Septembre-octobre 2022
Les nuances de la beauté :
Poèmes de Michel Bénard
Avec des peintures d’Agnès Giuco
(*)

Agnès
Giuco, Réflexion
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Vous m’offrez
Vous m’offrez le plus intime de vous-même,
Vous laissez votre corps en liberté.
Alors l’espace d’un abandon
Aux nuances informelles,
Laissez-moi m’évader de mon rêve,
Laissez-moi polir de mon regard,
Le satin de votre épaule,
Laissez-moi m’émerveiller
Du lobe de votre sein
Galbé des sèves du désir.
Vous êtes source et oasis,
Votre chair porte la couleur
De Cupidon l’ange de l’amour,
Aux frémissements d’une aile de papillon.

Agnès Giuco, L’été indien
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En preuve d’amour
En preuve d’amour la femme
Érige une œuvre de sang,
Pouvant se perdre à tout instant
Dans les méandres du temps.
Tout devient hymne d’alliance,
Métissage de peinture et d’écriture.
Les couleurs s’éveillent
Pleines de tendresse et d’émotion,
Tout devient rondeur, sensualité,
Étreinte et caresse.
Comme une invitation à l’extase,
Le cœur bat au rythme d’un tango
Afin de restituer au drame de la vie
Les nuances de la beauté,
Avant de s’effacer comme un songe
Dans un tourbillon de soie
Et d’ivresse folle.

Agnès Giuco, Émanation solaire
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Belle dormeuse
Belle dormeuse en absence,
Au plus profond de ton sommeil
Souvent je te contemple
Dans le silence de nos nuits,
Doucement ton corps reprend
Naturellement sa position fœtale,
Tu rêves sous la tiédeur suave
Des ondes amniotiques.
Alors envahi de désir,
Je voudrais déposer mes lèvres
Sur le sel de ta bouche,
Envelopper les lobes de tes seins
Aux creux brûlants de mes mains,
Pénétrer l’intime de tes écumes
Pour y déposer le lait de mes semences.
Belle dormeuse en transhumance,
Au plus profond de ton sommeil
Souvent je te contemple
Dans l’abîme de l’interrogation,
Car au-delà du delta de nos destins
Se mêlent les sources de nos vies,
A jamais inaccomplies.

Agnès Giuco, Au-delà du rêve
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Andalouse gestuelle
Dans l’orbe nacré du jour naissant
Face aux colonnes d’écriture,
Aux ardoises coraniques,
Je ferme le livre aux poèmes
Laissant migrer mes rêves en liberté.
Sur le miroir de la source du Sud
Masquée par une stèle ensablée
Ton visage précieux m’apparaît,
Beau comme une fleur sauvage
Exhalant les parfums subtils
De ses essences enivrantes.
Sous le silence de la voûte astrale
Tu redeviens cette longue variation
D’enluminures irisées,
Tu portes encore l’empreinte de l’exil
Aux réminiscences du luth oriental.
Par la virtuosité de ton andalouse gestuelle
Toute l’espérance de ta lumière
Efface la ténèbre
oppressante,
Cédant l’espace à une silencieuse
Symphonie d’amour universel.

Agnès Giuco,
Virevolte l’Andalouse
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Pareils à un songe
Pareils à un songe chimérique,
Vous m’offrez de vous-même
La plus intime essence
De votre corps en offrande,
Porté au seuil de l’abandon.
Alors laissez-moi m’évader
De votre mirage
hypnotique,
Afin que mon regard glisse
De votre lumineuse épaule,
A l’échancrure de vos seins
S’arrondissant sous les sèves du désir,
Votre peau révèle les nuances
Des premières
heures de nos errances.
Pareils à un songe chimérique
Vous m’offrez vos sèves pubiennes
Telles de délicates confidences
Se faisant calice pollinisé
Dans l’euphorie de notre jardin.

