| Le Salon de lecture Découverte
  d'auteurs au hasard de nos rencontres | *** | 
| SALON DE LECTURE Hiver 2024 Héloïse Cerboneschi : « ton ombre était ma forêt ». Poèmes inédits « … mes 2 objets préférés : Mon authentique lampe Tiffany… » | |
| J’habite un
  espace-temps immobile Plus rien ne
  se déplace La lumière,
  fantomatique Crée deux
  ombres basses Deux
  samouraïs s’affrontent Le chat les
  contemple Obstinément,
  comme moi Il y a
  parfois des raisons Pour
  s’entre-tuer Ce n’est
  plus l’air que j’inspire Mais le
  silence, ou peut-être Le parfum
  d’une fleur écartelée Elle a pris
  la place de mon cœur Je la sens
  battre entre mes côtes À peine,
  quand même un peu Elle n’est
  pas immobile Pas
  complètement Ainsi que
  mon regard  Face à moi,
  une bibliothèque Je peux lire
  quelques titres Les
  caractères verticaux et dorés Des livres
  consacrés aux peintres À gauche, la
  double porte et ses vitraux Restée
  entrouverte À droite, le
  bow-window et son store À moitié
  baissé Je voudrais
  pouvoir le relever Mais
  j’habite un espace-temps immobile Il faudrait
  que quelqu’un vienne à moi Caresse
  d’abord le chat, puis Écarte mes
  côtes, sans me blesser Retire la
  fleur, sans la briser Cherche
  l’endroit où est sa place Sans doute
  là où est resté mon cœur Et fasse
  repartir le temps Dans l’autre
  sens… Dans cette
  aérogare désaffectée Où ne
  demeure que l’ombre éplorée Des ailes du
  Spirit of Saint Louis J’attends un
  long courrier S’il se
  déroute et se pose Silencieux
  comme toi Je partirai,
  solitaire et blessée Vers les
  heures tièdes et pâles De l’automne
  subtropical Je me
  souviens qu’il y avait de l’or Au fond de
  nos verres Et jusque
  dans nos regards  Qui
  portaient loin Au-delà d’un
  ciel de bas nuages Là où
  persistent les étoiles Qui
  n’appartiennent à aucune galaxie L’or s’était
  cristallisé Au fond de
  nos verres et de nos regards Les bas
  nuages avaient mordu Les toits et
  la statue de la place Pour un
  instant, j’avais oublié Les
  long-courriers Les cargos
  lents de Rotterdam Les trains
  de nuit pour autre part J’avais
  oublié, qu’il faut toujours partir Es-tu là où
  j’aurais pu t’imaginer ? Sommes-nous
  nés du même silence ? Deux
  hologrammes en noir et blanc Flottant
  haut dans le cosmos Deux
  duellistes, deux samouraïs Se
  ferraillant jusqu’à ce que  Coule le
  premier sang Était-il
  tien ? Était-il mien ? Une traînée
  pourpre subsiste Une queue
  d’archange halluciné Phagocytant
  sur son passage Tout ce que
  nous aurions pu être Depuis, je
  mens et perds mon temps Plus rien
  n’est assez sombre, assez loin Je prends
  des avions supersoniques J’apprends à
  dessiner des jardins Je traverse
  des passerelles, des océans D’un revers
  de main, je chasse la lumière J’étreins la
  nuit jusqu’à l’aube J’oublie les
  heures, les saisons, les autres Mais de toi,
  je n’oublie que les regards Je les
  laisse glisser sous ma porte Je leur dis
  adieu quand je les entends Descendre bruyamment
  par l’escalier Soir Le ciel se
  griffe de mauve Le temps
  d’imaginer Un balcon
  sur la baie des Anges Le vin
  rustique a été bu Jusqu’à son
  bord Plus bas Le mélodieux
  des vagues Fait tanguer
  un bouquet d’amaryllis Aucun oiseau
  ne s’envole Les étoiles
  sont si proches Que
  l’automne n’est qu’un rêve Mes Pas dans
  l’ombre Te
  surprennent Et ce bruit
  au ralenti d’un cristal qui se brise Ne crains
  Pas pour ma carotide Seuls les
  vivants ont le droit de mourir Ce ne sont Pas
  mes Pas qui sont lents C’est
  l’ombre qui est immense Quel masque
  portes-tu quand tu viens me visiter entre deux opérations à cœur
  ouvert ? Tu n’en
  portes Pas ? Ne me mens-tu Pas ? Tes mains en
  latex n’exsudent-elles Pas un sang qui n’est Pas le mien ? Alors
  pourquoi ne me laisses-tu Pas caresser de mon doigt tes cernes
  profonds ? Ne sais-tu
  Pas Que je les
  aime davantage que je ne t’aime ? Ne sais-tu
  Pas Que faire
  l’amour n’est Pas un jeu d’ombres ? Demain ou
  après-demain Des hommes
  en noir mettront un linceul sur mon âme qui se froisse Il y aura
