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SALON DE LECTURE - NOVEMBRE  2015

FLAVIA COSMA

 POÉSIE


Fragment du livre «
Griffures sur le miroir »
traduit par Flavia Cosma et Denis Emorine


Jeu tardif

Tout est un jeu :
Nous jouons aux forêts noires,
Au mort.
Nous nous métamorphosons en vent, bruyant parmi les branches,
Nous nous habillons en rouge, nous nous agrippons aux larmes pour
Ne pas tomber dans le vide,
Nous nous débarrassons de vieilles habitudes,
Nous mourons en  pensée,
Nous nous dissipons,
Nous nous enivrons, nous oublions,
Les autres nous applaudissent sur la scène ouverte,
Nous finissons par cacher nos visages
Sous de pesants manteaux visqueux.

L’amour triste et pudique
Dont personne ne tient  compte,
Glisse dans le sommeil
Cherchant un autre maître.

**
Nous

Nous sommes les montagnes parallèles, bleues,
Inébranlables sous les feux de l’été, sous le gel,
Nous sommes l’embrassement primordial,
Le rêve inconnu de l’enfance
Devenu vide,
Obsession,
Maladie.

Nous sommes la respiration saccadée
Toujours à contretemps,
Le gémissement sauvage
Réverbéré à travers les couloirs de la mémoire,
Les roches blanches
Avec la face taillée
A la recherche de l’autre partout, toujours,
Les végétations rabougries, pleurant
Sans larmes,
Les forêts des cactus hautains
Avec des arbres oubliés au bord de la route
Imitant la mort.

Nous-
L’éternité et la non-existence
Mêlées l’une à  l’autre,
Les nuages sauvages
Entrecroisés sur la voûte céleste,
Les sentiers impénétrables de la pensée
Rebelle


***
Le chemin vers la non-existence

Le chemin vers la non-existence s’embellit
Avec des feuilles sèches, tombant enjouées
Sur les trottoirs ;
Les feuilles dorées tourbillonnent dans l’air,
Courent pressées après des voitures,
Bruissent,
Gisent au milieu de la route,
Se cachent sous les roues des voitures en marche,
Feignent la mort,
Ressuscitent encore une fois,
Toujours le troisième jour, pour attester
Du pouvoir de la Parole.

Au-dessous du soleil doux
La mort revêt des vêtements d’or,
Tournant autour de moi
La quantième fois
Pourquoi autour de moi ? Et pourquoi toujours ?
Jaune,
Elégante,
Patiente,
Omnisciente.

Avec son saut élastique, imprévisible,
Elle va me mordre sauvagement
Elle va essayer de me sauter au cou.

Je le sais déjà, la lutte sera sanglante,
L’or fondu deviendra rouge, hurlera,
La mêlée va s’armer
Avec tout ce qui reste vivant en moi-même
Et le chemin vers le silence va être parsemé
de cris, de griffes, de plumes d’anges
Et de rires affolés
Par des plaisirs troubles.
****

Les démons bleus

La chaleur pesante
Me coupe la respiration.

Cela pue la charogne sur les plaines.

Je me bats depuis de mois avec
Les démons bleus,
J’essaie d’oublier, de fuir,
D’arrêter le déluge avec mes mains vides
D’éteindre le rugissement de l’eau, qui démolit sans arrêt
Tout en son chemin.

Sentant le danger de L’apocalypse
Les démons se cachent
Dans le creux bouillant de mon estomac,
Dans mon cœur vidé de toi,
Dans la mémoire de l’amour, disparaissant lentement
A l’horizon.

Je vais tomber malade et je vais mourir
Avec la nausée terrible voilant ma vue
Comme un souvenir ultime
A l’égard de cette terre.

****
Repos

Je me pelotonne dans ton cœur,
Je me réchauffe à la flamme de ton sang,
Je m’endors dans les battements sourds, monotones,
Hypnotiques,
De tes tambours
Créés avec une peau douce de biches, de chevreaux—
Je m’allonge à l’intérieur d’un poème
Que tu m’avais écrit pendant tes nuits de veille,
Même si la femme de tes rêves
A la peau plus blanche que le lait
Et les seins plus grands que la déesse de l’Abondance.

