Le Salon de lecture

Des textes des membres de l'équipe ou invités
surgis aux hasard de nos rencontres


Angèle Paoli - Damien Gabriels - Emmanuel Rastouil... et plus

ACCUEIL  -  SALON DE LECTURE  -  FRANCO-SEMAILLES  -  CRÉAPHONIE

APHORISMES & BILLETS HUMOUR -
CONTES & CHANSONS  -  LANGUE EN WEB  -  UNE VIE, UN POÈTE

LECTURES CHRONIQUES  -  VUES DE FRANCOPHONIE  -  GUEULE DE MOTS  & LES PIEDS DE MOTS

SUIVRE UN AUTEUR -
PUBLICATIONS SPÉCIALES  -  LIENS &TROUVAILLES  - ANNONCES

LISTES DES AUTEURS PUBLIÉS & COMMENTAIRES  -  LES FRANCOPOLISTESPOÈMES DU FORUM


SABINE PÉGLION

Poèmes du recueil inédit "Par-dessus l’épaule du temps"


Christine Machynia, Painting 60x60 cm, 2006 (acrylique sur bois)
Collection privée  (Diaporama)


           Silence de verre

Silence de verre

d’acier   

de vent

Passerelles des haubans

Froissements de voiles

incertaines

 

Au violet de la nuit

lentement  s’avancer

en accepter     la soie amère

s’envelopper

de temps

 

 Vers quel hauturier

départ s’élancer ?


***




Entre temps

« li per cogliere l’attimo, davvero quello... » 
Gianni D’Elia,
Congé de la vieille Olivetti

La toile s’entrouvre

                    glisse le silence du jour

Le décor vacille

                    la scène  oscille

Un tremblement léger à la surface

     des heures

Miroitement

éclat de silex de l’eau

sous l’arche d’un pont

entre deux branches

le matin si tôt


Dans l’ombre épaisse des arbres

les branches de seringats

haut portées      lumineuses

on pourrait les rêver

détachées      majestueuses

fugitives        mais accordées

L’écorce blanche du bouleau

où tes doigts dessinent un horizon

bleuit à ta fenêtre

Émergent peu à peu

les ailes oubliées de l’oiseau

cette fraîcheur que tu devines

dans la couleur des mots

Instants arrêtés de

                  nos gestes dérisoires

Instants fragiles on

               se surprend indociles

entre les pages du temps

Le long de l’écorce du cerisier

les mésanges suspendues

aux gouttes d’eau

insouciantes de cette pluie si lente

à peine secouent-elles leurs ailes

Les violettes à nouveau surgies

au creux des ronces   parfum léger

que délivre la terre   inattendu 

inespéré dans la violence du jour

Le temps prend chair   dans l’absence

                   et le vide  Se pencher  surprendre

ces particules accrochées

                  à la lumière de la mémoire

 par-dessus l’épaule du temps

(…)


L’herbe de givre froissée

craque sous tes pas

à peine quelques lueurs

pour en creuser l’éclat

Présence impalpable et sereine 

les cygnes contemplent

la respiration  lente

du premier souffle

Courbe de leurs cous entrelacés

bouche immaculée

aux croisées des rivières

Vers quel énigmatique silence  dérivent-ils

tranquilles   à fleur d’eau     à fleur d’âme ?

Fin sourire de plumes blanches

que nulle parole ne vient troubler.
(…)

Arbre éclairé au détour de l’orage

calme    comme une lampe

allumée dans l’angle du mur

sans ombres

à ses côtés

L’échelle abandonnée

&n cherche à retenir

des copeaux de nuages
          

et le jour se fait plus large



L'héron cendré

Lent       délié

     si fragile

que  blanche    l’ombre

     en dessine l’épure

 

Jaune      aiguë

       gracile

bec        tendu

en lisière des herbes

là où l’eau absorbe

l’opacité      violente 

      des branches

 

Ailes        soudain

      mobiles

s’écartelant  interpellant

        l’espace

et le vent

         Lentement  

un cercle     par lui

         s’inscrit

s’oublie      Cendre

dans le ciel   diluée

 

A  peine a-t-il suffi

que ton regard

     saisisse

 ce qui ne fut qu’

     une fuite

Froissement furtif

entre eau et brume

         si pur 




Cap Sounion

Ignorant les colonnes

Où l’agapanthe s’ordonne

Le marbre hiératique

Les liturgies antiques

          

Oubliant légendes et récits

Homère toute mythologie

Délaissant les  pilastres

Heureux de ces désastres

 

Il sautille           insouciant

              et rêve

sur les marches      brisées

 

«  Le coquelicot a besoin d’eau »

 

Inquiet l’enfant se penche

 

                   Un éclair de lumière

         rouge

               à l’angle du rocher

Toile de fête       dépliée

Sur la terre craquelée     piétinée

             l’éphémère se teint

 

