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SALON DE LECTURE - FÉVRIER 2016

Dominique Sutter

« Le poème est le lieu d’un dépassement. »

Textes inédits



Le ferrailleur

Le vent a balayé le balcon

Je l’ai vu enjamber la colline

Et rejoindre l’horizon.

 

Il a fait pivoter mon visage

D’est en ouest

Du sud au nord

Et j’ai entendu la voix rauque

Du vieillard affûteur de couteaux

Qui fait du porte à porte

Comme je fais sans le vouloir

Du cœur à cœur

Dans l’absence.

 

Qui va là ?

A dix-huit heures

L’heure des tris

Des basses pensées

Et des couteaux affûtés.

D’un coup de voix

Désormais

Le ferrailleur a séparé

Ma vie d’avant

Et ma vie d’après.

 

 

Cueillaison

Au détour d’un chemin

Aux lisières bucoliques

Un chant s’enroule

Autour des branches

Monte et s’empare du silence

D’une infinité de voix absentes.

 

On avance d’un pas lent

Au gré des chuchotements.

Chaque pas s’alourdit

Et prend possession du domaine.

Chaque acte se dit vérité.

 

Nous avons soif de densité

Et le temps nous met hors d’haleine.

Que restera-t-il de tous ces songes ?

Le souvenir d’un jour cueilli

En dérive sur des eaux tumultueuses.

 

 

Furtivités nomades

 

Ils rôdent s’allongent et passent

Les jours

Du jardin à la bibliothèque

Du monde d’en bas

Au monde d’en haut.

Jours dentelés incurvés émondés.

 

De l’ordinaire à l’improbable

Ils s’entrouvrent

Les jours

Dans l’intervalle caché

Entre pensées rases et ailées

Sous les nuages plombés.

 

Ils glissent sur  la terre

Les jours

Dentelés  incurvés émondés

Avides d’éclaircies

Pour laisser jaillir

Hors d’elles-mêmes

Nomades nos pensées.




Diffractions

Au cœur d’un triangle isocèle
Je suis le regard à reflets
Que l’axe du temps taille à facettes.

Goulûment j’absorbe la lumière
Qui rase les lisières du monde
Mais tout s’imprime en noir et blanc.

Le soleil glisse sur mes écailles
La pierre me rend une chaleur usurpée
L’arbre persiste à me tamiser à voix basse.

Ma pensée se clive en étincelles
Et je vole un peu plus en fragments.

Au ras de l’horizon
S’envolent les copeaux
De mes diffractions.


Les râles du téléphone

Qui a gémi dans la nuit ?
La voix enroulée au bout du fil
S’est dévidée en un cri.
Une voix noircie d’absence
Gris fumée comme le silence.
Des pensées s’effilochent
Et laissent une cendre
Poudrée de suie.
La nuit s’est voilée
D’acrimonie.


Epiphanie marine

Elle ne sort pas toujours d’un puits
La vérité.
Elle affleure en écume
Et roule d’affreux remous au large.

D’une lame blanche  elle raye l’horizon
La vérité
Souvent noyée dans le bleu qui fume.
En été au-delà de nos pensées rases
Elle s’élève en vapeurs posthumes
Et s’élargit en déchirures
Auprès de ceux qui l’ont rêvée.

Elle ne prévient pas
La vérité
Ni ne se dénude.
Elle choisit la pointe d’un rocher
D’une île effritée
D’où s’échappent des rats musqués.

En blanc et furtivement elle surgit
La vérité
En pleine galène.
D’un regard d’acier
Elle fige les tourmentés.

Comment remonter alors
Du clair-obscur royaume ?


Toile immaculée voile

Dans le grand ciel sans fond
De ma page blanche
Tout fuit en nébulosités
Légers glyphes incertains.
Seulement des réseaux d’encre
Mince tissu de pleins et de déliés
Avancent par vagues
Vers le large joyeux
Au cœur de la houle.
Au cœur de la houle.

Nulle issue vers la confluence.

En plein milieu du chemin
Qui court sans bord
En dépit des marges
Les mots entrechoqués
Appelés à comparaître
Avancent hagards
Sans savoir si l’encre
Cessera de couler.

Comme le sang 
Au cœur en son retour
L’écriture se perd
Dans un cercle  étroit
Et se penche sur des souvenirs.
L’âme s’y incline
Danse sur les mots
Le temps que les voix se fanent
Laissant mourir un secret
Au cœur de la page.

Du clair au trouble
Du simple à l’obscur
Le passé s’est délavé dans l’encre
Sous les intempéries
De nuageuses confessions.
Les dernières lames emportent les mots.

Sur le banc de sable
Serpente une ride d’évanescence
En plein cœur de ma page blanche.


Epilogue

Vivre pauvre
Ecrire nu
Penser ras
Porter large
Marcher sec
Etreindre vrai
Parler bleu
Sourire lisse
Suer vin
Jouer violet

Rire exsangue
Boire au fond du puits
Si j’y suis.



Spécialiste des classiques et adepte des stoïciens, Dominique Sutter vit à Saché  en Touraine, dans la maison du passeur de l’Indre et dans l’ombre de deux géants, Balzac et Calder : c’est ce qu’elle appelle un lieu d’initiation.

Elle a publié des poèmes dans des revues (Passage d’encres, Pyro, Bacchanales, Midi, Cahiers du sens) et une « trilogie bucolique » (Mirabilia,  Evangiles buissonniers, et Terre faé, parus en 2010, 2013, 2014 à L’Harmattan).

Les poèmes reproduits ici sont extraits de deux recueils inédits qui développent plutôt un autre parcours, celui des expériences intérieures que l’auteure nous présente ainsi: « En effet le poème est le lieu d’un dépassement. Le temps y estompe le tragique et console. L’être finit par s’adonner à une quête exaltante et se fortifie par un questionnement au monde, aux autres, à la vie. »

Dominique Sutter
  recherche Dana Shishmanian
février 2016


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Créé le 1 mars 2002

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