Transfigurée par de grandes flammes
Par la soif,  les éloignements et impuissances,
Je me confine de mon plein gré
Dans  les feuilles éparpillées sur le lit
Et je m’endors caressant avec mes mains brûlées
Les feuilles de papier fin, transparentes et bleues.
Croyant que j’entends maintenant ce que signifie le bonheur.

****
Il est difficile de croire…

Il est difficile de croire que le trille suave traversant
les jardins en vitesse
pourra être  seulement un signal sonore, un cri solitaire
un oiseau poussant des cris, cherchant sa contrepartie,
demandant de l’aide.

Ce que fait sa beauté, tout comme une mélodie divine,
est un mélange mystérieux de solitude,
de fragments de prière, l’ivresse des nues, une extase
mystique,
un cœur languissant après les étoiles à l’aube,
une attente prolongée, la non réalisation,
la transhumance cachée en son cœur fragile.

Ou c’est peut-être l’attraction magnétique de la lune,
devenue son,
les mers, les vallées, les hautes montagnes, la vie poursuivant
son destin
la nostalgie parcourant avec courage la distance jusqu’au loin,
en bouleversant l’horizon, en arrivant
jusqu’à la fin du monde.


******
L’hiver dans les fenêtres

Le froid sauvage nous coupe la respiration.
Les jours sont courts, l’air laiteux ;
Nous nous serrons l’un contre l’autre apeurés
et pour ne laisser aucun espace entre nous
nous nous embrassons jusqu’à     ce que
nous défaillions de fatigue.
Tu m’as donné tellement d’énergie, sans penser
a rien
que tu es resté vidé et que tu souffres.
J’essaye avec désespoir de  te rendre à mon tour
un brin de quelque chose, un bout de vie, une étincelle,
un souvenir peut-être.

Nous restons ainsi, pelotonnés l’un contre l’autre
respirant avec difficulté,
comptant chaque seconde qui passe, chaque
minute,
comme on raconte une nouvelle victoire.

Heureusement que le sommeil, lui aussi
descend en même temps que l’obscurité,
chuchotant timidement
une douce berceuse.
Quel dommage
il ne puisse plus me rejoindre.                 

Compte rendu de lecture
1.
Jean-Luc Proulx

Quelques mots sur " Griffures sur le miroir " de Flavia Cosma, , ce vingt-septième recueil poétique de Flavia Cosma, publié par les Éditions du Cygne, Paris, France, 2015,  fait l’objet de ce présent courriel dans lequel j’aimerais vous souligner un peu de l’émotion que j’ai ressentie à sa lecture.

 Depuis ma visite à Val-David, ce recueil, je l’ai lu lentement. Comment faire autrement avec l’amour qui se donne à lire ? Qui se donne… se retenant de tout dire. Qui se donne… en disant plus qu’il y paraît. L’amour (s’il s’écrit), il s’écrit avec une histoire dedans, il n’y a pas d’amour sans histoire, et c’est cette histoire du livre – du recueil – qui m’a lié à lui. Cette histoire toujours qui remonte à la surface des choses griffées : l’hier, le lendemain, l’être là, l’être en allé, celui qui est, celui qui n’est plus, celui qui part, celle qui reste. Cette histoire dans laquelle demeure… la poésie… qui ne s’inquiète de rien, qui est là en attente, dans l’arôme d’une branche, qui sait ce qu’aura été d’avoir tant aimé, d’avoir encore… à aimer, qui ne quitte pas la table, la chambre, la fenêtre devant les arbres d’automne, qui ne quitte rien du quotidien, qui ne quitte pas la grande cuisine blanche.