  des oiseaux lents qui voleront bas Et je
  reviendrai mettre mes Pas dans l’ombre de ton lieu de vie  Débarrassé
  des brisures de cristal N’est-ce Pas
  toi qui les auras balayées ? Mes Pas dans
  tes Pas Peut-être  Ou peut-être
  Pas Mes Pas sont
  un long poème inachevé Pour
  distraire ma solitude J’ai dessiné
  un amour sans visage Il y eut une
  distance intergalactique À traverser Pour
  attraper sur ma langue le goût Vaguement
  sucré Mais plus sauvage
  que le peppermint De la larme
  que j’y fis couler La pendule
  donne une heure crépusculaire Je contemple
  l’homme nu, avec souffrance Le lit,
  comme un jardin à la française Le désordre
  est ailleurs… D’automnes
  et d’hivers ont ciselé  Une vilaine
  dédicace à ma bouche Pourtant il
  faut sortir, marcher, piéger Graver des
  noms sur les arbres Le tien, le
  mien et me rappeler  Que ton
  ombre était ma forêt Là, des
  enfants sans cerfs-volants Ils sont
  armés, ils savent la guerre Des hommes tristes,
  des chiens heureux Des clowns
  jongleurs qui font la manche Une
  funambule aux pas aveugles Elle tombe
  et la foule n’applaudit pas Mais la nuit
   La lune est
  fuchsia, la lune est geisha La lune
  hivernale aux yeux de miroir Lumineuse,
  s’épanche et surprend Écriture
  noire de colombe noire Une vilaine
  dédicace à ta bouche Quelque
  chose n’est plus à sa place Ou peut-être
  quelqu’un En tout cas
  un étrange objet théâtral Comme
  disparu de mon point de fuite Ceci
  n’excluant pas qu’ Après tant
  de nuits à palabrer Avec l’ombre
  de mon corps - Comme si
  tu ne savais pas - Je me suis
  saoulée de musiques violentes Et j’ai
  écrasé l’aube entre mes doigts Comme un
  fruit trop mûr Gorgé du vin
  jamais bu Afin qu’elle
  ne revienne jamais Quand tout est
  éteint dans la vie Que l’aube
  désolante ne se lève plus Quand le
  verre de vin se brise Entre des
  doigts tremblants de peur Répandant le
  sang d’un ange répudié Sur des
  cuisses désormais closes Quand plus
  un passant ne s’arrête Que la ville
  entière se vide, rue par rue Quand la
  nuit tient dans la paume ouverte D’un enfant
  qu’on appellera Jésus Et qui
  mendiera jusqu’au jour Où le métro
  se fracassera contre son front Quand tout
  ce que j’écris est vérité Parce que le
  désespoir ne ment jamais Quand chaque
  square cache un arbre blessé Tailladé par
  des cœurs déjà morts Alors dîtes
  moi d’où viendront les secours Et qui sait
  encore tisonner la flamme Je dîne
  seule Dans la nuit
  artificielle Des stores
  baissés Des silences
  flottent sur la table basse Comme des
  flocons de granit Les bruits
  se sont échappés Dans
  d’autres nuits réelles L’obscur est
  toujours beau Plus
  caressant que la clarté Mais je dîne
  seule… Feulements
  océaniques Losanges
  désarticulés Bruissements
  de l’aube que je hais Tout est à
  reconstruire Devant ma
  porte, presque amical Outrageusement
  maquillé Un
  chien-loup s’est couché Et malgré le
  livre entrouvert  Ton absence
  glisse en moi Secrète
  splendeur Un orage
  animal, robuste et solitaire Blanc comme un
  naufrage « … Un laque rapporté d'un de mes lointains voyages
  représentant un samouraï. » Ainsi
  disparue dans la muette solitude des nuits antarctiques Je reste
  immobile, regardant passer des formes lisses comme des dos de mustangs Mes
  paupières et mes lèvres sont bleuies par le froid d’un iceberg dérivant J’ai oublié
  le nom de ce pays qui n’existe que sur les cartes anciennes Avant toi,
  des trains de nuit m’emportaient dans des villes effrayantes sans bancs ni
  passantes Des
  paquebots s’amarraient dans des ports mal famés gardés par les marins et
  leurs kalachnikovs Des oiseaux
  de l’étrange volaient bas dans les nefs des cathédrales en ruines Et je savais
  farder mon visage et mon corps pour parader sur les quais où je te cherchais  Que te dire
  de ces pensées carnivores qui s’élancent dès l’aube et me dévorent  J’attends un
  train pour Saint-Pétersbourg On me dit
  que les hivers y sont mauves, d’un demi-deuil frissonnant Mais que
  dans les ruelles aux pavés disjoints par le passage des tramways de la mort Je m’y
