Ce qu'on y voit, ce que cela nous inspire,
aux quatre coins du monde.








 
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Petit voyage poétique autour des îles
guidé par Cécile Guivarch



  La nature nous fait naître une nouvelle fois. Ca a commencé avec la graine qui transperce la terre, les premières feuilles qui apparaissent, avant que le bourgeon ne laisse sa place à la fleur tournée vers le soleil. Cette fois, ça y est pour de bon, l'été est arrivé et nous fait rêver sous le ciel bleu. Francopolis va être au ralenti pendant ces deux mois, les membres du comité vont s'installer paisiblement dans un hamac, dans un transat au bord d'une plage et siroter quelques cocktails rafraichissants avant de s'offrir un cartable et des cahiers neufs pour la rentrée des classes en septembre. L'équipe vous souhaite de bonnes vacances et vous amène pour un petit voyage poétique dans les îles.

Les poètes des îles, j'en ai compté bien plus qu'on pourrait croire. Mais bien sûr, pas évident de les mentionner tous, ni de voyager sur toutes les îles du monde, alors j'ai essayé de retenir des poèmes dans lesquels des auteurs faisaient largement référence à leur île. Cela vous donnera peut être envie de les découvrir (les auteurs et/ou les îles). Bon, vous êtes prêts pour une petite virée en bateau ? Mal de mer, abstenez-vous !

Par où commencer notre périple d'île en île ? Bon, d'accord, île en île je ne l'ai pas inventé, c'est le nom d'un site superbe dans lequel vous pourrez lire et faire connaissance avec divers auteurs. Intéressant ce site. Surtout quand précisément l'envie vous prend de lire de la littérature des îles ! Mais aussi lorsque l'on recherche des liens sur les arts culinaires, arts plastiques, langage, musique, voyage, patrimoine, etc, etc. Donc, voilà, je ne vais pas vous cacher que l'essentiel de ma recherche sur la poésie des îles me vient de ce site au nom qui fait rêver, île en île (http://www.lehman.cuny.edu/ile.en.ile/table.html). Bon et j'ai aussi dans ma bibliothèque quelques bons recueils et anthologie qui m'ont permis de compléter mes connaissances sur la poésie des îles. Par exemple une anthologie publiée par Le printemps des poètes en 2003 : Poésies du monde, ou encore ces anthologies présentées par Jean Orizet dans la revue Poésie 1, aux éditions Le cherche midi, avec par exemple des dossiers : Poètes du monde, Poètes de la méditerranée. J'ai aussi une anthologie de la poésie censurée à Cuba dans la collection interdite proposée par la Fnac et Reporters sans frontières.

***

D'île en île… Première destination, cap sur les Antilles avec la Guadeloupe. Vous aurez toutes les informations nécessaires sur le site Opodo pour l'achat de votre billet d'avion. En Guadeloupe vous ne pourrez très certainement pas boire un café dans un bar littéraire sans aborder les noms de Saint-John Perse ou du contemporain Ernest Pepin

 

 

Les mains plus nues qu'à ma naissance et la lèvre plus libre, l'oreille à ces coraux où gît la plainte d'un autre âge,
Me voici restitué à ma rive natale… Il n'est d'histoire que de l'âme, il n'est d'aisance que de l'âme.
Avec l'achaine, l'anophèle, avec les chaumes et les sables, avec les choses les plus frêles, avec les choses les plus vaines, la simple chose, la simple chose d'être là, dans l'écoulement du jour…
Sur des squelettes d'oiseaux nains s'en va l'enfance de ce jour, en vêtement des îles, et plus légère que l'enfance sur ses os creux de mouette, de guifette, la brise enchante les eaux filles en vêtement d'écailles pour les îles… "

Saint-John Perse, Exil [1941],
in Éloges, suivi de La Gloire des Rois, Anabase, Exil,
Gallimard, collection Poésie, 1960, p. 160.


Au sombre étage colonial
les plantes vertes se nourrissent de luxure
ta couche est parfumée
une tempête de senteurs
goyave dépravée délivrée de sa branche
mon bain sensuel attisant l'alcool
Entretenue parée
endimanchée de rêves
tu enfiles des soleils à ton cou
tu accroches de soleils à tes oreilles
des bracelets de soleil étincellent à tes poignets

Ernest Pepin in Au verso du silence, extrait du poème "Notre amour sans archives",
L'Harmattan, 1984, p. 17.


