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Anderson DOVILAS



À Mirebalais (Plateau central, Haïti) le 18 mai 2010, à l’occasion de la fête du drapeau national d’Haïti et de l’université :
représentation baptisée « en route vers la république d’Haïti ».


Extraits du recueil " Mon pays rien de luxe "



Assonance                                                                                      pour Ernst Exhilhome

Si la nuit vous arrive
Comme un poème étouffé de rhum
Et que l’horizon devient fragile
A l’image d’un paradoxe de la forme
N’oubliez surtout pas que la plume
Sert à balancer l’équation du sang

Et si la pluie jumelait les larmes
Pour une terre de semence inépuisable
Avec la faim, la soif   
Préoccupation d’une péripétie romanesque
On saurait écrire demain en pied de page
Comme une couronne de fleur sur les paragraphes

Je vous écris depuis un séisme polyglotte  
L’avalanche des consonnes rouillées
Dans la gesticulation du temps
Il est sans doute un mauvais métier
L’amour des césures
Quand les regards autocollants
D’une issue de vertige
Plane au dessus des phrases
Un moment à sécher

Et si par l’audace de l’esthétique
Les jours vous arrivent
De printemps chauves
Faites vous une note de chanson
A mettre au nid
Pour vous grossir la mémoire

Avec la musique on n’est jamais seul
Soit un quartier d’azur
A museler de morceau d’encre
Soit le crépuscule paie des voyages
Comme une parole de bon à dire 
De toute évidence
La vie nous arrose
A bavard
Et à muet d’espace.


Poème de l’existence

J’ai trouvé un poème
Qui peut parler de moi
Sans point de recul
Immaculé d’une cause à faucher
Dans les ruminements du temps
Des ruelles en graffitis de besoin
Un suspens à version contraire
Dans l’immobilité de la nuit
Ma vie s’articule entre chaud et froid.
Une condition de terre

Un matin de chemin illisible
Comme une fanfare d’automne
J’étais l’homme inédit
Des rouages à parier
Un visage périmé
De tous les cotés sur l’île
Un récit de combat
Des voyelles en bleu
D’une illustration de virgule
Qui voyage en rêve nominatif

J’ai perdu le ton des fenêtres
Qui fixaient des secrets
Au regard fauve de mon ombre 
Après que j’eusse par miracle
Mon premier dessin de larme
Blessé de mauvaise rumeur

Et comme une pratique de la vie
Qui s’annule aux lyrismes des proverbes
J’écris lisiblement l’intime
Des querelles de mes sens
Et depuis ces coups les plus fidèles
Ma vie s’applique aux larges
D’un va et vient pluriel.



... sans titre

Trêve de nuit sur mes paupières
J’apprivoise le syllabus des saisons
Quand je lance mes regards
Sur ton portrait

Avec un peu d’amour
J’apprend les règles de la grammaire
Pour des raisons combustibles

Avec un peu de vain
J’étrangle sans tirage au sort
L'ombre de la bouteille
Qui me dénombre
En décombre sous les pendules

Et pour soigner
Ces rues où les années
Traversent à compte- à -rebours
J’ai mis mon sang au pied du mur
Comme le vent qui samba le paysage
A Jazz
A Blues
A Petro
A Ibo
A tempo évaporé
Sur les ruines d’un baiser difficile

Mon amour

Il fait le temps de reprendre
Ton nom sous mes draps
Parce qu’il fait un temps de brise à modeler
Sur les toits d’une chanson
En terre cuite


Il fait le temps d’un absence à sculpter
Sur les silences palpables
Que rejettent mes soupirs

Il fait le temps de faire un tour
Pour oublier le temps qu’il faut.