La main s’approche dessine

             les contours légers

 

          

              la mer fait signe

 les pétales appareillent               

mais  la fleur s’étiole 

          

L’enfant le sait 

             à peine une lueur

suspendue

               dans le vent

 

L’enfant appelle

diligent    il recueille

                      quelques gouttes

pour retisser le temps




Ces mots aux noirs sanglots


Tu t’avances fragile

      Je ne sais

Au bord

      Regard levé

Déjà noyé de

      Tu ne sais

Quelle blessure

 

Une ombre profonde

En regret

En rupture

Ondes obscures

Pourquoi te dire

Pourquoi le dire

 

Tu avances

Je le sais

Obstinément broyée

Par ce vide    éclatée

Tu le sais

Le couloir est étroit

Hagard

Regard

         

      Déjà si loin

      La mer

      Expire

   En avais-tu le choix

 

On en perçoit

La lumière

Grise sur le marbre

 

      Tes pas

Trébuchent glissent

Tu avances

       En silence

Au bord même

       De ce cri

Fixe tendue vers

Quel horizon

Ici nulle Désirade

      Vaincue

 

Tu renonces

      Un jour

A ce trop long parcours

 

Des fleurs se déploient

Violentes démentes

      Éclatantes

Et derrière le miroir

Ton visage se cherche

 

Déjà tu n’es plus là

Tu renonces

 

 Qui dira pour toi

Ces mots aux noirs

Sanglots

 

La main tremble

A présent

      Dur regard

      Fixe au verre

Qui se brise

 

Brille alentour

Lumière grise

Du marbre qui s’éteint

 

Le couloir est si long

Si vaste ta nuit

       A tâtons

Tu renonces

 

Dire pourtant

Les murs que l’on

       Frôle

Les portes qui une à une

       Se referment

 

Dire l’absolue détresse

Dans l’arête

      De tes pas

Dire l’absolue ivresse

Dans l’angoisse

      De ta voix

 

La lumière vacille

L’aile de l’oiseau

      Tournoie

Le silence glacé

Se referme

        Sur toi

 





Le vent a trébuché

C’étaient des voiles   une à une   déployées

brisant le silence      semant l’impatience

 

Le vent   le vent   courait ce  matin

éclaboussant d’espace nos désirs

Il a lavé nos  fenêtres obscures

nous a laissé l’âpre morsure

et la fragilité du dire

 

Le vent   le vent   courait

écartant sur les troncs l’écorce sombre

de nos regrets   Il bousculait nos songes

et nous rendait libres d’aimer

 

creusant au loin sur la mer des sillons

sonores bouleversant l’horizon

de nos mots à la page dispersés

 Le vent   le vent   courait

 

                 C’était un chant à  nous donné

 

Mais le vent   le vent   a trébuché

en toi souffle à présent la transparence

du ciel la permanence du silence

sur les marges de la feuille éclatées

 

Le vent   le vent   a trébuché

la mer  si loin      s’est retirée     les nu

ages enroulés    ta voix dans le sable

si proche de la nuit       bleu insondable

s’est noyée    le regard s’enfuit    perdu

 

et sur l’herbe le soleil s’est froissé

l’ombre s’allonge à peine   elle se dilue    

dans la cendre  d’un espace ignoré

nous laissant à la rive épouvantés

 

Le vent   le vent   a trébuché

 

 






« La saison amère du froid »

« Nous ne savons rien

nous ne savons rien de la douleur

la saison amère du froid »   

« La mort de G. Apollinaire » T. Tzara

Apaise-toi

Voici le temps venu

de trouver   d’accepter

d’autres lumières

vers d’autres terres

 

Partir en cette absence

A la racine du vent

- Quoi de soi-même

et de la route menée

espérer ?

 

Partir au plus profond silence

enfoncer son visage

parmi les algues sombres

 

Peu importe la nuit

il faut nager plus loin

 

Partir avec confiance

spirales du soir descendu

s’y dissoudre

pour oublier le jour

 

Peu importe ce vide

puisqu’il faut s’y résoudre

 

II

Est-ce l’infini du bleu

Est-ce la mer soudain

qui t’a pris  par la main

pour te parler d’elle ?

 

-Ta main d’ombre et de silence

par tous les soleils répétée

Vois comme elle tremble encore

et ne peut résister-

 

La pierre se redresse

et l’éclat sur ton bras

accueille l’ombre

d’une aile

 

à la périphérie du jour 

passe l’aile de l’oiseau

sur la face du ciel

ton regard s’y consume

 

Et s’il fallait      simplement

recueillir     au passage

de la griffe du temps

ce que fut  ton visage    ?