Toujours dans les Antilles, La Guyane nous accueille avec ses tapirs, ses zébus, ses papillons géants mais aussi ses mygales, boa et caïmans ! Si Leon Gontran Damas vous pique, pas de panique, il n'est pas vénéneux ! Au pire, vous risquez de faire une bonne crise de foie en dévorant tous ses livres !

ILS SONT VENUS CE SOIR

Ils sont venus ce soir où le

Tam

Tam

Roulait de

Rythme

En rythme

La frénésie

Des yeux

La frénésie des mains

La frénésie

Des pieds de statues

Depuis

Combien de MOI MOI MOI

Sont morts

Depuis qu'ils sont venus ce soir où le

Tam

Tam

Roulait de

Rythme

La frénésie

Des yeux

La frénésie

Des mains

La frénésie

Des pieds de statues

Léon Damas dans Poètes d'Afrique et des Antilles, Anthologie présentée par Hamidou Dia, éditions la table ronde, page 76.


Si on avance un peu dans notre voyage, nous nous retrouvons sur l'île de tous les charmes, dixit http://www.martiniquetourism.com/article7.html : en Martinique. vous pourrez y lire en sirotant un punch coco et des acras de morue Aimé Césaire membre fondateur de la négritude, et Edouard Glissant qui joue un rôle important dans la renaissance culturelle Négro africaine.


mon eau n'écoute pas

mon eau chante comme un secret

mon eau ne chante pas

mon eau exulte comme un secret

mon eau travaille

et à travers tout roseau exulte

jusqu'au lait du rire

mon eau est un petit enfant

mon eau est un sourd

mon eau est un géant qui te tient sur la

poitrine un lion

ô vin

vaste immense

par le basilic de ton regard complice et somptueux

Aimé Césaire in Cadastre, ed. du Seuil, p.196, Martinique (France)

"Je t'ai nommée beauté, te commettant ce lourd cri d'ailes où tu passes
Avec les mots qu'entasse en mon brasier l'égal tourment, je t'ai nommée
Vertige, tu m'élis dans la clarté de tes paroles, sur la mer agonisant.

Tu pris la vague dans tes doigts, laçant l'écume au ciel, faisant
Naufrage de ces mots qui te battaient au flanc. Je te nommais
Beauté, femme, très douce lame, allée sur le couchant, tu fis
Dans l'oeil qu'ouvrait ce rivage venir
L'embrun où je connus l'antan de mort, l'azur
Où je te vis - drapée de plaies.

Là je connus le vêtement de plaies."

Edouard Glissant, Le sel noir, Le sang rivé, Gallimard, 1983, p. 124.


En déambulant un peu, on se retrouve facilement de la Martinique à la Havane (ne pas abuser du punch) dans une ambiance salsa, rhum et cigares. Cuba nous fait rêver et pourtant nombre de ses poètes se sont retrouvés en prison ou bien en exil. C'est le cas par exemple de Heberto Padilla emprisonné pour avoir des pensées contraires au régime de Fidel Castro.

J'ai toujours vécu à Cuba

Je vis à Cuba. Toujours
j'ai vécu à Cuba. Ces années d'errance
de par le monde dont on a tant parlé,
sont mes mensonges, mes falsifications.

Car je suis toujours resté à Cuba.

Et c'est vrai
qu'il y a eu des jours de la Révolution
où l'Île aurait pu exploser parmi les lames ;
mais dans les aéroports,
dans les lieux où je me trouvais
j'ai senti
               qu'on m'appelait
                              par mon nom
et en répondant
je me trouvais déjà sur ce rivage
transpirant,
               marchant,
                              en bras de chemise,
ivre de vent et de feuillage,
quand soleil et mer grimpent aux terrasses
et chantent l'alléluia.

Heberto Padilla in Anthologie de la poésie cubaine censurée, Fnac, Reporters sans frontières avec les éditions Gallimard, page 94


Et pas très loin de Cuba, René Depestre originaire d'Haïti mais en exil depuis pas mal d'années. Serait-ce le vaudou, le zombi ou des actes de sorcellerie qui l'ont décidé à fuir le pays ? Je ne le pense pas, même si cette île est ancrée dans ces croyances. En tous les cas, je me laisserai bien tenter par une petite salade d'avocat en entrée, du bœuf à l'haïtienne et un gâteau de patates douces au dessert.