Mes maux

Avec des vers penchés sur ma tête
Je m’appelle par opposition à la lettre qui flamboie.
Ma bouche témoignage d’aucune projection
A fait le tour des maisons qui tremblent derrière ma voix
Parce qu’il y a tant de visages fermés sur leur contenu.
Sans confondre les pas et la marche
Je relis mes proses sur des formules magnétiques
Pour oublier la tiédeur des murmures dans ma couche
Et ce n’était pas l’unique battement de mes yeux sur ma ville
Mais l’ouverture d’une ode sans faune
Où l’on semait des tresses de discours sans retrouvailles.
Aujourd’hui encore les hommes parlent
Avec des phrases nomades
Et chaque ponctuation est aussi fragile
Que le monde qu’ils partagent
Aujourd’hui encore ils sont  étrangers
A leurs propres mots
Et  leurs langages s’orientent vers l’incertitude

 



Point

Comment respirer sa fin
Avec une faim de vivre
Comment prolonger ses jours
Quand son sang
Ne peut plus imprimer.
On fait l'amour
Au bout du doigt
Si loin d'un rêve
A pas de tortue
On fait des gestes
Pour les fantômes de l'aube
A qui ce monde n'appartient plus. 
La fin est pierre  
La faim est dure
Et tout ce qui est dur
N'est pas  pierre
Et si c'est vrai
C'est un prénom
Pour essuyer sa mémoire
Pour essuyer les souvenirs
Qui font la queue
Dans ce palimpseste
Qui rend les années  posthumes


Je voyage


Je nettoie mon visage
L'Artibonite est par là
Si proche de ce câlin
Qui fait demi-tour sans écho
Si proche de cette tendresse
Qui ravit mon ombre
Si proche de ces mots
En forme de serrure
Mon amour aux couleurs de l'Artibonite
Forme un jet de lumière instrumentale
Avec la splendeur d'une fresque
Inoubliable de nature.
Mon amour le cœur
Qui bat est anonyme
Quand on ramasse par surprise
Des baisers qui ne savent pas nager
Et pardonne-moi
Si je t'embrasse aussi fort
Pour amadouer les saisons
Parce que ces minutes musicales
Brûlent encore la fraîcheur du matin
Dans mes bras



Un pas de plus

Je suis venu au monde
Un matin aquatique
Sans mèche pour allumer le contre-jour
L’aube qui faisait ses valises
M’attendait sur la branche
D’un torrent qui logeait l’amour
Et seul dans mes soupirs
Je devinai les murmures du printemps
Cachés dans tes cheveux 
 
Je suis venu au monde
Plein de veine
Avec une peinture sur la vie
Des fenêtres sur la mort
Et un pas de plus
 
Et comme pèlerin
Je suis venu au monde amoureux
De toutes les chaînes
Tes bras, tes lèvres, tes yeux
Tu passais près de moi
Comme un baiser
Pour me freiner la bouche
Et avec mes regards de centimes
J’étais près à m’acheter tes sueurs
Pour écrire un livre
Et le titre serait sans saisons
Parce que femme
Tu rongeais mes sens jusqu'à mon cœur




Poème à l’encre vide

Je suis le poète qui ramasse tout
Pour faire un poème
Des cravates
Des serviettes 
Des blasons
Et des noms
Je ramasse aussi
Des poupées
Des cuillères
De la magie
De la tradition
Et un peu de rêve
D’habitude je mettais tout ça
Sur une table
Avant de prendre une plume
Et quand je commence à écrire
Je frotte la feuille avec les lignes de mes mains
Pour sécher des cris dans mes vers 
Et je leur raconte avec un peu de patience
Que le soleil a fait sa demeure
En moi pour éclairer la chanson des hommes
Si c’est vrai qu’on m’écoute en note de musique
On saura que pour nourrir un enfant
On  lui achète une maman
Et pour aider un pays 
On lui achète une histoire
Tintée de rire patriotique



 
Les mains sales

Ils ont lavé leurs mains 
Dans le sang du peuple
Et les ruisseaux portaient le casque
Qui tréma le deuil de la ville
Ils se sont lavé les mains
Sans passer à table
Et le cœur battait sans plis
Pour humilier les mauvaises semences
Ils ont lavé leurs mains
En oubliant la paume 
Ils ont lavés leurs bouches
Sans laver les mots

