Où est-on ? De quelle expérience
mystique, spirituelle, temporelle s'agit-il ?
Délire provoqué
par la drogue musicale, déferlement de rythmes qui font du corps sortir
l'âme et voyager « haut très haut par-dessus » le « corps d'écoute » ?
Noces
frénétiques et tragiques entre musique et corps le faisant réceptacle de
ces sons qu'il absorbe tel « un tambour chamanique » jusqu'à lui faire « exploser la tête » et « glisser au-delà / de la porte
du son ».
Lecture qui
engendre la transe, le tournis tant les mots sont abondants, éclatants,
éclatés, provocants même...
Expression d'une
douleur originelle liée à une colère intime, les mots se font l'écho d'un
commencement sans fin que le choix de l'absence de points et de virgules,
donc d'encadrement du souffle, renforce encore.
« ce qui commence commence
toujours/ce qui s'achève ne s'achève jamais » écrit Dana Shishmanian.
L'auteur tisse
et détruit en même temps faisant feu de tous verbes, crus et savants,
violents et doux, mêlant Dieu et sexe, foi et transgression de la foi
jusqu'à ce qu'arrive enfin « l'unique instant où tout converge », où tout s'apaise et offre un
court répit à la libération de soi, amande éclatée qui permet alors de
révéler et goûter à ce « fruit obscur »
inattendu, donné pour un temps bref mais plein.
Ainsi écriture
et vie se rejoignent, l'une n'existant pas sans l'autre.
Mots jetés à une
cadence folle, au gré d'un mouvement intérieur qui met la tête en bas, à
moins qu'elle ne soit en l'air, tissent des « liens entre les plans de
conscience et d'inconscience »
entre « l'exprimé
et l'inexprimable »,
établissent des rapports entre rythme, sons, sens, rêves, réalités qui débordent
les repères habituels et laissent le lecteur étonné, étourdi, « bateau ivre » emporté sur l'océan
intranquille de cette poésie aux résonances si particulières qu'elles
relient le dehors au dedans et inversement.
© Isabelle
Poncet-Rimaud, juin 2017
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