"Ce n'est pas encore l'aube dans la maison
La nostalgie est couchée à mes côtés.
Elle dort, elle reprend des forces,
Ca fatigue beaucoup la compagnie
D'un nègre rebelle et romantique.
Elle a quinze ans, ou mille ans,
Ou elle vient seulement de naître
Et c'est son premier sommeil
Sous le même toit que mon cœur.

Depuis quinze ans ou depuis des siècles
Je me lève sans pouvoir parler
La langue de mon peuple,
Sans le bonjour de ses dieux païens
Sans le goût de son pain de manioc
Sans l'odeur du café du petit matin.
Je me réveille loin de mes racines,
Loin de mon enfance,
Loin de ma propre vie.

Depuis quinze ans ou depuis que mon sang
Traversa en pleurant la mer
La première vie que je salue à mon réveil
C'est cette inconnue au front très pur
Qui deviendra un jour aveugle
A force d'user ses yeux verts
A compter les trésors que j'ai perdus."

René Depestre (journal d'un marin, Editions Seghers, Paris), lu dans Anthologie Négro-Africaine, éditions Edicef, page 166.


Bon ! Eloignons-nous un peu ! Retrouvons-nous à Madagascar, carrefour entre l'Asie et l'Afrique, le pays des lémuriens, des caméléons et de Jacques Rabemananjara

LA MER

"La mer ! Elle est la grande soeur
dont la berce, inlassable,
les peines, le sommeil de la Terre et du Ciel.
Elle-même
a vie en mouvement
qui chante
la marche d'or du soleil
le tournoi des planètes
et la noce éternelle du jour et de la nuit.
La vie inépuisable
qui se propage, une et généreuse, à tous les continents.
Elle est le manteau large
couleur d'émeraude et d'azur
sur l'épaule de la fraternité du monde."

Jacques Rabemananjara dans Poésie 1, Le magazine de la poésie, Dossier Poètes du Monde, choix et présentation de Jean Orizet, Le Cherche Midi, mars 2003, page 54.


A environ 900 kilomètres à l'est de Jacques Rabemananjara, on pourra saluer Umar Timol ( http://www.umartimol.netfirms.com/peau.htm) que nous avons le plaisir de compter dans notre bibliothèque d'auteurs et avec lequel Hélène Soris avait eu un entretien (http://www.francopolis.net/francosemailles/UmarTimol.html).
L'île Maurice, de son premier nom, Cirné, figurait sur les cartes des arabes avant même que les portugais ne s'y installent et qu'elle soit colonisée par les hollandais en 1598. Que de pays voulaient que ce pays soit le sien ! En 1710 c'est la France qui en a le contrôle et un siècle plus tard les britanniques et ce n'est qu'en 1968 (serait-ce en mai ?) qu'elle est proclamée indépendante ! Et c'est peut être de tout cela, qu'inconsciemment peut-être, Umar Timol met à jour dans ce poème qu'il nous a personnellement envoyé. Merci Umar qui me dit de ne pas oublier que d'autres poètes sont à lire dans son île, comme par exemple Yusuf Kadel, Sedley Assonne ou Sylvestre Lebon


Artisans

Vous édifiez l'île. Vous en êtes les démiurges, de son passé et de son devenir. Vous tissez l'essor de nouvelles fraternités. Vous délaissez les algèbres de la manipulation. Vous tendez la main à l'enfant et au vieillard. Vous méprisez ces hyènes qui traînent langues avides sur les impasses de nouvelles compromissions.
Vous êtes immortels et indispensables.
On vous croirait presque.
Mais on sent ruminer vos gueules mensongères et fétides. On entend crisser vos prodigieuses bagnoles emplies du sang des faibles. On voit vomir vos carcasses emplies du goût irréductible du pouvoir.
Sachez que l'île dantesque n'a nul besoin de vous.
L'île, celle qui plisse sa chevelure argentée sur les caresses du soleil, l'île n'a nul souvenir des cupides, l'île n'a nul souvenir de vos perfidies, l'île dansera sa mémoire, écumera sa mémoire, larguera sa mémoire dans les mains de ses artisans, hommes de peu, hommes de rien, hommes qui brisent le sel de la mer, hommes qui bêchent terres stériles, hommes qui n'ont ni parole, ni fric, hommes aux corps noircis par une trop grande souffrance, hommes qui gravent sur dos-ardoises la trame de tyrannies inouïs, hommes aux corps ravinés par les communions de bouches affamées.
L'île vénèrera sa mémoire aux hommes qui n'ont que pour unique espoir les cicatrices de la dépossession.