Raison  d’état



Douze Janvier


Nous sommes indivisibles
L’encre et le jour
Les rivières et les mots
Le voyage et les soupirs
Des blessures exposées
Aux rangs des trottoirs
Des ruelles qui s’avancent
Sur le va et vient des larmes
Et des visages qui se levaient
Oubliés sans fragment.
On rassemblait des cris
Pour sauver des noms
On rassemblait nos forces
Pour essuyer nos âmes
Parce que la terre
Contrariée de ces haillons
Dansa le ci gît
Des entrailles en fumée
Comment trépasser
Hors de son sang ?
Comment vivre
Loin de son corps ?
Comment freiner ses yeux
Qui marchaient plein de dépouilles ?
Mais le ciel ou les oiseaux Tam-Tam
Pour acclamer le jour
Se faisait Nuage de poussière
Pour accueillir le deuil
De magnitude l’horizon tombait
D’amplitude le sang arrosait les murs
De fréquence en fréquence
Des cadavres bourgeonnaient
Pour apprendre aux chiens à compter
Et les désirs mouillés de l’instant
S’appuyaient sur la fin
Sans aucune prophétie
A présent si nos cœurs s’ouvrent
Malgré les plaies
Cassons les marges
Pour redéfinir l’espoir
Parce qu’Haïti est dans nos veines
Une circulation parfaite




Minute

A la pluie des nectars
Aux saisons qui bougent
On chante les soupirs
A saisir dans les séquences du vide
Ouvrier des temps de fièvre
Et des marges en carreaux.
L’ombre la plus dense
Est un titre révolutionnaire
Et à mesure que l’on recule
Sur ses devoirs les plus nobles
On est devenu étranger à son propre silex
Parce que Poète
Est le nom qui remplace
Les jours qui saignent



ANDERSON  DOVILAS
Né à Port-au-Prince (Haïti), ce jeune auteur de 25 ans a publié en France et au Canada. Il est poète mais aussi auteur dramatique et comédien, organisateur, au sein d’une association d’étudiants, de spectacles de rue à travers son pays meurtri, dans un but éducatif et social.


Maniant un langage poétique fait de ruptures de plans, d’images disparates, de glissades ludiques, de trouvailles provocatrices, le poète jongle en fait au-dessus d’un abîmebouillonnant de lave : c’est le sang de son peuple, qui s’élève soudainement au détour des vers, tel une lame de fond, rasante et bouleversante, projetée par un océan en feu. Son programme littéraire est étroitement lié à un projet de société.

Il anime, avec d’autres jeunes poètes haïtiens, le blog Parole en archipel, qui lance une nouvelle formule (revue semestrielle) à partir de mars 2012.


Recueils :

-   Pwèl nan Zo, Edition Lagomatik, Canada, 2009.

- Les Iles en accent aigu, Le Chasseur Abstrait éditeur, France, 2009.

- Liminasyon, éditions Lafont, République Dominicaine, 2011.

- Vingt poèmes pour traverser la nuit, éditions Lafont, République Dominicaine, 2011.

- Mon pays rien de luxe, Trouvailles, Etats-Unis (en attente de parution au printemps 2012)

 

Publications en revues et anthologies :

- Cahier Haïti (collectif), no 8 de la RAL,M. Préface de Jean Métellus, Postface de Rodney Saint-Éloi et James Noël, Chasseur Abstrait éditeur, France, 2008
- Pour Haïti (collectif), anthologie sous la direction de Suzanne Dracius, édition Desnel, 2010.
- Cahier Haïti (collectif), no 8 de la RAL,M. Préface de Jean Métellus, Postface de Rodney Saint-Éloi et James Noël, Chasseur Abstrait éditeur, France, 2008
- Pour Haïti (collectif), anthologie sous la direction de Suzanne Dracius, édition Desnel, 2010.
- Voix sans Frontière/ Voci fara hotare, anthologie sous la direction de Marilena Lica-Masala et Yvan Tetelbom.
éditions L’Hamarttan, 2010
- Poètes pour Haïti (collectif), anthologie sous la direction de Dana Shishmanian, éditions L’Harmattan, 2011.



Il est membre de Poètes à Paris
Et encore plus et l'entendre nous lire un poème sur le site d'île en île



Textes : ANDERSON DOVILAS
Extraits du recueil :  Mon pays rien de luxe  



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Créé le 1 mars 2002

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