Dans ce livre, on sait qu’on a aimé, paré de l’or du soleil à même les grands passages […] là, peut-être, quelque part plus haut, quelque part au-dessous […] en chemin vers la non-existence […] sans aucun doute vers l’existence… d’avoir aimé pour toujours
.
Dans ce livre, en ces pages, on reste avec ces gestes tout simples du dimanche, par exemple, du lundi, du mercredi, et des autres, du jeudi bien sûr, on ne saura jamais tout de chaque jour, alors on reste avec ce livre, et l’on voit l’autre aimer, on aime avec l’autre, son âme : notre miroir. « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé », alors encore on reste, on sait ce que vit l’autre ici. On reste tout près, on ne s’inquiète de rien, on sait que l’amour revient. Et c’est ce qui fait son histoire. Il n’y a pas d’amour sans une telle fin.
 
Voilà mon petit commentaire, un peu de ces émotions ressenties à la lecture.
En vous saluant et vous remerciant chaleureusement,

(Jean-Luc Proulx—poète—Montréal, Québec, Canada)


**
2. David Brême

Âmes sensibles, ne pas s'abstenir.
Les "griffures sur le miroir"
de Flavia Cosma sont de celles qui, d'un coup de grâce féline, vous dévoilent les rayures du miroir aux alouettes des jours, comme des blessures déjà inscrites au diamant depuis longtemps.

Un hôpital blanc vous y sourit de toutes ses dents.

Des êtres déshumanisant vous remémorent que les morts célèbrent leurs bals en piétinant le coeur des vivants.

Et la poète avance à partir de ce quotidien là au-delà des miroirs: un morceau de verre transparent entre dans le sang de son inspiration et en ressort en véracité - en vers à citer-, avec le velours de sa griffe d'amour.... Ses poèmes sont comme un écrin pour les cris étouffés des âmes dont la sensibilité a été grafignée en chemin; ces cris qui ont de la peine à se muer en écrit, mais qui, à force de miroir rayé, griffé et poli, réinventent un feu blanc sur rouge, dont l'encre séchée forme ce que l'on appelle parfois poésie.

Les griffures de Flavia découpent virtuellement la réalité d'émotions méprisées et les transfigurent en leur redonnant, par le poème, le visage extasié dont un miroir déformé les avait coupé.

Âmes sensibles, en essuyant les larmes de miroir brisé et en lisant les traces des "griffures sur le miroir", vous retrouverez peut-être ce que vous étiez venu y chercher.

Bonne lecture!

(David Brême, poète, philosophe, essayiste - France
 


Présentation Flavia Cosma

Poète, prosatrice, traductrice, je suis née à Oradea en Roumanie. Réfugiée politique à partir de 1974, je vis depuis 1976 au Canada, présentement au Québec, dans la belle région des Laurentides. Je détiens une Maîtrise en ingénierie électrique, un diplôme en études théâtrales.

Auteure de 41 livres (poésies, nouvelles, romans, littérature pour enfants), j’écris en roumain et en anglais ; je traduis en roumain, français, anglais, espagnol. Mes œuvres sont traduites en français, anglais, espagnol, português, finlandais, albanais, bengali, estonien, etc. 

J’ai obtenu plusieurs distinctions littéraires pour mes écrits et mes traductions. J’ai reçu le Titre d’excellence pour la contribution exceptionnelle dans la promotion et l'enrichissement de la culture roumaine dans la région européenne et dans le monde entier, attribué par le Festival international « Lucian Blaga », XXIXe édition, Sebeş-Alba, Roumanie, 2009.

J’ai été décorée de la Médaille D’or et élue Membre d’Honneur de la Maison des Poètes du Pérou, pour ma poésie et mon travail de promotion culturelle internationale, Lima, Pérou, 2010.

Je suis membre de la Ligue des poètes canadiens, l’Association des auteurs des Laurentides, Québec, de l’Association britannique de littérature comparée, l’Union des écrivains de Roumanie, etc.

Je suis la directrice de la Résidence internationale des écrivains et artistes, Val-David, Québec (Canada) et du Festival International des écrivains et artistes de Val-David.


**
Griffures sur le miroir, Éd. du Cygne



 
Flavia Cosma, poète roumaine-québécoise
Visiter son site Flavia Cosma

Salon de lecture  : Flavia Cosma
recherche Gertrude Millaire
           novembre 2015 


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Créé le 1 mars 2002

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