UN AUTEUR... Libre de s'exprimer, de parler de lui, de son inspiration, de ses goûts littéraires, de son attachement à la poésie, de sa façon d'écrire, d'aborder les maisons d'éditions, de dessiner son avenir, nous parler de sa vie parallèle à l'écriture, ou tout simplement de gueuler en paroles... etc.

 

Hiver 2024

 

 

Libre parole à

Michel Herland :

 

Élégie tropicale

 

(*)

 

Une image contenant Dessin d’enfant, peinture, dessin, art

Description générée automatiquement

© Jacques Grieu, Euphorie

 

Nota bene : Le poète n’analyse pas, n’explique rien. Ses poèmes sont des contes que chacun peut déchiffrer à sa guise. À l’instar du photographe ou du peintre, le poète prend des instantanés et s’efforce de décrire ce qu’il a observé avec son propre vocabulaire. Bien que le poète raconte ce qu’il voit, qu’il ne juge pas, son regard est sélectif et il ne cache pas ses états d’âme. S’il est « voyant », comme dit Rimbaud, il ne faut pas l’entendre au sens où il verrait plus clair que les autres, mais simplement qu’il faut le laisser libre de voir, parfois, autrement.

MH.

 

Élégie tropicale

 

Tes grands arbres à l’assaut des mornes jusqu’au ciel

Les lianes qui s’accrochent aux fromagers

Les fleurs sauvages de tes savanes

Tes gamins sourire-soleil

Les mamzels longues jambes

Les vieillards en ont vu d’autres

endimanchés de blanc

ils accompagnent l’un des leurs

à sa demeure dernière

Tes plages de sable

blond

ou noir

l’ombre des cocotiers

Un pêcheur sur sa barque

remonte son filet

Une aigrette sur son bœuf

deux pélicans au ras de l’eau

trois frégates très haut dans l’azur

Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs

Petit inventaire de mon paradis

 

Tes plages peau de chagrin

coraux blanchis poissons crevés

mornes mités des maisons

champs en friche

chlordéconés ou pas

Cultiver ? faut pas déconner

je serai fonctionnaire

T’aimes pas tes békés

mais tu prends chez eux ta becquée

Dandinement des obèses

c’est la vie chère

Ventres ronds des gamines

Ta misère herbe folle des recoins

Centres-bourgs désolés

Routes congestionnées

bon les bagnoles ont la clim

et la radio sa musique insipide

les VHU comme décor

Règlements de compte en bas des HLM

la chaîne en or autour du cou

Garçons des abribus

sales gueules de notre avenir

 

Brasero

Poubelles renversées incendiées

belles autos qui flambent

palmiers royaux abattus tronçonnés

magasins saccagés dévalisés

gendarmes visés blessés

payés pour encaisser les coups

circulation bloquée on reste chez soi

que les malades crèvent

syndicats molokoï (1)

tes larmes sous les lacrymos

 

Tu as bradé ton âme à un repris de justice

l’État n’existe plus

tes politiciens restent coi

les NEET analphabètes tiennent leur revanche

not in Employment

not in Education

not in Training

nowhere

faux-vrais bacheliers

merci l’Éducation Nationale

vakabonajeries-singeries (2)

Schoelcher salop d’esclavagiste

ah bon ? je croyais que...

ses statues fracassées

pas de vague

Césaire ça viendra

 

Je voudrais te foutre mon pied au cul

qu’est-ce que tu sais faire

à part tendre la main

rue Oudinot

Faut plus de sous

corruption dévotion

favoritisme népotisme

gaspillage et pillage

Ben oui

pourquoi pas ?

puisque tout le monde est d’accord

sinon ils feraient bien quelque chose

-bas à Paris

non ?

Ben non

alors tu peux brûler encore

t’en fais pas on reconstruira

ceux qui sont pas heureux

iront voir ailleurs

paraîtrait qu’on se dépeuple

c’est plus de fric pour les restants

 

Je voudrais te foutre mon pied au cul

Martinique

mais j’crois bien que c’est plutôt toi

qui me botteras les fesses

 

Et le printemps m’a apporté l’affreux rire de l’idiot

 

(novembre 2024 – inspiré par les événements violents du mois d’octobre à la Martinique)

 

(1) Une opération « molokoï » consiste à ralentir la circulation avec un cortège de manifestants à pied occupant toute la largeur de la chaussée.

(2) « Vakabonajri : mauvaise action, mauvaise conduite d’un individu irrespectueux de toutes les règles » in Roger Parsemain, « Glossaire », Les Campêches s’ennuient, Nouvelles et récits, Éditions Long Cours, Le Gosier (Guadeloupe), 2020, 330 p., 15,50 €.

 

 ©Michel Herland

 

 

(*)

 

Universitaire, poète, dramaturge, romancier, Michel Herland est connu de nos lecteurs pour ses contributions à cette même rubrique, ainsi qu’aux rubriques Une vie, un poète, Francosemailles, et Lectures-chroniques.

(D.S.)

 

 

Michel Herland

Francopolis – Hiver 2024

Recherche : Dana Shishmanian

 

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