Patricia Laranco
La Poésie
Elle court, la poésie...comme les graffs se déploient sur
les murs. Elle suit les acrobaties désordonnées des
terrains vagues. Elle éclabousse brusquement d'un feu d'artifice
éclatant autant que brutal et cru de couleurs quelque paroi
lépreuse, hirsute de brique, de ciment ou de simple tôle,
comme un soleil au coeur de l'averse. Elle musarde où bon lui
semble, en osmose avec le vent fou, avec les herbes tout aussi folles
qui frissonnent sous sa ruée, avec les inégalités
du pavé mal planté qui erre...
Elle est l'école buissonnière par excellence, la
poésie...A toutes les tentatives d'enfermement, d'encagement,
elle répond en faisant le mur...et ni vu ni connu !
Sa vocation est de s'éclipser, puis de resurgir sans cesse. A sa guise.
|
Dans le rêve des eaux...
Dans le rêve des eaux
se trouve
à l'état d'oeuf
un monde opalescent
qui se laisse porter¸
*
Dans le rêve des eaux
s'égarent ensommeillés
la circularité
lunaire de la fleur
et son spore béni d'autofécondation
gélatine lactée lourde de potentiel
enmagasinant ses étages nutritifs
*
Dans le silence oblong
parmi la boue nacrée
l'univers à venir
promesse du sentir,
du toucher et du voir,
du lumineux conscient,
immobile, béat
remet encore à plus
tard son pouvoir
de naître.
|
L´aventure
Une péripatéticienne patricienne avait péri : pathétique péripétie !
Une secrétaire sucrée avait été mise au secret.
Une étoile s'étiolait sdans son étole étale
de ciel : quel tollé, mais étais-tu là,
t'étonnais-tu, qu'entonnais-tu ? L'entonnais-tu en Cantonnais ?
Des tonnes de son tonnaient-elles ?
Le préfet préférait les prés auprès
des coquelicoquins : villes n'étaient que vilenies,
vélléités de vice vain, sottes sauteries
saturées.
Les oiseaux d'osier s'usaient à force d'oser espérer
qu'ils pleureraient des larmes d'or, qu'ils leurreraient alors les
leurs : leurs larmes étaient émaillées de
limaille de fer tranchant comme des lames de rasoir qui cisaillaient le
coeur des roses...
L'éphémère mérite-t-il que les mères
soient muselées par un culte marmoréen qui les majore
pour mieux cultiver cette amère peur qui suinte par tous vos
pores ?
La méduse était médusée de voir que,
comme on mésusait d'elle, la Muse s'amusait dans un Musée
où c'était presque une nausée que de voir les
naseaux niaiseux des taureaux figés dans un bloc de roc
s'abstenir et de frémir et de fumer, cependant que des albatros
d'albâtre ouvraient l'aile pour rien, ce qui les laissait
abattus, hébétés, abêtis, butés.
Les îles, elles, sont-elles ailées, les îlets
sont-ils des stylets plantés dans la chair d'océan ?
L'océan, c'est béant, les baies, ça baille
jusqu'au firmament, ferme amant, les déserts, ça erre...
Aux steppes, on ne dit jamais stop.
C'est ça, l'infini qui nous nie, nous qui n'avons plus de
nounous ni de nounours, nous les lourdés largués à
la merci du large !
|
Un naufrage de plus...
Les rues bavent leurs crépuscules et leurs matins
mousse sale arrachée à la sueur des porches,
écume rosâtre qui fait
de gros bouillons
qui furète de concert avec le museau
de maigres chiens accouplés au pourtour de l'ombre...
Peut-être est-ce un rêve qui frôle le présent,
qui hasarde son palimpseste maraudeur,
qui tout aussi bien sait folâtrer frelater...
Les rues ruisseaux cagneux tournent le dos à l'air
comme des créatures maussades qui n'ont
pour toute richesse que des roulis bruineux
des glissements de sol à la croisée des murs -
Et la fuite patine en s'immisçant partout
les ruelles vont se perdre tels des oueds
renversés dans la nébulosité du jour,
les langues des chiens lavent pavé, parois,
détours évanescents où l'espace se noue
elles veulent consciencieusement effacer
les socles sur lesquels est assis le réel
il y aura - ce soir - un naufrage de plus...
|
Derrière la fenêtre...
Derrière la fenêtre, à épier
le temps...
|
Déjà le jour...
Déjà le jour, la pâleur du petit matin
rosace exténuée dessinée
aux fenêtres
et les toussotements des premiers moteurs;
la nuit lustrée se retire à pas de loup...
comment pourrais-je faire pour la retenir
moi qui me suis laissée charmer par sa façon
caverneuse d'empêcher le temps de couler ?
