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Articles sur les poètes francophones contemporains
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ARCHIVES FRANCO-SEMAILLES

 


Septembre-Octobre 2021

 

 

Voyage d’été…

 

Poèmes inédits de Mireille Podchlebnik

 

avec des photos de l’auteure

 

(*)

 

 

 

Histoire inachevée

 

Je virevolte

je vogue

sur un radeau

je dérive

à la recherche d’un ancrage

 

L’horizon sans cesse s'éloigne

s’esquive

s'enlise

et disparait

pour se fondre dans les nuages

 

J'élabore des histoires

les mots m'échappent

s'écharpent

comme les êtres

aux destins

indéfinis

immatériels

ensevelis

sous des siècles de colère

 

Les bribes de vie

se délitent au fil du temps

mêlées

entremêlées

mais toujours évanescentes

 

Et l'histoire reste inachevée

 

 

 

Ruissellement

 

À Meung le temps s'étire

à l'ombre des souvenirs

Soleil voilé

clarté

dans la salle à manger

 

Champs de tiges

desséchées

les tournesols ont perdu la face

et dans la cuisine

les orchidées n'en finissent pas de mourir

 

Autour du marchais

nos pas ont laissé des traces

entre les platières de grès

Chemin d'herbes folles

chemin de boue

vers l'infini du ciel

nuages suspendus

 

À travers champs

un chevreuil

apparaît

disparait

majestueux

Une silhouette passe

 

Pommes rouges

pommes vertes

pommes pourries

comme un ruissellement

sur le bas-côté

 

Les glands éclaboussent

les sentiers

Nos éclats de voix

résonnent

dans le silence

 

Instants figés

sérénité

une odeur de paix

et de blanquette de veau

flotte dans la maison

Pour célébrer la vie

mijoter à feu doux

les plats de l'hiver

 

Un air de guitare

l'esprit musard

voguant au creux

d'une douceur partagée

Ton absence

demeure

éternelle compagne

 

 

 

Consoude et rosier

 

 

Sous un ciel mouvant

bruissent les orages

Dans le jardin

la vie s'anime et palpite

 

Une consoude a pris ancrage

au pied du rosier

Butinage papillonnage

Ses feuilles voluptueuses

se déploient

et se mêlent aux roses naissantes

 

Coussins de verdure

lits de tendresse

 

Les fleurs s’épanouissent

en senteurs délicates

avant de lentement flétrir

Leurs pétales une à une se détachent

emportées par la pluie et le vent

pour se perdre dans la nuit

et nourrir la terre avide

 

 

 

De rives en rives

 

La nuit je vagabonde

allant de rives en rives

sur les scènes d'un théâtre

où tous les rôles

s'improvisent

 

Ivresse et liesse

auréolés de jours féconds

Le temps n'existe plus

 

Mes rêves peuplés

de rencontres et de sensations

revisitent les territoires d'antan

 

Recréant un monde fantaisiste

Je voyage dans des contrées lointaines

et capte paysages et visages

dont l'étrangeté me semble familière

 

Le matin me surprend

et m'emporte dans sa course folle

La réalité reprend place

et me laisse vacillante

entre souvenir et oubli

 

 

 

Voyage en poésie du côté de Marseille

 

Les déplacements en TGV menant d''un lieu très éloigné à un autre en un temps record ont leurs avantages mais ils laissent parfois à l'arrivée un sentiment de désorientation. Telle a été mon impression en quittant Paris-Gare de Lyon sous la grisaille et la morosité pour me retrouver 3h plus tard à Marseille sous un ciel lumineux où soleil et légèreté se conjuguent.

Les voyages en TER quant à eux prennent leur temps et sont pour cela propices à l'observation, à la rêverie et s'ancrent plus aisément dans la mémoire.

Dans le train de la Côte Bleue pris à la gare Marseille-Saint-Charles en direction de La Couronne-Carro, le bercement du roulis m'a menée en poésie et les mots du voyage se sont déposés librement sur mon carnet d'écriture. 

