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GUEULE DE MOTS
Où les mots cessent de faire la tête et revêtent un
visage...
Cette
rubrique reprend vie en 2010 pour laisser LIBRE PAROLE À
UN AUTEUR...
libre
de s'exprimer, de parler de lui, de son inspiration, de ses goûts
littéraires, de son attachement à la poésie,
de sa façon d'écrire, d'aborder les maisons
d'éditions, de dessiner son avenir, nous parler de sa
vie parallèle
à l'écriture. etc
Ce mois...
février 2015
Libre
parole
à… Claude Sterlin Rozema
J'ai
découvert ce
poète dans le Collectif
Francopolis sur Facebook1 et probablement que le
fait qu'au même moment, on soulignait le cinquième
anniversaire du terrible tremblement de terre en Haïti, jai
été bouleversé par ses poèmes. Au
Québec, nous avons une affinité spéciale avec ce
peuple, peut-être à cause que beaucoup de
québécois allaient en vacances dans ce pays pour couper
notre hiver parfois trop rigoureux. Peut-être aussi que beaucoup
d'haïtiens ont immigrés ici aussi que la présence de
l'écrivain Danny Laferrière y est pour quelque chose.
Auteur très aimé des québécois, il nous
éveille à la vraie richesse d'un peuple et
qui n'a rien à voir avec sa monnaie. Et peut-être
aussi que je connais même si c'est très peu, je connais ce
peuple parce que mes pieds ont foulé cette terre... des regards
se sont échangés, et entendu leurs rires et leurs
chants malgré cette découverte pour nous de la
pauvreté noble mais sutout de la
découverte du bonheur au quotidien.
Qui est Claude Sterlin
Rozema ?
Né
dans le Sud d’Haïti, aux Cayes,
ville qui lui est chère et dans laquelle il a bouclé ses
études primaires et secondaires. Il a obtenu des diplômes
en science administratives et en informatiques dans la capitale,
Port-au-Prince, autre ville où il a trouvé le
côté sauvage de la poésie. Après un passage
à l’ENARTS, option histoire de l’art, il a finalement
opté pour la peinture.
Dès l’âge de
14 ans, il a commencé
à griffonner quelques mots sur papier et s’est fait aider par un
ami qui le devançait dans l’écriture poétique.
Quatre mois plus tard sous la direction de son directeur
d’école, il a publié, en collaboration avec un ami,
« Nos pleurs » et l’année suivante »La
Rose Cachée », recueils de poésie.
Depuis lors, il butine
comme le papillon à la fleur
en quête d’une poésie personnelle, propre à
définir son style. Il a participé à de nombreux
concours et a toujours obtenu des prix.
En 2007. Il s’est
lancé dans le théâtre
et a écrit et mis en scène différentes
œuvres, parmi lesquelles « Haïti dans ses
métamorphoses », « Tim Tim », «
Mère ».
Il continue à
travailler sa poésie et sa
peinture dans le but de créer un mouvement artistique qui
reflète la
« fractalité » du monde moderne.
***
Un
peu de sa
poésie
j'aime ce peuple pour sa force de vie...
"Si vous avez l’impression que vous êtes trop petit
pour pouvoir changer quelque chose, essayez donc de dormir avec un
moustique… et vous verrez lequel des deux empêche l’autre de
dormir." [Dalaï Lama]
*
j’embrasse
la ville
qui existe
devant la torche
oubliée
je me sens mieux ainsi
dans l’espace qui se ment
par instant
s’établit davantage
j’implore grâce
à la voix de l’homme
répétant mon mal
après le chant de l’alouette
à la lumière
qui s’alarme
à l’idée de l’enfant
grattant la muraille
exilée
dans l’écho inconnu
j’embrasse la ville ennemie
aux herbes du mensonge
qu’on veut désassembler
dans la barque chavirée
dans les sables
qui attendent l’aurore
se déshabillant
au pied du canyon
la lumière
n’est que buts lointains
ici
dans ce pays
aux sueurs froides
de la migraine du simoun
l’ombre maligne
des grands abusés
m’arrachant
la mémoire d’herbe hivernale
seule
scelle mes yeux
saignant
plus rougeâtres que mes souvenirs
(In « Les Cayades », Claude Sterlin ROZEMA)
((( J’ai
juste compris ce qui était important » ))))
**
pleure mon ombre secrète
sur son cœur sismique
ô ex-île de mon île
pompant du sang
mêlé de laves
ô terre de dernières aventures
sous un soleil en décombres
saignant aussi de mille mirages
je ne mourrai pas encore
à chacune de ses aubes déchirées
me tendant les bras
murmurant un gémissement musical
pour le déchirement de tous
pleure ainsi mon ombre
dans l'odeur acide du vent
bondissant tout droit
des montagnes scalpées
