Sibérine
• I —
sans soleil
N’ai
je assez avancé,
masse
dans la masse,
pour
ouvrir la brèche
en
plein coeur de l'hiver où
au
pôle — nuit noire de bleus
par
pente et lenteur —
ma
bête blanche, flancs assoupis,
ne
disparaît qu’à tes yeux,
où
les crocs de glaces projetés
se
plantent dans le chant
des
aires parfaites du long sommeil,
et où
inhospitalières, absences
beautés
l’hiver
au corps est une mort noire et lente
je regarde
ce qui me dévore
la
nuit m'approfondit
tandis
que je cherche une lueur, un feu.
• I.I — sans soleil
et
parce que je t’ai aimé comme j’aime
marcher
dans la nuit
calme
sans que pointe l’aube
je me
tiens immobile tout au bord
blanc
de grandes marées
où je
dors
je
fends le vent parfumé
des
octobres d’or
de sang
je
frissonne dans l’extase
des
sèves neuves des printemps
jusqu’à
sombrer sous les bruissements
des
forêts vivantes comme je m’enfonce
dans
le songe — tes bras chauds
dans
la gueule bleue de l’hiver
je
meurs un peu à ces amours
et
m’avance un peu plus encore
entre
mes os
où
sont tapies mes harfangs mes louves
vaillances
qu’aucun assoupissement
jamais
n’atteint ni ne rompt
c’est
parmi leurs voix hululées,
appels
chantants mi-rageurs,
comme
parmi les glaces les névés,
et par
nuit totale et sidérée
que
je t’arrive dans ma peau d’ours
et
parce que je t’ai aimé comme je t’aime
• II
— sang soleil
vient-il
ce moment où infime
un
tison lève le bout du monde
un
phare unique
poussée
sanglante contre la nuit
ho répandues mauves mugissantes
sur
la ligne de feu se découpe , se tranche
—
entre la matière et l'immatière —
cette
paupière pourpre
lac
incurvé dans la mort
avions
nous rêvé
un
continent rougi de neige
entre
les incandescences
du
cristal du feu
la
longue brûlure de l'aube
qu'orangent
les miroirs
n'est-ce
pas le début du monde
n'est-ce
pas toujours ce début
où
même est la fin
• III
— cent soleils
enfin
les ombres s'éclairent
enfin
des étendues s'ouvrent
et ma
tanière
s'éventre
dans
l'éblouissant monde-pôle
des
lames pures crissent
des
étaux glacés gémissent
ho nous ouvrons cette mer si grande
et ils
voient mes phoques
et ils
voient mes narvals
ouvrir
un passage et plonger
— vois où mon ours blanc
et le
plus fort de moi te cherchent
• IV
— nuit pure
les
lits de moraine et les lichens
chuchotent
partout ton nom
envoûtée
de tes odeurs
envoûtée
d'espace
je
marche la mer et peut-être traverse
ce
qui m'a fait
ce
qui m'aura nourri
seule
je
suis un hiver avancé
où
mille tourmentes piquent
mes
patiences
— si
loin — j'écoute la rivière
j'écoute
aussi les loups près du torrent
il
faut toujours un peu la mort
où
tremper la bouche
et au
plus proche de mes lèvres noires
la
vie
la
bise dit que l'étincelle n'est plus,
pourtant
le plus fort de moi te cherche
X X X
CATRIN GODIN
Elle
est née en 1965, elle vient de Québec où elle y a
étudié les arts. Elle vit à Montréal depuis
1989. Elle dessine, peint et écrit. En 2006, paraît un
premier titre, Les ailes closes, aux Éditions du
Noroît. Puis, paraît en 2012, Les chairs
étranges suivi de Bleu Soudain, également aux
Éditions du Noroît. En 2013 Catrine Godin est
invitée au Festival International de Poésie de
Trois-Rivières, elle participe au Festival Québec en
toutes lettres en 2014 par l’entremise du projet Les oracles de
Production Rhizome, puis en 2015, elle participe au projet Plus
Haut que les Flammes, de Production Rhizome.
Depuis 2010 des textes
libres sont publiés d’abord en Europe, dans la revue-papier
indépendante Les Tas de mots, le Webzine Zinzoline, la revue
Les Citadelles, puis au Québec dans la revue Possibles.
Les recueils de l’auteure ont été présentés
dans les revues françaises Traversée et Les Citadelles.
On peut suivre les
carnets-laboratoires de l’auteure sur son site
trajectoires vers l’incertain
Publications:
- Les chairs étranges, suivi de Bleu Soudain, 2012
aux Éditions du Noroît, collection poésie
- Les ailes closes, 2006, aux Éditions du
Noroît, collection Initiale ISBN 2-890018-580-X
Voir toutes ses participations dans les Revues et Spectacles sur son
site à la page Qui suis-je, que fais-je
Catrin vient de lancer, " recevoir un estival "
mais malheureusement, un feu
brûle les tendons de sa main gauche... ce qui cause un retard,
nous lui souhaitons un prompt rétablissement.
(mais vous pouvez voir le mien reçu par la
poste sur sa page d'accueil... vers Maniwaki) Merci Catrin.
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lecture
Catrin Godin
recherche Gertie Millaire
octobre 2016