Agnès Giuco, Volupté
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Femme noire, femme
blanche
Femme noire, femme blanche,
Femme comme une source
Sous l’écume soyeuse d’une vague bleue,
Femme dansant au cœur du désert,
Pour célébrer la vie,
Femme où es-tu ?
Femme que fais-tu ?
Femme où vas-tu ?
J’ai vu le ciel s’éclaircir et ton visage s’incliner,
Tout en dispensant l’amour et la paix.
Femme te voici aussi belle
Que la terre en jachère,
Qui redevient champ de lin.
Femme je te dessine ces mots
Ceux qui naissent sur le bord de mes lèvres,
Je te rêve légère comme l’arpège.
Femme tu es la déferlante,
Le fruit pour deux âmes qui embarquent
Vers l’inconnu sur le grand galion de l’amour.
Femme blanche, femme noire,
Femme source,
Ensemble partons à la rencontre des prophéties.

Agnès Giuco, Les trois amies
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La danseuse Sérère
Il ne reste plus
A la danseuse Sérère
Qu’à investir l’espace,
Qu’à magnifier le lieu,
Qu’à évoluer sur l’autel séculaire,
Qu’à glorifier le temple ancestral.
Le temps s’est arrêté,
La lune s’est assombrie,
Les aiguilles se sont figées,
Le baobab s’est affaissé
Sous le poids de l’étoile du berger.
Il ne reste plus
A la danseuse Sérère
Qu’à vanner le sable rouge,
Pour peut-être y trouver
La rose de l’éternité.

Agnès Giuco, Çà swing dans les îles
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Aux heures
vacillantes
Aux heures vacillantes du soir,
Lorsque les encres de nuit
Répandent leurs ondes,
Noires et profondes
Sur les pages blanches de mes rêves,
Soudain m’apparaît ta fragile silhouette.
Ton âme se met en transparence,
Comme une espérance
Aux portes du désert,
Comme le miroitement d’une oasis,
Comme le mystère d’une musique
Portant au gré de l’harmattan
Le souffle de délivrance
D’une femme donnant la vie.
Aux heures frissonnantes de l’aube
Les pages grisées de mes rêves s’effacent.

Agnès Giuco,
Deviendra grand
|
Danse
Danse, folle farandole,
Tournoiements effrénés
De l’insolite ballet de vie,
Grande parade humaine
Où filtrent les lumières
D’un monde indéfini.
La lueur d’une énigme céleste
Effleure le mystérieux portait
D’une poétesse aux traits altiers
Fileuse et dentellière à la fois.
Souffle intime entre
Peinture et poésie,
Liens entre verbe et matière.
Portés par un embrasement spirituel
Et pour en traduire l’essentiel,
Nos regards questionnent le ciel.

Agnès Giuco, Le tutu blanc
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Amoureux et
langoureux
Amoureux et langoureux
Mon regard s’attarde
Sur la ligne pure
De ce sein gravé
En ma mémoire.
Délicieuse parade
De plume et d’encre,
Pour cette femme-flamme
Ancrée et dénudée
Sous le sceau de mes secrets,
Laissant scintiller en moi
Ses yeux sur les reflets
D’une larme bleue
Vibrante d’émotion.
Langoureux et amoureux
Mon rêve passe
Puis s’efface
En lisière de la nuit.

Agnès Giuco, Au loin la ville
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Du bout des doigts
Lorsque du bout des doigts
Je donne naissance à tes sourires,
Je te contemple de chair et d’âme,
Avec cette étincelle que portent
Au fond des yeux les enfants de l’amour.
Au cœur de nos hiéroglyphiques errances,
Je maroufle ton image égyptienne
Sur l’opacité nocturne,
Je veille sur ton sommeil
Estompant les ombres
Qui te drapent,
Pour y incruster
Quelques arches de lumière
Enluminant ton corps de clairs obscurs.
Scribe d’icônes, de la pointe du calame,
Je te calligraphie
Le premier poème du jour.

