Émilienne
Kerhoas
(Née
Saleun le 25 juin 1925 - Décédée le 10 novembre 2018 à Brest)
Nom
du photographe inconnu
Dans le creux des mots comme dans le creux de
mes mains,
je bois ce qui jamais n’étanchera ma soif.
Dans Lueurs aiguës et
nœuds, Éditions de La sirène étoilée, 2014.
La vie court son chemin… (évocation)
Je n’ai sans doute pas la légitimité indiscutable
que peuvent avoir d’autres auteurs à parler d’Émilienne Kerhoas, ceux qui
depuis longtemps l’ont côtoyée, ont animé des lectures autour de son
œuvre et entretenu des échanges
suivis et réguliers avec elle, comme Jean-Paul Kermarrec, Jean-Albert
Guénégan, Pol Huellou, Marc Legros, Yves Piquet, entre autres, mais aussi
des plus récents comme Alain-Gabriel Monot et Gilles Plazy (venu
s’installer à Trégunc). J’en oublie, qu’ils m’en excusent. Mais je le fais
quand même, pour l’estime que je lui ai portée depuis longtemps.
Sans oublier le premier, à la toute fin des
années 50, qui va jouer un rôle important dans le développement de son
parcours : Jean Germain, éditeur et directeur de la revue Les
Nouveaux Cahiers de Jeunesse, à Bordeaux. Dans sa revue, dès 1962, nous
retrouvons, aux côtés d’Émilienne, par exemple, Jean Chatard, Jean Mével,
Robert Momeux, Clovis Sergeant, André Blanchard, entre autres.
Le second c’est Jehan Despert, qui lui consacrera
un essai en 1976, Profil poétique
d’Émilienne Kerhoas. Ils écriront
ensemble un essai consacré à André Blanchard en 1980.
Pour ma part, je l’ai rencontrée dans un salon,
en 1980 (j’étais jeune à l’époque et je n’avais que quelques minces
recueils à mon actif), salon dans lequel je lui ai acheté Épars (paru en 1969) dont la 4ème
de couverture contient 4 lignes de présentation écrites par André
Blanchard. Ce livre constitue pour moi la porte d’entrée au travail
d’Émilienne. Un recueil que je considère, encore aujourd’hui, comme l’un
des plus modernes de son écriture. Elle y associe des poèmes rimés aux vers
alternant les longueurs, mais réguliers à distance (par exemple 8, 6, 8, 6 pieds dans une
strophe), de brefs poèmes en prose d’une légèreté d’écriture remarquable
même si le sujet ne l’était pas forcément, et des poèmes aux vers de même
longueur, de facture plus classique. D’ailleurs, les textes en prose sont
présentés en italique. Et il y a déjà un chapitre dédié à sa fille
Catherine. Ce qui tranchait, à l’époque, avec son premier recueil, Saint-Cadou, paru en 1957 chez Jean
Germain, déjà lui, dans lequel les vers sont libres. Ce recueil a été
réédité par Gilles Plazy, aux éditions de La sirène étoilée, en 2014, dans
une version modernisée.
Cette présence simultanée de vers et de prose se
retrouvera dans les recueils À fleur
d’âme et Les Marches,
toujours publiés chez Jean Germain, aux éditions Les nouveaux cahiers de
jeunesse en 1976 et 1978.
Peu de temps après, en 1984, j’ai voulu acheter Le sens du paysage, paru en 1974 aux
Éditions Jean Germain. Il était épuisé et Émilienne m’a dit qu’elle
trouverait une solution.
Qu’elle ne fut pas ma surprise de recevoir juste
début décembre, un peu avant Noël, une lettre et un épais cahier à la
couverture noire, dans lequel était reproduite, de sa main, l’intégralité du recueil. Et comme le cahier
n’était pas rempli, elle avait ajouté tout le recueil, alors inédit,
intitulé La mort impossible,
préfacé par Christian Bobin, excusez du peu. Quel cadeau ! Ce recueil
sera finalement autoédité et imprimé chez Cloître imprimeur en 1988, ad
integrum, après avoir été refusé, de son propre aveu, par Rougerie
(dont ce n’est pas le format d’écriture), Prié et Lettres Vives. Ils
doivent aujourd’hui savoir ce qu’ils ont raté !
Depuis lors, nous avons échangé régulièrement,
par courrier et par téléphone, même quand Internet et les mails sont
apparus. Internet ne l’intéressait pas vraiment. J’ai eu l’occasion de lui
rendre visite quand elle s’est installée au Faou. (Je l’avais rencontrée
Rue de l’observatoire, à Brest, où elle a habité à un moment de sa carrière
d’institutrice). D’ailleurs, un jour, m’étonnant de son changement
d’adresse au Faou (de Route de Brest, elle passait à Rue du Docteur
Bourhis), elle me répondit : j’ai changé d’adresse, mais pas de
maison.
La mort de Jacques, son mari (initiateur des
classes de mer) l’a profondément bouleversée.
Il en naîtra le beau recueil La pierre du jardin, édité par Double Croche.
