|   Trois
      poèmes du Cantique du balbutiement souvenir je
      me souviens d'une rue  étroite
      et longiligne  une
      venelle d'une cité  dont
      je n'ai plus mémoire    la
      rue donnait sur une petite place  ocre
      fermée d'un côté  ouverte
      de l'autre sur un port de pêche  ou
      de plaisance allez savoir  des
      bateaux arrimés à des pontons  dansaient
      au gré des flots  dans
      le bruissement lancinant des drisses  fouettant
      les vergues et les mâts    des
      hommes et des femmes  installés
      sur la place  autour
      de tables en bois carrées  recouvertes
      de nappes à carreaux rouge et blanc  bavardaient
      en sirotant des cocktails multicolores  à
      l'abri des bus à toit ouvert  qui
      rasaient les murs  et
      le rire insouciant des enfants    le
      temps était si sombre  qu'il
      ressemblait au crépuscule ou
      à un matin d’automne à
      l’heure où le ciel indécis tarde
      à appareiller vers le grand jour   le
      temps passe si vite déormais que
      je ne me souviens plus très bien ni
      du nom de la ville ni
      de celle qui m’accompagnait peut-être
      n’y avait-il personne   le
      temps passe si vite tellement
      vite que le soleil même s’est
      perdu en chemin   Aix-en-Provence,
      10 juin 2019     des enfants meurenton tue dans ma ville à bout portant personne ne dit mot   partout on tue à bout portant ici ailleurs partout avec les plages pour témoins complices indifférentes de nos silences nus ces murs hautains sans nul écho ni l’enchevêtrement des bidonvilles   partout on tue et ce sont les enfants qu’à bout de cris et de pleurs on raccompagne à la poussière c’est leur sang qui ensemence la terre et la fait bourgeonner de roses d’amertume   à flanc de jour et de nuit les enfants meurent dans ma ville partout à fleur de neige et d’océan   les enfants meurent  personne ne dit mot    il en faudrait pourtant  des mots qui envahissent les rues  pleins d'exaspération et de colère  hormis la compassion  dont on ne sait que faire    des mots de rage en abondance  pour dire ça suffit les tripes  en mille petites tresses cordées  des mots qui sautent  à la gorge des prédateurs  et les laissent à bout de souffle    des mots sans larmes  si ce n'est armés  des foudres de nos yeux  des éclairs de nos poings    on tue des enfants  dans ma ville  partout on tue  personne ne dit mot personne  si ce n'est la plainte sourde des mères et des pères les yeux secs  d'impuissance   on tue lamentablement dans ma ville poète et ce sont des enfants qu’on enterre même tes mots se sont tus   dans ma ville à bout portant on tue des enfants par toute la terre et tous les flots les enfants meurent sous des mains assassines   et le soleil chaque matin continue de briller   Paris, 23 janvier 2020   pérégrinationj’erre
      dans paris vide de
      nos rires de notre frénésie absent
      de notre absence le
      soleil de printemps rayonne
      inutile déchu
      de nos flâneries des
      baisers des amants et
      de leurs mains complices le
      long du canal saint-martin   j’erre
      dans paris qui
      ne sait plus nos noms silencieux
      de nos rires et
      de nos pâles angoisses le
      soleil noir et nu a
      l’odeur délavée de la main dans
      les yeux d’un enfant de mon île   borgne
      et sale de
      silence de
      morgue et de gouaille perdues telle
      catin d’une fois usée
      de syphilis et d’artificiels paradis paris
      ultime refuge   paris
      a la cadence vide de
      nos doutes planétaires plus
      rien n’est certain le
      diable ni même le bon dieu hormis
      le carton-pâte des
      jours lents de
      silence   sur
      le balcon rabougri du bâtiment d’en face une
      fillette à fleur de vie invente
      ses premiers pas suspendue
      dans le vide   toute
      à sa découverte les
      yeux rivés à demain qui
      s’ouvre sous ses pieds elle
      brandit un sourire indifférent aux
      applaudissements convenus des
      voisins de l’immeuble d’à côté   tandis
      que les corneilles de
      leurs ricanements insolents déchirent
      à pleine gorge le
      silence écrasant de la ville   la
      nuit comme les pas de la bambine hésite
      en ce début de printemps    j’erre
      dans ma chambre cloîtré(e) sur
      le néant   Paris,
      3 avril 2020      |