Agnès Giuco, Daphnys
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Ce matin
Ce matin j’ai contemplé
Les feuillaisons enivrantes,
De vos lignes de corps
Aux cimes de la tentation,
Vision dont je ne saurais me lasser
Tant la scène est ravissante.
Belle apparence impromptue,
Délicieuse parenthèse de vie,
Festonnant ce rayon de lumière
Espiègle et malicieux,
Effleurant le grain de votre peau.
Voici la ronde du monde
Ma renaissance d’aube.

Agnès Giuco, Miroir…joli
miroir…
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Masques d’hommes
Masques d’hommes
Aux terrifiants regards,
Aux gestes sacrificateurs.
Visages de femmes
Aux douces lignes soulignées
D’un poudroiement de lumière.
Femmes amphores porteuses
D’abondance d’amour et de vie,
Corps scarifiés, peintures tribales,
Seins amples et généreux,
Peaux lisses et satinées,
Yeux aux cils de gazelles,
A la grâce d’antilopes.
Argile gravée de signes
Aux mystérieux méandres,
Que seuls interprètent
La vision des féticheurs.
Visages indéfinissables, inclassables,
Venus d’un autre monde,
D’un autre temps,
Au royaume des morts.
Masques d’hommes,
Serpents aux regards perçants.
Hommes lunaires, hommes solaires,
Hommes chèvres, hommes lions,
Sacrifiant à la nuit venue
Aux rituels phalliques et pubiens.
Envouté, sous l’arbre à palabres
Je demeure attentif à la parole
Lorsqu’elle devient métissage du monde.

Agnès Giuco, Séduction
au Soudan
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Beauté du corps
Beauté du corps révélé
S’identifiant au mystère
Intime et germinal de la terre.
Corps immaculé,
Corps dépouillé,
Corps princier et nu
D’un grain de peau soyeux,
Baignant dans un halo
De lumière irisée.
Corps en gloire,
Sexe des origines du monde,
Fruit absolu de l’amour
Doux et chaud,
Gorgé des sèves
Des nacres polynésiennes.
Beauté du corps révélé
Impénétrable mystère
De la création.

Agnès Giuco, Cache-cache
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Terre ancestrale
Terre ancestrale,
Terre matricielle,
Terre aux étranges parfums
Porteuse de toute la mémoire
De l’humaine histoire.
Terre féconde,
Nourrie d’eaux lustrales
Aux mystiques vibrations,
Où l’âme du poète s’abreuve.
Terre d’ethnies multiples
Source originelle,
L’Afrique est une femme
Impudique qui se dévoile
Et laisse scintiller
Ses yeux de lumière
Sur la colère des dieux !

Agnès Giuco, Rêverie
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Cette beauté
Cette beauté d’ébène me subjugua,
Son regard d’antilope me transperça,
Lisse de peau comme un pagne de soie,
Seins d’obsidienne d’une jeune gazelle.
C’était le temps des transhumances,
Avec son ciel plombé, tourmenté,
Que déchiraient les branches
De l’arbre roi, le baobab.
Chaleur lourde, pesante, oppressante,
Corps humides en quête d’amour,
Cette beauté d’ébène de grâce furtive
Croisée à l’angle d’une case,
Fondit dans la pénombre du soir
Pour s’effacer à tout jamais.

Agnès Giuco, Chloé
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De courbes en lignes
De courbes en lignes
Je laisse courir mon rêve
Sur la blancheur marbrée
De votre corps en offrande.
Secrètement je me délecte
Du nectar lacté perlant
En vos rives intimes.
Mes yeux se consument
Aux reflets lunaires
Du dôme de vos seins.
Au plus profond de vous
Mieux qu’un je t’aime,
En vous je pressens
Le poème universel,
Le poème inaugural,
Celui qui brûlera
Afin de mieux renaitre
Dans les flammes solaires
Tout gorgé de promesses.

