Tu ne les entends pas
Mais là où je suis
Les Moody Blues chantent comme les anges
Et c'est extra
Que te dire d’autre que l’insensé
Afin que mes sens
Qui ont perdu le sens de l’orientation
Retrouvent du bon sens ?
Ainsi flottait la queue de la comète
Voluptueuse sur l’Océan psychédélique
Où pourrissaient les Fleurs du Mal
Dans d’authentiques vases Ming
Lettres à Milena. Lettres à Lou. Lettre à Élise
Lettre morte oubliée dans la poche d’Oscar Wilde
La barbarie est une sublime décadence
Quand les blessures se portent comme des bijoux de
pacotille
Enfin bref…
Rien n'est plus beau que les chants gothiques
S’élevant dans la transparence d’une cathédrale
antarctique
Ou peut-être autre chose. Une chose inoubliable
Innommable
Une chose que l'on porte à son doigt
Comme un diamant noir
Une énigme miraculeuse
Mais qui n'existe pas.
***
T’aimer, est un enfer stalinien et mouvant
T’aimer, quand s’étirent sous ma cambrure
Luxurieuses et doucereuses comme des pelisses
Tes secrètes déviances
Quand ton souffle incandescent de tortionnaire
Brûle un par un mes organes de serpent d’ivoire
Tes incomparables veilles se succèdent
Et me décèdent
(Il y eut malgré tout compromission entre peaux sages)
À mi-nuit, la chambre est de pâleur
septembrale
Et le lit se couvre de nos nudités entremêlées
Sous le bow-window toujours entrouvert
Des lenteurs de cargos fantômes dérivent
Et tandis que tu dors, plié dans le désordre
Ma nuque soutient le monde qui se défait
Et ma voix reconstruit le bruit originel
Mes mots d’amour te viendront
Écrits au revers du carbone
De nos nuits torpillées
Des mots rudes et blessants
Beaux comme l’orgasme inachevé
Et qui laisse à la langue
Cette défaillance sucrée/poivrée
Infiniment lacérante
***
Mais je suis restée là. Posée sur le canapé
La laine synthétique ne me réchauffe plus
Ce qui s'accumule m'exaspère à peine
Je pense parfois à Toi
Moins qu'aux arbres sacrifiés
Et aux petites bêtes qui cherchent un refuge
Une enfant qui jouait de la flûte traversière
A oublié le chemin de l’école
Un petit chien l'attend sous le porche
Je le nourris entre deux voyages
De très courts voyages
Le monde est plein d'humains qui m'exaspèrent
Le 5 juillet 1965, à Londres, sur la scène du Royal Opera
Sophia Cecelia Kaloyeropoulos, dite Maria
Callas
Chantait en public pour la dernière fois
Je n’étais pas dans la loge d’honneur
Je n’étais nulle part. C’est mon habitude
Peut-être née, peut-être pas
Où est inscrite ma date de naissance ?
Les accoucheuses du boulevard de Port Royal
Sont des femmes très peu sages mais très discrètes
Beaucoup de bébés sont restés cachés et leurs mères
Les cherchent encore
En fait, je pense souvent à Toi
Surtout à tes cernes profonds qui m’avaient tant émue
Je les avais caressées de mon majeur droit
Pourquoi ?
Parce que c’est mon doigt le plus long et le plus habile
Tu avais eu quelques gestes plus inconvenants
Des gestes d’homme. Les femmes sont moins audacieuses
N’est-ce pas inconvenant de passer la main sous mon pull
Pour pianoter tout le long de ma colonne vertébrale ?
Enfin bref. Je pense constamment à Toi
À tes cernes qui se creusent chaque jour davantage
À ma date de naissance dont l’inconstance me tourmente
La nuit, la nuit seulement
Je relève les stores de la fenêtre de ma chambre
Un oiseau d’un autre quartier vient se poser
Sur l’oreiller qui ne sert à rien
Nous discutons. De ce qui cloche chez moi
Non ! C’est faux. Nous ne parlons que de Toi
De ton lieu de vie et des fleurs de paulownias
J’ai rempli toute une page de la même phrase
En anglais : Don’t let me down !
Je l’enverrai poste restante
Comme au siècle dernier...