  tordrai les chevilles, à l’étroit dans mes bottines noires mi-cuir mi-velours
  dévoré Il y a ce
  clown russe à la montre déglinguée Glissant sur
  les rails de l’Orient Express avec la grâce d’un danseur du Bolchoï Au passage,
  il allume des étoiles jaunes sur les poitrines des passagères Mais pas sur
  la mienne Il raconte
  aux soldats que je me suis trompée de guerre Le train
  s’est arrêté en gare d’Anvers Des œillets
  rouges et noirs sont accrochés sous la verrière Je pars à la
  recherche des diamantaires La «
  Tentation de l’escarboucle » me revient Tu ignoreras
  toujours la beauté de ces mots et la laideur de leur signification… T’aimer, est
  un enfer stalinien et mouvant T’aimer,
  quand s’étirent sous ma cambrure  Luxurieuses
  et doucereuses comme des pelisses Tes secrètes
  déviances Quand ton souffle
  incandescent de tortionnaire  Brûle un par
  un mes organes de serpent d’ivoire Tes
  incomparables veilles se succèdent Et me
  décèdent (Il y eut
  malgré tout compromission entre peaux sages) À mi-nuit,
  la chambre est de pâleur septembrale Et le lit se
  couvre de nos nudités entremêlées Sous le
  bow-window toujours entrouvert Des lenteurs
  de cargos fantômes dérivent Et tandis
  que tu dors, plié dans le désordre Ma nuque
  soutient le monde qui se défait Et ma voix
  reconstruit le bruit originel Mes mots
  d’amour te viendront Écrits au
  revers du carbone De nos nuits
  torpillées Des mots
  rudes et blessants Beaux comme
  l’orgasme inachevé Et qui
  laisse à la langue Cette
  défaillance sucrée/poivrée Infiniment
  lacérante Je reconstruis
  durablement les bruits absents Le souffle
  d’un homme qui me manque sans me manquer (Comment
  t’expliquer…) Le
  bruissement des pages tournées d’un livre que je lirai peut-être Le
  froissement de la fourrure triturée d’un petit animal qui n’est pas le mien Quelques
  mots confidents qui se heurtent à mon oreille inattentive Et encore le
  souffle de cet homme qui me manque sans me manquer (Je saurai
  bien t’expliquer un jour…) Un arbre aux
  lucioles diffuse une faible clarté dans ma mi-nuit  Mes bruits
  reconstruits racontent qu’ils ne tolèrent que l’Obscur Ils se
  tiennent en équilibre pitoyable au bord de mes objets blancs Et
  s’éloignent dans de lointaines ténèbres quand je les apprivoise de trop près Je les
  reconstruis comme l’on reconstruit les villes dévastées par la guerre Trop vite,
  trop puissants, presque menaçants Et c’est la
  pluie de mi-nuit.  Tout me fuit, tout
  s’enfuit Me reste
  très au loin (si loin que j’en rage) le souffle d’un homme qui me manque sans
  me manquer (Il faut que
  je te dise… Le bruit de ce souffle m’est si précieux que des siècles après ma
  mort, je saurai encore le reconstruire) À mi-nuit,
  il ne reste à caresser que ce petit animal froid, silencieux et malveillant
  nommé Solitude Il faut
  marcher vite pour épuiser le petit animal Ou bien
  dormir longtemps, une jambe allongée en travers du fleuve  Pour
  interrompre le crawl puissant des nageurs de mi-nuit Parfois
  s’abat une pluie d’ombres somnolentes, qui s’étirent d’un trottoir à l’autre Parfois rien Rien d’autre
  que la démarche funèbre des chrysanthèmes Se faufilant
  par les milliers d’interstices des rideaux de velours Et
  dispersant leurs milliards de pétales lacérés sur les oreillers où dorment
  des amants repus d’orgasmes Parfois
  j’éteins l’arbre aux lucioles. Et le Peuple des Clowns envahit mon espace
  dans un roulement féroce de tambours À mi-nuit,
  il neige paisiblement sur leurs manteaux trop longs volés aux défuntes
  tsarines Et je
  n’entends plus que le clapotis de leurs chaussures démesurées Les voiles
  noirs de leurs tambours s’accrochent sournoisement à mes objets blancs et y
  laissent leurs notes lugubres (Purcell… In the midst of life we are in death…) Solitude
  revient se blottir contre moi, son froid pelage exaspérant la froidure de mon
  flanc Mais le
  souffle de l’homme qui me manque sans me manquer dérange mon endormissement ©Héloïse
  Cerboneschi | |
| (*)Héloïse Cerboneschi est une
  plume rare, dans tous les sens du terme. Une présence parcimonieuse dans les
