
JARDIN
Le rouge se dissémine
L’herbe ne cicatrise pas
Elle saigne de haut en bas
Deux coquelicots mus par le vent
***
La mousse gagne sur la pelouse
Les pâquerettes regardent
Cette transformation de même œil
Que si elles regardaient
Les meules prendre feu.
***
Brin sur brin
Si on regarde l’herbe de près
C’est un chaos
Compréhensible seulement pour les
bêtes.
***
Une feuille tombée avant l’heure
Une feuille verte fane déjà
Le cerisier était trop occupé
À porter les fruits
Qu’il a négligé de la tenir.
***
Un très vieux rhododendron
Montre ses os
Fatigué de montrer des fleurs
incroyables.
***
La haie ne veut pas être taillée
Ça se voit,
Elle n’attend que la libération
complète des mœurs.
***
L’éclat de poussière blanche
volait
Là où le papillon a fait son
chemin.
***
Les cerises inaccessibles
Éclatent de leur trop de sucre
Une envie qui a mûri sur mes
lèvres.
***
Le noyer et son secret
Il cache bien ses fruits
De peur de faire savoir
Que même lui a l’envie de donner.
***
Le généreux framboisier
N’attend pas le début d’été,
Il régale sans compter.
***
Un liseron rencontré au hasard
Tire sa trompe blanche et frileuse
Vers la première goutte,
Celle qui n’est ni rosée ni
pluie.
***
Un tapis de chair et de feuilles
Timidement étalé sous un
épicéa ;
Qui aurait dit fraises de bois
Aurait goûté à leur joie.
***
Ces sœurs folles des marguerites
Ne sont que les marguerites
elles-mêmes
En centaines autour de la mare.
TEMPLES
Ces temples sont en vie
Et accroissent de jour en jour
Qui prie sur les autels
invisibles
Recouverts par la verdure ?
La lumière rentre
Par des rosaces des branches
Et sacrifie
Au cœur des sous-bois
Le silence est un dieu.
***
Ça murmure dans les arbres
N’est-ce pas une pluie
d’été ?
Fugace, légère comme la
respiration
D’un enfant assoupi
Inattendue comme une lettre
D’un très bon ami.
***
Approximation de la source
Dans les bois de jadis
Les ronces prennent place
De Daphnis et Cloé
Les ronces de personne
Blessent
Aussi timidement
Que les feuilles de houx
Que l’incertitude d’être tout
près
La source peut aussi changer
d’aspect
Devenir pierre ou l’air
Ou un soupir
Errant dans les bois depuis jadis
L’encercler est impossible
Si tu ne connais pas le sortilège
Branche tait le lieu
Seule son approximation
T’habite.
***
Une lisière très ancienne
Sépare la ville et la forêt
Au-delà du cercle des premiers
bois
Le dedans filtre les certitudes
Le dedans puise l’originel.
***
Le soleil se couche le soleil se
lève
De mille façons
Dans les rues tant de rêves
Sédimentent sous les regards des
passants
De plus en plus vite
Distinctement
Dans les mesures
Son cœur bat
Au gré de son rêve à lui.

©Alena Meas
Juin 2020 (pour les textes),
avril 2021 (pour les tableaux)
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