            

III

C’est encore une histoire de bateau

 

et tes mots à la voile

Trame effilée

le vent s’est échappé

le bateau reste à quai

l’horizon en lambeaux

 

L’encre de la mer

jamais n’éclaircira

ces vers

 

Tu vois  mon tout petit

l’océan se réduit




Derrière les grilles du parc


Tu marches

Un gris humide t’absorbe

les rameaux se délitent

vers l’opacité d’un

ciel muet

délibérément obscur

Tes mains recueillent

le silence

Tu marches

Un ballon rose lentement

dérive au-dessus de l’allée

La main au bout du fil

ne cesse de trembler


Se croise et se recroise

si loin dans ta mémoire

le labyrinthe des images

sous le sable de tes pas

Tu marches

N’essaie pas d’y approcher

A quoi bon rejoindre

le Minotaure ?


Un carrousel  emporte

le rire des enfants

Et les chevaux s’inclinent


Trait de lumière derrière

les branches dénudées

un landau vert traverse

l’allée   Et tu t’étonnes

de ce temps en allé

Tu marches

Tu le regardes surgir

en sa désespérance

se fondre dans l’effacement

nocturne

Minotaure sorti du labyrinthe

Tu marches


Où trouver   à présent

le fil étincelant 

celui qui brodera

cet habit de lumière

pour affronter l’arène

tuer le Minotaure

et rentrer triomphant

Tu marches


Le carrousel défile

et les enfants s’éloignent

des chevaux grimaçants


Sous la cape rouge l’épée

parviendra-t-elle

si loin du labyrinthe

et des rochers brûlés

à traverser le cœur

du Minotaure

Reviendra-t-il    enfin

levant la voile blanche

vers nous    délivré    serein

Tu marches


Des flocons sur ta main

glacés se posent  Plus loin

les silhouettes aux lustres

de cristal sous les fenêtres

inscrivent une autre histoire

Le parc ici  se ferme

Occulte l’arène Nulle

issue derrière les grilles

Nul triomphe espérer

Au carrousel des jours

tournent  tournent  les chevaux

 
Tu marches

(Paru dans Les carnets d'Eucharis, mai juin 2011)


Une barque de sable


Prendre le temps     un jour

de construire    lentement

une barque de sable

Sur la grève      s’attarder

Rassembler sous nos pas 

les éclats    dispersés

 

Lutter contre la vague

jusqu’à     l’effritement

S’en aller vers le large

emportant     grain à grain

ce qui fut de nos heures

la clarté incertaine 


            

Approche toi de l’aube


Pour raviver vos voix

dans la douleur des songes

 

Pour ouvrir    un espace

plus vaste     contre  

dire    l’absence

 

                Approche toi de l’aube

 

Là se délitent les ombres

Là se lèvent les couleurs

 

Recueille   en elle   

la fluidité des formes

l’inachevé des jours

            

               Et ces mots   si clairs semés




La mer, l’aridité des rivages méditerranéens, ont laissé leur empreinte, depuis ce jour de janvier 1957 où elle a vu leur lumière. Des études de lettres à Nice, un doctorat sur l’œuvre de Philippe Jaccottet à la Sorbonne lui ont permis de concilier écriture, poésie et enseignement. Sabine Péglion vit à présent en région parisienne, où le fil de la vie l’a menée voici près de vingt six ans.
Elle publie ses poèmes dans les revues Chèvre-Feuille étoilée, Terres de femmes, Les carnets d’Eucharis ; elle anime le Café poésie de Marly-le-Roi.

Sabine Péglion

Recueils :
    Métamorphoses, Hélices, 2005 (réédition : 2011)
    Australie, notes croisées, avec les dessins de Jacques Bret, éditions Mazette, 2011

Contributions à des anthologies et recueils collectifs :
    Côté femmes, d’un poème l’autre. Anthologie voyageuse. Poèmes réunis par Zineb Laouedj et Cécile Oumhani.
       Editions Espace Libre, Alger-Paris, 2010

    Anthologie poétique Terres de femmes, 2010 (direction : Angèle Paoli)
    La dictée-poésie sans faute, éditions Vincent Rougier, 2010 (collection Ficelle, n° 100)
    Poètes pour Haïti, L’Harmattan, 2011 (direction : Dana Shishmanian et Khal Torabully)
    Sortilèges, Hélices, 2011 (Esprits poétiques, n° 4 ; direction : Dana Shishmanian)



Textes : Sabine Péglion
Poèmes libres de droit extraits des recueils inédits :
Par-dessus l’épaule du temps et Ces mots si clairs semés




Salon de lecture
Francopolis mai 2012
recherche Dana Shishmanian

-> Vous désirez envoyer un commentaire sur ces textes?
        



Accueil  ~ Comité Poésie ~ Sites Partenaires  ~  La charte    ~  Contacts

Créé le 1 mars 2002

A visionner avec Internet Explorer