Histoire
inachevée
Je virevolte
je vogue
sur un radeau
je dérive
à la recherche d’un
ancrage
L’horizon sans cesse
s'éloigne
s’esquive
s'enlise
et disparait
pour se fondre dans
les nuages
J'élabore des
histoires
les mots m'échappent
s'écharpent
comme les êtres
aux destins
indéfinis
immatériels
ensevelis
sous des siècles de
colère
Les bribes de vie
se délitent au fil
du temps
mêlées
entremêlées
mais toujours
évanescentes
Et l'histoire reste
inachevée
Ruissellement
À Meung le temps
s'étire
à l'ombre des
souvenirs
Soleil voilé
clarté
dans la salle à
manger
Champs de tiges
desséchées
les tournesols ont
perdu la face
et dans la cuisine
les orchidées n'en
finissent pas de mourir
Autour du marchais
nos pas ont laissé
des traces
entre les platières
de grès
Chemin d'herbes
folles
chemin de boue
vers l'infini du
ciel
nuages suspendus
À travers champs
un chevreuil
apparaît
disparait
majestueux
Une silhouette passe
Pommes rouges
pommes vertes
pommes pourries
comme un ruissellement
sur le bas-côté
Les glands
éclaboussent
les sentiers
Nos éclats de voix
résonnent
dans le silence
Instants figés
sérénité
une odeur de paix
et de blanquette de
veau
flotte dans la
maison
Pour célébrer la vie
mijoter à feu doux
les plats de l'hiver
Un air de guitare
l'esprit musard
voguant au creux
d'une douceur
partagée
Ton absence
demeure
éternelle compagne
Consoude et
rosier

Sous un ciel mouvant
bruissent les orages
Dans le jardin
la vie s'anime et
palpite
Une consoude a pris
ancrage
au pied du rosier
Butinage
papillonnage
Ses feuilles
voluptueuses
se déploient
et se mêlent aux
roses naissantes
Coussins de verdure
lits de tendresse
Les fleurs
s’épanouissent
en senteurs
délicates
avant de lentement
flétrir
Leurs pétales une à
une se détachent
emportées par la
pluie et le vent
pour se perdre dans
la nuit
et nourrir la terre
avide
De rives en
rives
La nuit je vagabonde
allant de rives en
rives
sur les scènes d'un
théâtre
où tous les rôles
s'improvisent
Ivresse et liesse
auréolés de jours
féconds
Le temps n'existe
plus
Mes rêves peuplés
de rencontres et de
sensations
revisitent les
territoires d'antan
Recréant un monde
fantaisiste
Je voyage dans des
contrées lointaines
et capte paysages et
visages
dont l'étrangeté me
semble familière
Le matin me surprend
et m'emporte dans sa
course folle
La réalité reprend
place
et me laisse
vacillante
entre souvenir et
oubli
Voyage en
poésie du côté de Marseille
Les
déplacements en TGV menant d''un lieu très éloigné à un autre en un temps
record ont leurs avantages mais ils laissent parfois à l'arrivée un
sentiment de désorientation. Telle a été mon impression en quittant
Paris-Gare de Lyon sous la grisaille et la morosité pour me retrouver 3h
plus tard à Marseille sous un ciel lumineux où soleil et légèreté se
conjuguent.
Les
voyages en TER quant à eux prennent leur temps et sont pour cela propices
à l'observation, à la rêverie et s'ancrent plus aisément dans la mémoire.
Dans
le train de la Côte Bleue pris à la gare Marseille-Saint-Charles
en direction de La Couronne-Carro, le bercement
du roulis m'a menée en poésie et les mots du voyage se sont déposés
librement sur mon carnet d'écriture.
Au
premier arrêt Arenc Euroméditerranée
Tours
de verre immensité
traversée
du ciel
Voies
désaffectées wagons rouillés
Herbes
folles et fleurs champêtres jaillies du ballast
Figuiers
sauvages contre murets de pierre
Hangars
tagués
Au
sortir d'un tunnel
bateaux
de croisière démesurés
enlaidissent
côte et crique
Toits
de tuiles arrondies
Montagne
asséchée entre deux incendies
Peau
rugueuse du temps vieilli
Arrivée
à L'Estaque
Premier
regard sur un bâtiment délabré
Vitres
glauques murs crasseux
Tags
blafards
Et
dans un contraste hors temps
Deux
délicates structures métalliques vert pâle
style
Art déco
en
rehaut des voies de passage
Vue
par-dessus les toits
Village
et port de pêche
Bateaux
somnolents et passe le vent

À
l'émergence du tunnel
la
mer étoilée scintille
terrain
vague et voitures calcinées
guerre
des gangs pour paysage
Une
plage aux baigneurs agglomérés
Jardins
suspendus
cactus
et figuiers de Barbarie
Pins
courbés par le vent
Reflets
de soleil et sable fin
dans
la transparence de l'eau
Bientôt
Niolon
Sortie
du tunnel criques protégées
algues
de mystère eaux profondes
envoûtement
Port
bateaux soleil
Ne
risquez pas votre vie Ne traversez pas les voies
Nuée
de jeunesse insouciante
Sur
la mer un bateau s'évade traçant de beaux nuages blancs
jeux
de lumières train de mystère
Ansués-La-Redonne
Tunnel
clarté un village au creux de la falaise
Pins
torturés accrochés aux parois
troncs
élancés grâce céleste
Bleu
des mers du Sud
papillons
blancs
Par-delà
le train se rêvent les odeurs
les
saveurs
et
la stridulation des cigales
lancinante
Carry-le-Rouet
Curry
sur la garrigue
Rocailles
à l'infini
Louvoiement
de lauriers éclatants
Entre
les arbres
la
mer joue à cache-cache
Sausset-les-Pins
Personne
ne descend
Un
soleil de plomb s'invite dans le wagon
Cimetière
en contrebas
Finir
là entre les pins sans plus se soucier de rien
Arbres
morts encore
troncs
calcinés champ de cadavres
le
feu comme une lave a figé le paysage
désert
austère aride
couloir
de pierres
Fin
du voyage La Couronne-Carro
Descendre
dans un mirage
Non
loin de Martigues Venise provençale
Respirer
le Sud
d'où
émanent les flamboiements célestes

Un jour au
Havre
Le temps file
s'affole
s’effiloche
Un jour au Havre
l'horloge
a perdu le tempo
Entre mer et ciel
paysage
laiteux
Sentiments flous
sur le fil
des désirs
Roses trémières
en suspension
sur l'horizon
Comme un éclair
dans les nuages
une lumière
a mis les voiles

La vie en vers
La vie
en solitaire
sans piment
sauce aigre douce
Caïman vert
Sur les flots
en cascade
une pirogue
en escapade
Terre boueuse
La vie
en rêve
en
vers
se déverse
En versets
prophétiques
Saveurs lointaines
en voyage
à grands pas
dans le désert
Terre aride
La vie à l'envie
Comme un air
que l'on fredonne
Comme un air que
l'on fredonne
Les mots s'ordonnent
Pour dire la vie
les rêves et la
poésie
les passions ou bien
l'ennui
les nuits de
tourmente
et les jours
d'espérance
les lumières à
foison
et la pluie aussi
Les mots tracent la
voie
vers l'infini
comme un envol
d'hirondelles
un appel d'air
une pause
une escale
Les mots cheminent
et se déclinent
en chants célestes
et parfois
ils divaguent
comme une vague
et errent sur la
grève
en sursis
©Mireille Podchlebnik
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