***
La pendule donne une heure crépusculaire
Je contemple l’homme nu, avec souffrance
Le lit, comme un jardin à la française
Le désordre est ailleurs…
D’automnes et d’hivers ont ciselé
Une vilaine dédicace à ma bouche
Pourtant il faut sortir, marcher, piéger
Graver des noms sur les arbres
Le tien, le mien et me rappeler
Que ton ombre était ma forêt
Là, des enfants sans cerfs-volants
Ils sont armés, ils savent la guerre
Des hommes tristes, des chiens heureux
Des clowns jongleurs qui font la manche
Une funambule aux pas aveugles
Elle tombe et la foule n’applaudit pas
Mais la nuit
La lune est fuchsia, la lune est geisha
La lune hivernale aux yeux de miroir
Lumineuse, s’épanche et surprend
Écriture noire de colombe noire
Une vilaine dédicace à ta bouche
***
J’irai
M’assombrir dans l’abrupt de la Lune
Elle – Ma somnambulique solitude
Ma tristesse aux lèvres pâles
Descendue jusqu’à moi
Sanguine dans ses cratères peu profonds
Et cette musique à transpercer l’oubli
Comme le cri persistant du freux sous l’ondée
J’irai donc
Le corps et les cheveux tout froissés
D’une étreinte à chevaucher le temps
Harassante sur sa note ultime
Douce perdition / Semblant d’éternité
S’il me reste un peu d’albâtre au bout des doigts
À dessiner des incertitudes tombées du crépuscule
Je donnerai vie à la vague
Car vois-tu le désert
N’a que faire de l’Antarctique
Écumant sa rage blanche
Renversant les brise-glaces
Balayant les bases et ses scientifiques
Tandis que
Sous la courbe des oiseaux migrateurs
Ses vaisseaux flegmatiques marchent l’amble
Au froid d’une saison monstrueuse
Là n’est plus ma désespérance
Ma sombre folie
Tu es revenu, à faire flamber mes nuits
Et le cobalt de mon regard
A saisi ta cage thoracique
Où se déglingue dans le fracas des Walkyries
Mon cœur suspendu au tien
***
Je suis
cette femme solaire malgré l’errance
J’avance
dans de prétendues ténèbres
Me
dispersant comme une nuée d’insectes
Pour
échapper à l’éblouissement de l’amour
L’amour
n’est qu’une offrande fugitive
Un
souffle de vent brûlant qu’emportent
Les
oiseaux qui migrent sans jamais revenir
Je les
ai suivis et tu m’as perdue, bien au-delà
Je suis
dans l’éloignement de Toi car ta voix
A
couvert ma voix et creusé
Avec ta
rage d’homme invisible, amnésique
Dans ma
cage thoracique
Ne laissant
qu’une flaque de sang de mon cœur
Tu
disais maintenant, demain, attends, plus tard
Je
rampais dans un tunnel dégoulinant d’ecchymoses
Écoutant
tes paroles brumeuses, confuses, mensongères
Oh !
Ne me dis plus rien. Je suis bien au-delà de Toi
Je
reviendrai peut-être, le corps tatoué de cicatrices
Saoulée
de l’obscur du sable saharien
Il
pleuvra très doucement dans nos yeux repentis
Tu
plongeras ta tête dans mon cou, entre mes cuisses
Pour y
débusquer ce qu’il me reste d’amour de Toi
***
Mon désarroi
Quand l’arbre chétif me tend ses bras dénudés
Et quand
Dans sa méconnaissance de l’âme humaine
Il implore
Mais plus rien ne subsiste
Que le sublime envol de tes mains de pianiste
Des entrailles froides de la nuit
Monte un faisceau de spasmes et d’orgasmes
Ce n’est qu’une falaise à déplacer
Ou à contourner
Puis il y a Toi
Qui te nourris de la violence
Des lumières d’un bloc opératoire
Ce n’est pas comme si tu étais là
A t’ébrouer comme un chien
Dans tous mes no man’s lands
Ce n’est pas comme si la vie était en moi
Vois-tu, j’ai perdu mes détails, mon arrogance
Je me suis dénudée comme l’arbre
Est-ce toi qui disais
Que le sang est un vin imbuvable ?
©Héloïse Cerboneschi
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