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Quand et comment as-tu découvert le haïku ? Impossible de dater précisément ce "quand".
D'ailleurs, de façon générale, je ne suis pas vraiment
ami avec les dates. Les vraies rencontres, celles qui changent réellement
le cours d'une existence, font exploser toute chronologie. L'avant ?
L'après ? Tous ces repères sont des ornières, des
garde-fous destinés à nous protéger du vertige
de l'éternité. Les vraies rencontres, elles, abolissent
l'illusion du temps et nous relient à notre être premier
: un état sans division, où tout est présent, tout
est déjà là. Goutte de rosée (Bosha) Ces brefs poèmes de trois vers donnaient l'impression de ne presque rien dire, pourtant j'appréciai sur le champ leur humour, leur densité, leur fulgurance (on était loin de ma thèse de 700 pages sur les mutants dans la science-fiction !). Un peu plus tard, je découvris l'anthologie de Roger Munier, aux éditions Fayard, puis les haïkus d'Issa aux éditions Moundarren… Les montagnes lointaines (Issa)
Le labyrinthe venait de prendre feu et, avec lui, l'envie d'enfermer le monde entre les parois d'un système. Je venais de redécouvrir la saveur de l'Ouvert. Une découverte qui s'apparente plus à des retrouvailles secrètes. Le haïku ne nous apprend rien. Il nous déleste, nous vide de toute prétention. Il nous invite à redevenir ce que nous sommes : une vaste caisse de résonance prête à vibrer au moindre frisson de vie. Inutile d'emporter trop de bagages dans ce voyage-là. Tôt ou tard, il nous faudra tout abandonner sur le bas-côté du chemin. Au final, on ne se retrouve pas plus intelligent ou plus savant. Mais plus nous-mêmes. Comme l'exprime cet aphorisme d'Henri Michaux : « La porte de la perruche ouvre sur une perruche. »
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Créé le 1 mars 2002
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