Agnès Giuco, Extase
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(*)
Agnès Giuco – peintre et sculpteure.
Agnès Giuco dès son enfance
eut toujours une attirance pour le dessin, mais elle portera son regard sur
la danse qu’elle pratiqua avec intensité au meilleur niveau. Puis le corps
ayant été assez sollicité, Agnès Giuco fit son
grand retour vers le dessin et la peinture ce qui fut une excellente
initiative, car à partir de là elle put peindre à souhait des danseuses, de
remarquables nus dont je ne saurais trop vous recommander la qualité
esthétique et la valeur expressive et pour le seul plaisir notre artiste
aborde le monde animal avec un grand sens d’observation et avec bonheur.
Au-delà de la touche créative ses œuvres sont en
plus de véritables planches naturalismes. Agnès Giuco
a une belle maitrise du dessin, le trait est précis, contrôlé, va juste à
l’essentiel. Elle nous présente des œuvres d’une grande liberté où pourtant
les sujets sont traités à la perfection. Quant aux rapports colorés ils
sont tous soulignés par de délicates harmonies. Pour en arriver à ce stade
de création il faut un réel sens de l’observation et de la spontanéité du
geste graphique. Par sa création, elle vit une sorte de passion,
d’éblouissement, de révélation, de joie intérieure qui sont communiqués à
l’ensemble de l’œuvre. Par le nu Agnès Giuco
atteint des sommets de beauté. Masculin ou féminin, le corps resonne en
elle ! Serait-ce le syndrome de l’ex-danseuse ?
Michel Bénard
Vice-président de la Société des poètes français
Chevalier
dans l’Ordre des Arts et des Lettres
Lauréat de
l’Académie Française
Michel Bénard - Poète et peintre.
L’érotisme nous fait partager l’intensité charnelle d’une
relation en évoquant tout ce que ce don physique suggère et évoque.
L’érotisme, c’est la véritable poésie de l’amour.
Beaucoup d’auteurs se demandent : comment décrire l’amour sans
tomber dans le vulgaire ou l’obscène ? Je les invite vivement à se
plonger dans les vers de Michel Bénard qui vont devenir une référence dans
ce domaine. Ici l’amour est célébré, dans sa nudité, dans son évidence
charnelle, dans sa fusion physique, telle une élévation du corps et de l’âme. La poésie de Michel s’enracine dans les
légendes et l’histoire où l’érotisme est un accomplissement.
Or, quel est le plus bel accomplissement sinon celui de l’art ?
La poésie de Michel,
surtout quand elle décrit l’amour dans son évidence édénique, est
inséparable de l’expression artistique.
D’ailleurs il faudrait s’arrêter un peu pour dire à quel point les
vers libres sont musicaux, rythmés, suaves, épousant de leurs mots les élans et les soupirs
exprimés. Sonorités qui se
suivent comme les notes d’une portée, images qui surgissent comme un
tableau, nous sommes ici au cœur d’un langage poétique qui excelle dans la
suggestion, qui suscite l’émotion en jouant sans cesse sur les sons et les
sens.
Délectons-nous d’un seul exemple : « Au seuil de votre sexe solaire ». Ne tombons pas dans l’explication de texte, mais admirons
l’alliance des sonorités, les sifflantes s’harmonisant avec des voyelles
accentuées, pour véritablement s’épanouir dans la métaphore finale, que ne
renierait pas mon maître Apollinaire et son « soleil cou coupé ».
Toutes les expressions artistiques se donnent rendez-vous dans les
vers de Michel Bénard, cette poésie qui s’en
étonnera ? - ne peut s’exprimer sans se référer à la peinture.
Jean-Pierre Paulhac
Sociétaire de la Société des poètes français
Membre du Comité Directeur
***
PS Ce nouveau groupage de poèmes inédits fait
suite à ceux publiés dans notre précédent numéro, où nous avons accueilli
Michel Bénard comme invité au Salon de lecture, ainsi qu’à la rubrique D’une langue à l’autre.
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