[l’horizon]
l’horizon
ne
cesse de
ce matin se dépose au bord de la fenêtre
je ne peux aller plus loin
et
j’attends tout le jour qu’elle efface
son nom
ne
plus être ces regards qui m’expulsent
de mon corps
la
nuit se fera corps
et mon corps cela qu’on ne peut que la nuit
ils
seront les pas où la nuit me viendra
si lents je ne saurai pas ce que la nuit m’en sera
et
l’aube à la fenêtre,
cette aube dont je ne sais rien
là,
au creux de mes mains à tout ce que je ne suis pas
(Dernier
texte et dernière
présence sur Facebook, le 20 juillet 2015)
le corps de
le corps de
mille détours s’y accorder
et un jour
désarticulé
ne reste corps
que le corps de
on aura beau mille tenter
détours ne sont que dépassés
le corps de
celui qui nous garde de la mort
disloqué n’est plus que le corps
assis au bord de ce qui est
on est là ce qui est sans fin
nos corps un à un disparaissent
ne reste plus
que le corps de
ce corps on n’en sait pas le nom
le nôtre n’était lui qu’un habit
l’entendre le dire ne sert plus
se redresser
même pour rien
et on le sait, un proche matin
ne sera là que le corps de
dans le corps de
(Enfin un bon texte ! – email du 18 juillet 2015)
***
marcher
marcher
et marcher pour se perdre
à la juste vitesse où on ne connaît plus rien
des choses
du quotidien
il suffit de bien peu
quelques pas
quelques pas
à la juste vitesse
on se perd. on se perd
enfin
on redevient
ce qui nous est humain
marcher pour cet amour dont le corps m’échappe toujours à
cet instant où je le tente caresses
marcher
à perte de chair
au flanc de ce vertige qui nous invente chair
marcher
pour simplement se taire
se taire
ce qui nous est
ces mots
où on s’invente
le monde
à nos pieds
marcher
pour les tuer
sueur
ces dieux qui nous inventent
sueur
les adorer
marcher pour cet amour qui ne cesse d’échapper
marcher
pour là ce lieu
où enfin je m’arrête
le silence
me chair
ces cris
que je ne peux plus
là plus rien de mon souffle
marcher pour cet éclair à l’extrême des fatigues
la chair là n’est plus
pourtant
on continue
marcher pour rattraper cette étoile, unique, qui nous montre ce
chemin qu’on ne peut que le corps
marcher parce qu’est ainsi
le monde
tout, en mouvement
marcher pour cette étoile
qu’on perd
à s’arrêter
marcher car de marcher ne reste que l’essentiel
le corps
évidemment
et autour le corps ce qu’on peut un dedans
marcher
pour cette musique
que chante
sous nos pieds
ce corps
ce corps ce monde ces hautes harmonies où nous sommes vivants
marcher pour s’abrutir
s’assourdir
s’aveugler
à chaque pas risquer le gouffre s’y engloutir
et chaque pas la merveille l’étoile sur la nuque,
celle qu’on ne verra jamais
nous empêche la chute en ce que nous sommes ce monde
marcher à perdre chair
perdre cœur
se taire
et là, nous vient le monde
entier
n'en savons rien
marcher
pour la fatigue
l’extrême où le corps lâche enfin les amarres
et là
là l’océan
le vaste de la matière avant toutes les choses
marcher
pour la rencontre
de cela
que parfois
on peut enfin
visage
marcher, pour la rencontre, de cela, que souvent, on n'ose plus
espérer
(marcher, Facebook et email du 17 juillet 2015)
****
au bord
de l’étang
(au bord de l’étang, envoyé par email le
1er juillet 2015)
les
poètes
ils forgent
à l'aube
toujours à l'aube
dans le feu que les yeux ne peuvent qu'aveuglés
ils forgent
la peau sueur et le cœur animal
ils forgent à grands coups d'âme les lames de nos
rêves
les saurons-nous brandir ?
déchirer l'irréel où nous rêvons
dormants
cette aube qui nous est chair avant nos yeux perdus
les saurons-nous, dressés, dans l'éclat du soleil ?
une promenade dans la forêt
c’est une forêt obscure
de celle qu’on n’ose pas sans y aller clarté
mais ne vous y trompez pas
aucune de ces clartés qui viennent du dehors ne peut y
éclairer
c’est une forêt obscure
de celle qu’on ne peut clarté que ce qu’elle est clarté
un pas tout disparaît
tout disparaît son seuil de ce qui est dehors et
s’élève tout autour
ce qui l’a fait forêt
les vieux
les vieux arbres qui se taisent où passe l’aveuglé
il arrive qu’ils parlent
en une langue que les hommes ne savent plus leurs lèvres
ils parlent les écorces, les branches dans le vent
la splendeur du soleil qu’ils adoucissent feuillage
et qui sait les entendre
les vieux arbres
se taire
sait sa peau une écorce où l’homme change de chair
devient
dans la forêt
dans la forêt obscure l’enfant d’une lumière qui
éclaire le monde
depuis les premiers temps
Pour
avoir une idée de la manière dont l’auteur concevait la
lecture du dernier texte reproduit ci-dessus, visualiser le fichier
(les
3
derniers
textes sont extraits du recueil inédit
Palimpsestes,
version
définitive
par l’auteur le 22 juin 2015)
Luc-André
Rey
recherche Dana Shishmanian
janvier 2016
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