*
Déjà le jour frotte son museau indécis
contre le bois des vieilles persiennes fermées,
la nuit s'est tirée
me laissant là, l'air tout con
orpheline de son concave rougeoiement
de ses magnifiques heures creuses
d'insomnie !
|
Inspiration
Les mots poussent les
mots. Rares sont les fois où je me retourne vers leurs cadavres
couchés sur le linceul tout blanc de la page manuscrite ou bien
publiée; ça servirait à quoi ?¸
De nouveaux mots sont là, qui piaffent d'impatience, comme des
bulles à la surface d'une eau qui bout. Ce sont eux que je
regarde et veux découvrir. Car c'est là suivre le
mouvement de la Vie...Tout ce qui m'importe, c'est accoucher de ces
mots, les délivrer de leur matrice, de leur gangue...et les voir
galoper, tels de jeunes poulains.
Car la Vie est tout entière de mouvement; elle déteste le
fixe, l'accompli, l'immobile. Elle ne trouve sa pleine mesure que dans
l'élan, dans l'incomplétude qui cherche à se
parfaire, et qui poursuit indéfiniment son voyage...
|
Nomade absence
L'univers est plein de sinuosités nues
de routes au bord desquelles, poudreux,
nous errons,
les mots les sons s'y perdent ainsi que les appels;
nous nous y faufilons en dédales d'échos
qui ricochent, cherchant en vain à donner sens
à l'ambiguité alambiquée des contours ,
des cheminements tout cousus de culs de sac.
En Petits Poucets, nous y semons des cailloux
couleur de lune que
nous ne retrouvons plus;
environnés par tant de masques de Janus
que les points cardinaux s'éparpillent au vent
nous haletons -halte sur le sol poussiéreux,
le long des allées bordées de statues de sphynx
et des vallées aux écailles sans lendemains
désarçonnés dès le jour
de notre naissance
entraînant notre nomade absence
avec nous.
|
Textes & Images :
Patricia Laranco
Née en 1955 à Bamako (Mali) d'un père
français et d'une mère originaire de l'Ile Maurice,
Patricia Laranco a passé son enfance
d’abord en Afrique Noire, puis sur le territoire français, dans
les Charentes.
Par la suite, son adolescence s’est déroulée dans le
sud-ouest de la France, où
elle a poursuivi des études supérieures d’histoire, avant
de venir s'établir à
Paris où elle réside depuis 1979, et où elle a
exercé successivement les
professions d'animatrice et d'employée de bibliothèque.
Elle a publié à ce jour
sept recueils de poèmes et collaboré (en tant que
poète, mais aussi en tant que
critique littéraire et auteur d’articles) à de nombreuses
revues littéraires (
dont « Phréatique »,
« Diérèse », « Poésie
sur
Seine», « Décharge »,
« Verso »,
« LittéRéalité »,
« Jointure », « Inédit
nouveau », « Les Cahiers du Sens », « Le Cerf-Volant », la revue
mauricienne « Point-barre »…) ainsi qu'à 16 anthologies et à quelques
sites internet. Elle est membre du comité de lecture de la revue
« Jointure ».
Outre l’écriture poétique, Patricia Laranco
s’adonne également à la nouvelle onirico-fantastique, à la photographie, au
collage à la peinture. Elle a eu
l’occasion de donner des conférences sur la poésie de l’Océan Indien et de faire
des interventions d’animation poétique et d’éveil à la poésie auprès
d’enfants dans une Maison de Quartier en
Seine Saint-Denis et dans un collège parisien.
Publications :
«Les mondes
filigranés» (Edition La Pensée Universelle 1976) -
«Failles dans le divers»
( auto-édition 1994) - «Sous les yeux des miroirs
obscurs »
(Edition La Cyclade 1996) - «Maison
de pages», Préface de Maurice Cury
auto-édition 1996) - «Circonvolutions»,
Préface de
Jean-Claude Rossignol, auto-édition, 2002) - «La
chaleur mammifère», Préface d’Eric Sivry,
Edition D’ici et
d’Ailleurs, 2006) - «Lointitude», Préface de Jean-Pierre
Desthuilliers, Editions La Jointée, 2009) et à lire quelques extraits sur Patrimages
Liens :
quelques réflexions sur Patrimages
quelques poésies sur Écrits-vains : Parfois - Le pays des collines - Incomplétude
et sur VOXPOÉSIE
60 poèmes sur Poésie Française
ses poèmes sur Mytexte
et aussi sur Alcoves et Paperblog et sur Littératures, arts et musiques des ìles
Métamorphoses selon Patricia sur Babel Med
L'ombre sur Lire.ca/Mouvances
Publications dans la Revue d’art et de littérature, musique du Chasseur
Abstrait (RALM) :
quelques Nouvelles
quelques poésies
Salon de lecture
Francopolis octobre 2011
recherche Éliette Vialle
|
->
Vous désirez envoyer un commentaire sur ces
textes?
|