L’apparition des Éditions Double Croche dans le parcours
d’Émilienne n’est pas un hasard. C’est la rencontre avec Yves Piquet, avec
qui elle va travailler. Cela débouchera sur la publication de 4 livres d’artistes,
dont La flèche du temps en 1994
et Le champ de l’ombre en 2004.
Yves Piquet a réalisé des ouvrages avec de nombreux artistes à partir de
1984 et Émilienne en a fait partie.
En 1984 parait, chez Subervie, un recueil
extrêmement différent de tout ce qu’elle a écrit avant ou après cette
publication, comme une parenthèse (mais quelle parenthèse !) : Sous
le soleil très haut.
C’est presque du théâtre, mais en prose à l’exception de quelques
textes. Dans Petite suite mythique, elle écrit :
Homme jeune, tu as le silence et la parole comme deux
domaines distincts et tu ne sais pas encore, dans ton langage, inclure
l’indicible.
Mais tes mots sont ailés et germent sans qu’on le
veuille.
La vie court son chemin, de bonheurs et de
drames. Émilienne, une nouvelle fois, est touchée par la mort d’un être
cher : après Jacques, son mari, c’est Catherine, une de ses filles,
qui frappée par un cancer des voies respiratoires, décède en 2015. Qu’y
a-t-il de pire, pour un parent, que de voir partir un de ses enfants avant
soi ?
Émilienne, peut-être pour initier son deuil, se
met à écrire, jusqu’à construire un recueil puissant, simplement
intitulé Catherine. Elle y écrit un préambule, dont cet extrait
(daté du 28 décembre 2015) :
Catherine,
Sur ce joli livret (offert par Françoise et Carlo
Aventuriero), aux belles pages parsemées de points d’or, je te parle et je
t’écris, je te chante.
La douleur et le chagrin sont omniprésents, mais
dignes, et porteurs de valeurs humaines dont la résilience et l’espérance
spirituelle. Chaque texte est dédié à un proche, membre de la famille ou
ami.
Quelques mois après ce drame que j’ignorais,
Émilienne m’a posté ce recueil, mince plaquette de 28 pages. Je lui ai
demandé :
- Aimerais-tu que je fasse une note de
lecture ?
La réponse a été directe :
- Non. C’est trop personnel. C’est juste pour la
famille, les proches et les amis.
Dont acte.
Puis, un jour de fin septembre 2018, au
téléphone, Émilienne me dit : il faudrait choisir un jour pour que tu
viennes déjeuner.
Nous n’avons pas eu le temps de nous retrouver.
J’apprends, dans le journal, puis par confirmation d’amis poètes,
qu’Émilienne vient d’être hospitalisée à La Cavale Blanche après un sévère
AVC. Elle décède à l’hôpital de Brest le 10 novembre 2018.
Son inhumation a lieu au cimetière du Faou, en
présence de sa famille, de ses proches et de nombreux poètes. Un bel
hommage lui est rendu, notamment par la voix de Marc Legros.
Quelques autres poèmes
La
maison dans Le sens du paysage.
Manuscrit
de la main d’Émilienne
Résurrection.
Dans la revue Les Nouveaux Cahiers de Jeunesse. 1962.
Éditions
Jean Germain à Bordeaux
Dans
Saint-Cadou
Dans
Catherine.
Le
poème bleu dans Le sens du paysage. Manuscrit
de la main d’Émilienne.
Photo
Yvon Kervinio dans Au fond de vos yeux. Éditions L’aventure Carto.
Bibliographie non exhaustive (uniquement en poésie)
Par Les Nouveaux Cahiers de Jeunesse, Jean
Germain, à Bordeaux :
- Saint-Cadou. 1957
- À l’épreuve du temps. 1959.
- La terre Promise. 1963,
- Épars. Le 30 juin 1969. Jour de la
Sainte Émilienne. (Marqué dans le recueil). Prix Valentine de Wolmar de
l’Académie Française 1970.
- Le Sens du paysage. 1974.
- À Fleur d’âme. 1976.
- Les Marches. 1978.
Puis :
- Sous Le Soleil Très Haut. Subervie.
1984.
- La Mort Impossible. 1988. Auto-édition.
- Inapaisable Terre. 1993. Auto-édition.
4 ouvrages d’artiste avec le célèbre Yves
Piquet et les Éditions Double Croche :
- La Flèche du Temps. 1994.
- Traversée. 1997.
- Falaises. 2000.
- Le Champ de l’ombre. 2004.
Avec les Éditions Double Croche :
- La Pierre du Jardin. 1999.
- Le tombeau de Théia, suivi de Arbre
et Cristal. 2010.
Avec Les Éditions La Sirène Étoilée :
- Saint-Cadou. Réédition et nouvelle
présentation. 2014.
- Lueurs Aiguës et Nœuds. 2014.
Avec Les Éditions Double Croche !
- Catherine. 2016.
Émilienne
par Yvon Kervinio. 2017.
Tu peux retraverser le jardin
endormi,
Les roses ont gardé le
silence.
Dans
Épars.
©Patrice Perron
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