 

Au premier arrêt Arenc Euroméditerranée

Tours de verre immensité

traversée du ciel

Voies désaffectées wagons rouillés

Herbes folles et fleurs champêtres jaillies du ballast

Figuiers sauvages contre murets de pierre

Hangars tagués

 

Au sortir d'un tunnel

bateaux de croisière démesurés

enlaidissent côte et crique

Toits de tuiles arrondies

Montagne asséchée entre deux incendies

Peau rugueuse du temps vieilli

 

Arrivée à L'Estaque

Premier regard sur un bâtiment délabré

Vitres glauques murs crasseux

Tags blafards

Et dans un contraste hors temps

Deux délicates structures métalliques vert pâle

style Art déco

en rehaut des voies de passage

 

Vue par-dessus les toits

Village et port de pêche

Bateaux somnolents et passe le vent

 

 

À l'émergence du tunnel

la mer étoilée scintille

terrain vague et voitures calcinées

guerre des gangs pour paysage

 

Une plage aux baigneurs agglomérés

Jardins suspendus

cactus et figuiers de Barbarie

Pins courbés par le vent

Reflets de soleil et sable fin

dans la transparence de l'eau

 

Bientôt Niolon

Sortie du tunnel criques protégées

algues de mystère eaux profondes

envoûtement

Port bateaux soleil

 

Ne risquez pas votre vie Ne traversez pas les voies

Nuée de jeunesse insouciante

 

Sur la mer un bateau s'évade traçant de beaux nuages blancs

jeux de lumières train de mystère

 

Ansués-La-Redonne

Tunnel clarté un village au creux de la falaise

Pins torturés accrochés aux parois

troncs élancés grâce céleste

Bleu des mers du Sud

papillons blancs

Par-delà le train se rêvent les odeurs

les saveurs

et la stridulation des cigales

lancinante

 

Carry-le-Rouet

Curry sur la garrigue

Rocailles à l'infini

Louvoiement de lauriers éclatants

Entre les arbres

la mer joue à cache-cache

 

Sausset-les-Pins

Personne ne descend

Un soleil de plomb s'invite dans le wagon

Cimetière en contrebas

Finir là entre les pins sans plus se soucier de rien

Arbres morts encore

troncs calcinés champ de cadavres

le feu comme une lave a figé le paysage

désert austère aride

couloir de pierres

 

Fin du voyage La Couronne-Carro

Descendre dans un mirage

Non loin de Martigues Venise provençale

Respirer le Sud

d'où émanent les flamboiements célestes

 

 

 

 

Un jour au Havre

 

Le temps file
                 s'affole
                   s’effiloche

Un jour au Havre

              l'horloge

                  a perdu le tempo


Entre mer et ciel
            paysage

                  laiteux


Sentiments flous
               sur le fil

                      des désirs


Roses trémières
               en suspension
                     sur l'horizon


Comme un éclair
       dans les nuages
               une lumière

                     a mis les voiles

 

 

 

 

La vie en vers

 

La vie

en solitaire

sans piment

sauce aigre douce

 

Caïman vert

 

Sur les flots

en cascade

une pirogue

en escapade

 

Terre boueuse

 

La vie

en rêve

en vers

se déverse

En versets prophétiques

 

Saveurs lointaines

en voyage

à grands pas

dans le désert

 

Terre aride

 

La vie à l'envie

 

 

 

Comme un air que l'on fredonne

 

Comme un air que l'on fredonne

Les mots s'ordonnent

Pour dire la vie

les rêves et la poésie

les passions ou bien l'ennui

les nuits de tourmente 

et les jours d'espérance

les lumières à foison

et la pluie aussi

 

Les mots tracent la voie

vers l'infini

comme un envol d'hirondelles

un appel d'air

une pause

une escale

 

Les mots cheminent

et se déclinent

en chants célestes

et parfois

ils divaguent

comme une vague

et errent sur la grève

en sursis

 

 

©Mireille Podchlebnik

 

Mireille Podchlebnik a publié des poèmes dans des revues (Intervention à Haute Voix, Recours au poème, Poésie sur Seine, Soc et Foc) et plusieurs recueils, dont Mosaïques, éditions Interventions à Haute Voix, 2014, Tailleurs pour femme, éditions La Porte, 2014. Elle tient un blog révélateur de son histoire personnelle et de son parcours poétique, je le recommande chaleureusement. 

Nous l’avons accueillie à plusieurs reprises à Francopolis : coup de cœur novembre 2013juin 2016, sélection d’auteurs de mars 2016 (avec une présentation), Francosemailles janvier-février 2018, Pieds des mots de mars-avril 2021.

D.S.

 

 

 

Mireille Podchlenbik

Francosemailles, septembre-octobre 2021

recherche : Dana Shishmanian 

 

 

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