mon ombre pleure indéfiniment
les combats des cyclones
sur les rives consommatrices
des caravelles aux voiles translucides
fantômes du crépuscule
mon ombre
sentinelle peinarde
voilant la lampe
dont les lueurs vertes
jouent au cerceau
dans la ville déserte
avec mille bâtisses
belles prisons
aux portes entrebâillées
sur le crime du jour
couvre-feu
au son du vieil accordéon du clochard
s'habillant de voiles blanches
ô mon ombre pleure
l'espoir torturé
triomphe insensé
(Claude Sterlin Rozema, 1 février 2015)
***
le ciel
tord
ses bras nuageux
et s'est cassé la gueule
à l'horizon lumineux
épuisé de caresses d'étoiles
la mer ressasse
entre les rochers du quotidien
que nul ne puisse oublier
ô le ciel et la mer
intrépides
sont quittes
à la table de nuit
ô le temps
et ses grimaces fripées
éparpillés
dans mes cheveux
et quelques souvenirs
se révèlent en mon trône
rempli de cris en poèmes
(Claude Sterlin ROZEMA, 07/10/2014)
****
et je marchais
j'observais
la foule qui se
compactait
j'assistais
pendant des heures enfin
dans cette ville
bourrée d'hommes et de chiens
à un macabre
spectacle quotidien
l'on en trouvait dans
toutes les rues
ceux qui gagnaient mal
leur pain
des hommes en chiffon sans
identité
des malades mentaux et des
cocus
d'autres se mirent
à parler l'anglais ou l'allemand
ne se mouchant pas du pied
tout un orchestre
assourdissant
dans la ville de
Port-au-Prince
où tant
d'êtres se prirent pour des princes
(Claude Sterlin Rozema, 23
janvier 2015)
*****
Je vous donne à lire ce
poème en
créole...
cheri rete
apa w´ ap trililit mwen
jistan ou aprann mwen
konn jwe jwèt zo
tout kalte zo
depi nan ke jip
jous nan fant dwètpye w´
cheri rete
apaw vle danse rada
salsa rumba tchatcha
sou bra m' ki pa twò long
fèt karèm pral rive
o m' ta renmen
jouk li jou
ou taye banda w´
pandan bann rara m'
ap chofe pou l' deplwaye
(Claude Sterlin Rozema, 4 fevriye 2015)
- Dany
Laferrière, écrivain haïtien vivant au
Québec
disait :
« On est chez soi que dans sa langue maternelle et dans son
accent. Il y a des choses que je ne saurais dire qu’en créole.
Parfois ce n’est pas le sens qui compte, ce sont les mots mêmes
pour leur musique et la sensualité qu’ils dégagent, tu
comprends ? Il y a des mots que je n’ai pas employé depuis vingt
ans, je sens qu’ils manquent à ma bouche. J’ai envie de les
rouler dans ma bouche, de les mastiquer avec mes dents et de les
avaler. J’ai faim de ces mots Philippe. »
Pays Sans Chapeau, de Dany
Laferrière (extrait Emission
Bouillon de
Culture, 19/ 03/ 1999)
***
Et celui-ci publié sur sa
page Facebook et
commenté par André Chenet
plus tard
peut-être
l'âge bondira sur moi
le coeur comme un vieux coffret pourpre
visage fuyant
encore épuisé
dans la pirogue perdue
plus tard peut-être
sourire absent d'homme bouleversé
aux impasses de la terre
plus tard peut-être
la délivrance du jour
et peut-être
l'éternelle nuit du néant
peut-être
la vie m'échappera
jusqu'à la nudité de mes os
et peut-être
jusqu'au flanc meurtri de la terre
les yeux cruels de mes îles rongées
devant l'horizon rituel du chaos
Le 12 janvier 2015
Commentaires
André Chenet
Poèmes
à la
dérobée. Je lis essentiellement des poètes
retournant la langue afin qu'elle ne se nécrose. Mais ... je
remarque que beaucoup continuent à écrire ce qu'ils ont
toujours écrit formellement, comme si une grille
d'interprétation s'était mise en place sans que la vision
ne s'expose à ce que un Gaston Miron définissait par le
mot altérité. Les tempêtes, l'âge, les
déceptions, les joies soudaines ne semblent jamais affecter leur
écriture. Ce que j'entends par poésie bat en
brèche toute manifestation d'autosatisfaction individuelle en se
retournant instinctivement contre l'ordre établi de la bruyante
majorité silencieuse.
Aujourd'hui C.Sterlin
Rozema
***
... pour avoir rencontrer ce
poète, artiste à la dernière minute de la
production de la Revue Francopolis février 2015,
CLaude Sterlin Rozema accepte de revenir en mars, nous
parler un peu plus de lui-même l'avant et l'après du terrible
tremblement de terre... " ce séisme a tout
changé en moi... "
***
1. Visiter
Sa page Facebook
2. Poème Coup de coeur Éliette en janvier 2015 et coup de coeur Gertie
en février 2015
***
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