Umar Timol


Mer
sur la grève nous lèche
l’empreinte :      écume Rappel
et vagues plaintes…           En vain !
Depuis Loth
on ne se retourne
plus

(Yusuf Kadel - extrait du recueil En Marge des messes)


Destin d'îlien

C'est ici qu'il faut venir
A la croisée des tendances et des couleurs
Des parfums des murmures
Respirer l'air trouble du merveilleux incompris
C'est ici qu'il faut savoir
Mêler sa voix au concert des langues
Salut Namasté Korek Salom
Voix tropicales îliennes
Ayant senteurs d'épices et de massala
Couleurs des champs de cannes frémissants
Et des lagons turquoise accent de la ravane
Allure de kestrel solitaire
Ici
Est appelé à naître un chant nouveau
Pétri par la mémoire des pères
Paré de henné et de santal
Succulent comme un gâteau pow
Car c'est ici que les couleurs
Disent le merveilleux
Chant de métissage
Reprenant la rumeur de la mer
Réinventant le songe des mages
Ici, la cadence des reins dit folklore liberté
L'appel du muezzin se mêle
A l'infini
Visages cardinaux aux sourires
Confluents
Ile-couleurs île danse
Et que serait mon chant de poète
Si mes vers ne cascadaient
Comme la chute de ces reins
S'ils ne brillaient comme ces sourires
Cette mer de mages
Rythme modulé de senteurs d'épices
Pieds libres, dansants césure ivre
Portant le secret des mythes.

Sylvestre Le Bon


250 km plus au sud ouest, nous voici sur l'île de la Réunion, île volcanique on pourra y admirer le Piton des neiges, le sommet le plus élevé de l'océan indien avec ses 3070 m d'altitude. L'île vue par satellite nous montre toute sa verdure avec une côte au vent et l'autre sous le vent. Me plairait y faire de la rando et y manger le rougail. Et si Boris Gamaleya pouvait m'y accueillir, je n'hésite plus une seconde. Ca vaudra bien le coup d'avoir un petit mal de mer ! Je le remercie en tous les cas, de m'avoir autorisée à éditer ici ce très beau poème.


C'est avec nostalgie que je quitte l'océan indien pour vous mener dans le Pacifique sud, à quelques mille kilomètres de l'Australie et de la Nouvelle Zélande, vous pourrez y dormir à l'ombre des palmiers et des cocotiers, et puis apprécier les danses tahitiennes… Nicolas Kurtovitch (http://www.nicolas-kurtovitch.net/) nous invite dans cette archipel, La Nouvelle Calédonie, où à première vue, il fait bon vivre. Voyez par ce poème qu'il a accepté de publier ici.


Île mon île
Je suis quelque part au milieu des montagnes
en train de bâtir un abri de nomade
Venu de nulle part depuis si longtemps
je suis chevauchant un nuage blanc
Île mon île
Une marche où se pose
                    mon âme
Et atteindre le ciel
Île mon île
Des deux mains de toute ma volonté
tendre l'arc maintenant
Poser ma tête sur le fêt de l'arbre
                              quelque part au milieu
                              la ville
Respirer avec le Monde
[...]


Notre petit voyage se termine. Bien sûr, nous n'avons pas visité toutes les îles de la planète… Je n'ai pas parlé par exemple des îles de la méditerranée qui pourtant méritent d'être mentionnées, ni des îles du nord… Mea culpa. Mais en cas d'oubli grave, portant à préjudice, vous pourrez toujours nous envoyer des informations, poèmes, etc d'un auteur vivant sur une île, nous pourrons alors surement entamer le dialogue avec vous, mettre en ligne un nouvel article, présenter un auteur, etc. Alors n'hésitez pas à écrire à l'équipe pour toute proposition de ce type (sitefrancopolis@yahoo.fr) et en attendant, nous vous souhaitons de très bonnes vacances sous le soleil, sous le soleil exactement !


Cécile Guivarch
pour Francopolis, juillet 2006.

Si les voyages vous intéressent,
vous pouvez découvrir d'autres coins de la planète sur tourisme-blog



 

Vous voulez nous envoyer vos images de francophonie?

Vous pouvez les soumettre à Francopolis?

à sitefrancopcom@yahoo.fr.

 

Créé le 1 mars 2002

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