  librairies et sur la toile, à part sa page Facebook (dont
  est reproduite sa photo ci-dessus) ; une écriture exigeante, dérangeante
  et exquise dans ses beautés paradoxales, mi-oniriques mi-naturalistes, qui
  bouleversent la sensibilité émoussée du lecteur habituel de poésie. On a le
  sentiment qu’on n’a jamais rien lu de pareil, tellement elle est
  singulière : c’est un concentré diamantin de vraie, percutante, grande
  poésie.  Francopolis est fier d’avoir
  accueilli deux nouvelles d’elle au
  précédent numéro (automne 2024), proposées par Éliette Vialle, qui avait
  aussi choisi un de ses poèmes comme coup de cœur (au
  numéro de novembre 2011). Mais surtout, nous avons publié, au Salon de
  lecture de janvier 2012, un groupage consistant de poèmes inédits
  d’Héloïse Cerboneschi, dont certains datés de 2007-2008, avec une
  présentation-entretien de et avec l’autrice, par Éliette Vialle – et c’est
  dans la demi-page de cette présentation-entretien, reproduite ci-dessous, que
  réside tout ce qu’on peut lire comme notice bio-bibliographique sur cette
  écrivaine trop en retrait : « Héloïse Cerboneschi est
  très secrète. Elle en dira donc très peu sur elle. Elle est née à Paris,
  par un après-midi d’automne, boulevard de Port Royal. Contrairement à ce que
  son nom pourrait laisser supposer, elle est de père Belge et de mère
  Française. Elle porte le nom de ses deux enfants et donc celui de son
  ex-mari. Elle a passé 15 années de sa vie dans
  divers pays exotiques et depuis son retour, ne peut plus se passer de Paris
  où elle réside entre Bastille et le Marais, le quartier de sa jeunesse. Dès
  l’âge de 8 ans elle s’est intéressée à la littérature, à l’écriture et
  surtout à la poésie. - Sa poétesse préférée est Anna
  Akhmatova - Chez les hommes :  Desnos, Char,
  Soupault et bien sûr Apollinaire, Verlaine, Baudelaire et Rimbaud. Sans
  parler de certains poètes étrangers très peu connus en France. - Pour les écrivains, la liste est
  longue mais elle cite : Henry Miller, Mervyn Peake, Hermann Hesse, John
  Kennedy Toole, Maupassant, Simone de Beauvoir…  (…) Que pense-t-elle de la poésie ? "C’est quand je suis très
  malheureuse et très amoureuse que j’écris le mieux car je laisse exploser mes
  émotions avec des mots, parfois terribles, qui doivent susciter des images
  fortes chez le lecteur. Je me sers très rarement de la rime qui pour moi, limite
  mes possibilités d’expression. Je recherche surtout le rythme et
  l’enchaînement de mes vers et les associations de mots peu fréquentes qui
  seront néanmoins très évocatrices." Héloïse me précise qu’elle évite le
  plus possible de mettre des points au bout de ses phrases. Car, comme
  elle l’a écrit : "Tout doit rester inachevé, ce qui est achevé
  ne laisse plus guère d’espoir. Un simple point peut fermer toutes les portes."
  » On trouve néanmoins une impression de lecture anonyme sur
  un forum (2010) :  « Découverte
  magique. Je viens de lire voire même de dévorer Pensées de Trèfles Noirs,
  recueil de poésie de Heloïse Cerboneschi. J'avais la faiblesse de croire que
  je connaissais un peu la poésie... les classiques. Avec Pensées de Trèfles
  Noirs, je découvre à quel point la poésie peut être puissante, les textes
  et nouvelles sont bouleversants et ne laissent pas indifférents, ils vous
  renvoient à votre propre vécu. C'est magnifiquement bien écrit et ça secoue
  les tripes, en plus de faire un peu vibrer et de balayer le souvenir de ces
  petites récitations bucoliques qui sont devenues bien ordinaires à mes yeux.
  Je viens de découvrir la poésie qui me touche ! Celle qui me donne envie d'en
  découvrir plus. » Deux autres textes d’elle sur la
  toile :  Le cerf majestueux (2017) ;
  La chambre en désordre (2011). Ses livres : Stella
  Estinta, roman,
  éditions Le Lys bleu, 2022. L’indécence
  aux enfers,
  poésie. Mon petit éditeur, 2013. Pensées
  de trèfles noirs,
  poésie. The Book Edition, 2010. (D.S.) | |
| Héloïse Cerboneschi Francopolis, Hiver
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Créé
le 1er mars 2002