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Le silence du haïku, lui, est tout en ouvertures, en frémissements… « Les mots qu'on n'a pas dits sont les fleurs du silence. » Ah, si seulement les adultes avaient l'humilité et la patience d'être les jardiniers de ces fleurs-là ! Tu évoques le silence… Es-tu d'accord si je dis "le haïku est la note de musique du silence" ? Ta belle formule me fait penser à ce fragment du journal de
Mozart : « La vraie musique est entre les notes. » Le haïku part-il du silence ou le silence dessine-t-il le haïku ? Est-ce l'île qui dessine l'étendue illimitée de
l'océan ? Ou est-ce l'océan qui dessine les contours de
l'île ? Le haïku n'aime pas les réponses univoques.
Il est profondément paradoxal. Il réunit en son sein toutes
les dimensions, toutes les perspectives possibles et nous permet d'explorer
plusieurs chemins simultanément. Ces chemins dessinent un paysage-étoile,
un espace rayonnant. Au centre de cet espace, se tient un point d'une
extrême densité. C'est là que le silence est le
plus vibrant, le plus évocateur, le plus vertigineux… Point final On le voit : les rapports du haïku et du silence ne sont pas mécaniques,
mais organiques. Il ne suffit pas de se taire, pour automatiquement
entrer en poésie. On peut se carapaçonner sous une épaisse
cuirasse de silence et être, en fait, au comble du bavardage intérieur
et de l'inattention. On peut aussi avoir l'oreille infiniment affûtée
au cœur-même du "bruit et de la fureur" du monde.
La poésie n'est pas une posture, mais une plongée. Une châtaigne tombe Ce haïku de Boshô (à ne pas confondre avec Bashô
!) traduit une sensation de saisissement, un arrêt brusque et
soudain. Le silence apparaît ici non pas comme un repos paisible
et douillet, un état de douce léthargie, mais comme une
tension, le point extrême d'un mouvement de concentration. La
châtaigne en tombant a interrompu l'activité fébrile
des insectes (qui fait écho à l'agitation de notre cerveau
sans cesse encombré par mille petites pensées). Ce choc
bref et imprévisible a agi à la manière d'un coup
de gong unificateur. C'est comme si toutes les vies éparpillées
dans l'herbe n'en faisaient soudain plus qu'une. Une seule et même
présence à l'écoute de la Présence… C'est notre vanité
qui maquille les mots Des mots sans maquillage, des mots ramenés à leur sourire
originel, peuvent très bien faire rebondir notre silence vers
un silence encore plus profond… La montagne Le nuage C'est toujours Pris de peur Voilà une vérité poétique qu'il est toujours bon de rappeler. Le vaste corps du silence et la résonance des mots justes ne s'opposent pas. Ce dont témoigne également ce haïku de Bashô :
Bruit de quelqu'un Nulle opposition ici entre le bruit trivial de la personne qui se mouche
et l'éclat silencieux des pruniers au printemps. Ce bruit un
peu vulgaire et la splendeur majestueuse des arbres en fleur sont comme
deux cymbales qui, en se heurtant, vont créer un profond choc
esthétique et émotionnel. Silence Autre haïku de Bashô. Là encore, le silence et le chant ne s'opposent pas. Au contraire. C'est par le silence que le chant des cigales devient plus actif. C'est par le silence que notre conscience s'affûte, se met à frémir, à bruisser, jusqu'à pouvoir pénétrer l'impénétrable : le mystère de toute matière, de toute réalité. Dans la brume de l'aube Le son dont nous parle ici Bashô est proche du silence.
Il est vaste, limpide, rond, enveloppant, il dessine au fur et à
mesure qu'il se répand un espace qui palpite, qui vibre…
.....suite :Thierry Cazals-Jack Kerouac |
Créé le 1 mars 2002
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