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Archives : Vue de Francophonie

 

Mai-juin 2022

 

 

« La vie qui pulse dans ce recueil » :

Claude Luezior et « les franges de l’essentiel ».

 

Par Nicole Hardouin

(*)

 

Claude Luezior, Sur les franges de l’essentiel, suivi de

Écritures.

Éditions Traversées, Virton (Belgique), 2022, 128 p.

 

 

             « Des mots du poète, chacun saisit ce qui lui plaît : mais leur sens ultime est de tendre vers Toi la main. »

                                                    Tagore, in : De l’aube au crépuscule

 

Le titre de ce recueil résume à lui seul le dire du poète : que reste-t-il de l’essentiel si ce n’est des franges ? Existe-t-il encore une place pour l’homme dans un monde à la schizophrénie ambiante, un monde qui se gorge de batailles, traîtrises et massacres, un monde où l’élan et la force de l’amour laissent place aux délires de puissance ?

On retrouve, dans ces textes, les thèmes favoris de l’auteur : l’essentiel du vivre, l’humour, la tendresse, l’amour, l’écoute attentive, la misère de l’autre, l’admiration du spectacle qu’offre la nature, car le poète peint ses fleurs dans les failles de l’aube.

L’auteur est un amoureux des mots, chaque page est un nid de diamants, un graal des mots. Il ponce, élargit, virevolte, jongle avec les virgules qui sont les cigales de la phrase, ose réveiller les termes d’antan, si loin de nos textos souvent incompréhensibles : et si l'on faisait de nouveau danser cornegidouille, ventrebleu ? Mais tout cela s’en est allé, faisant place à un franglais de pacotille.

Au lieu de se perdre dans les réseaux sociaux, égouts de la République, dont il ne restera rien dans quelques décennies, au lieu d’honorer le dieu ordinateur et ses mails en pagaille, écrivons pour garder une trace. Quels seront les sédiments de tout ce fatras de phonétique, de cette bouillie d’anglicismes et d'écriture inclusi.ve ?

Que restera-t-il de nos langages dans les années à venir, alors que les dessins des cavernes ou ceux des pyramides ont survécu durant des millénaires, les volumes du codex, quelques siècles durant ? Médite, lecteur, sur la dématérialisation de la pensée, sur l'évanescence de nos supports…

Même si écrire est parfois un sacrifice, l’amour s’y infiltre, infuse dans ses lunes d’insomnie ; la géographie d’un désir y déroule sa carte du Tendre. La vestale désormais hante mes nuits : feu de mes entrailles.

Ce recueil est une ode à l’écriture, au pouvoir des mots, à leur force : écris, écris mon frère, car écrire est une prière, c’est soulever un coin de la foi, jubilation et blessure secrète, c’est palper un pli de la robe christique.

Il est temps d’écailler les mots aux ombres indolentes : les mouettes chères au poète passent, elles scandent quelques jacqueries à la face des bourrasques, c’est le temps du rêve, de la semaison de tendresse. Tiens ! Voici la première abeille du matin, qui va goûter son pollen, car faire du miel n’est en rien facile !

Lecteur, burine ta page, écris avec le sang des roses, peut-être le désir du poète s'y réalisera-t-il ? J’aimerais tellement qu’un jour, des amoureux esquissent une ou deux de mes lignes sur la tombe qui sera mienne : superbe, mais désir à réaliser le plus tard possible.

La poésie de Luezior est une caresse, des pensées qui s’échangent dans les carrefours de la vie, des lèvres qui s’enlierrent, qui transforment les ténèbres en aube, des étoiles pour éclairer les jours sombres, des barques pour dériver.

Les mots de ce recueil sont des îles où s’ouvrent les tabernacles, où vit le dire et où s’enlumine l’essentiel. Comme l’écrit P. Emmanuel : dire c’est aimer, aimer non seulement le langage mais l’esprit qui se manifeste en lui. C’est ce que nous trouvons dans les lignes de Luezior.

 Grâce au poète, peut-être nos yeux verront-ils / au-delà de nos convoitises/ l’appel vigoureux de la vie ?

Nous ne saurions terminer cette recension sans mentionner la toile Composition du peintre Jean-Pierre Moulin qui orne la première de couverture, toile qui exprime toute la tension, l’élan, la force, le possible, la vie qui pulse dans ce recueil.

 

©Nicole Hardouin

 

 

 

 

 

Nicole Hardouin sur Claude Luezior.

Vue de Francophonie, mai-juin 2022

Recherche : Dana Shishmanian 

 

 

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