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ARCHIVES FRANCO-SEMAILLES

 


Automne 2024

 

Sonia Elvireanu :

« le siège de notre âme ».

 

Poèmes inédits pour Francopolis

(*)

 

Une image contenant nature, eau, ciel, plein air

Description générée automatiquement

Photo de couverture au recueil Le regard… un lever de soleil, 2023

(Prix François-Victor Hugo, Société des Poètes Français, Paris 2023)

 

 

Ta présence

 

Parfois j’ai l’impression que tu t’éloignes trop,

comme si tu partais dans un étrange voyage

sans parcourir le monde, restant sur place,

tu remues les eaux troubles en toi

dans une incessante quête du ciel,

de sa limpidité sans pareil,

 

tu t’appuies contre son bord  brillant

comme le lever du soleil à l’horizon,

perché sur la ligne  entre les mondes

comme l’oiseau arqué en vol, 

tu interprètes les mondes qui existent en dehors,

en toi, à travers une pensée dirigée vers le Haut,

 

 

parfois je te sens proche,

comme si tu me tendais la main pour me protéger,

comme si tu me souriais amusé, ironique, enjoué,

comme à un enfant maladroit,

 

tu es comme l’eau douce et claire qui calme la soif,

souvent comme l’eau salée qui réveille de son rêve,

comme la pluie chaude et froide qui me garde entière

pour ne pas me disperser comme la poussière dans le vent,

rester sur l’échelle de Jacob

dans les bras avec la lumière d’en Haut.

 

12 août 2024

 

 

L’être comblé

 

Quand Ève n’a plus envie

de se détacher de la côte d’Adam,

de le dominer, quand elle revient

comme partie absente de son corps

ne faisant qu’un avec lui en tout,

 

Adam n’est plus divisé,

il trouve la paix chez sa femme,

il la trouve en lui et en dehors de lui,

dans le visage épanoui dans le miroir

de la femme qui n’est donnée qu’à lui,

 

il la cherche toute sa vie comme un mystère,

aucune autre ne peut le combler,

seule l’âme de l’homme peut la reconnaître

et la contenir dans son corps.

 

3 août 2024

 

 

Comme une feuille tournée par le vent

 

Un coup de vent soudain perturbe la journée,

brisant d’un coup l’harmonie entre nous,

faisant de ses feuilles un tourbillon,

comme les vagues douces de la mer

agitées par la tempête,

 

peut-être qu’une perturbation est nécessaire

pour que la compréhension s’installe mieux,

déchirée comme un beau vêtement

accroché à un clou invisible,

 

la mer se calme,

le bleu revient sur la côte,

le sable scintille à nouveau,

 

au bord  d’un œil d’eau

maintenant clair et propre,

ton sourire, retrouvant sa paix,

revenu à la clarté du commencement.

 

29 juillet 2024

 

 

Épanouissement

 

J’ai le dégel en moi,

la fonte des neiges, l’épanouissement,

la dévotion devant  le Haut,

 

le fleuve bleu qui m’a emmenée

vers toi lors d’un été brûlant,

un pèlerin des terres exotiques,

 

tu portais des vêtements blancs et légers,

tu avais la profondeur dans tes yeux,

les étincelles de l’eau dans le désert

les nuits de pleine lune,

 

je ne te connaissais pas,

je ne t’ai jamais vu,

j’étais pierre solitaire

sur un chemin fermé,

 

le vent faisait passer sur elle

son tourbillon de feuilles fanées,

je ne sentais pas son souffle,

 

quand je t’ai aperçu, un rayon

s’est glissé entre les rivages déserts,

 

elle avait aperçu le rivage où tu étais,

caché à ma vue,

l’inconnue soudain détachée de la pierre

pour te rencontrer,  te reconnaître,

 

je suis sortie de l’état de pétrification

comme la belle au bois dormant,

vivante, jeune, délicate,

 

mon corps scellait le secret:

la mer de lumière et le trouble

à ta vue;

 

j’ai marché si naturellement vers toi

comme si je rencontrais

la partie invisible de moi,

une étrange brise de l’été

s’est glissée dans nos paumes,

 

je ne faisais qu’un avec toi, entière et vivante,

comme je ne l’ai jamais été auparavant,

un papillon qui ouvrait ses ailes

à la lumière pour la première fois,

 

ce miracle vit en moi

mais je me demande si c’est le mien

ou celui du papillon détaché de moi

à l’instant où je t’ai vu,

 

tous les secrets du monde sont en moi,

le fleuve coule clair et tranquille

entre ses rives vertes,

au-dessus de ses eaux flotte invisible

l’esprit qui relie la terre, l’eau et le ciel.

 

27 juillet  2024

 

 

© Sonia Elvireanu

 

(*)

 

Sonia Elvireanu, poétesse roumaine francophone, récipiendaire de plusieurs prix de poésie en France et en Roumanie, honore depuis plusieurs années notre revue de ses contributions comme autrice, traductrice, critique littéraire, aux rubriques : Vues de Francophonie, D’une langue à l’autre, Francosemailles, Lectures-chroniques.

Biobibliographie et références critiques sur le site de l’Union des écrivains de Roumanie.

Quelques chroniques à ses recueils récents : Le regard… un lever de soleil – Recours au poème (recoursaupoeme.fr, 6 janvier 2024), par Gérard Le Goff, Ensoleillements au cœur du Silence – Scintilli nel cuore del Silenzio (lelitteraire.com, 5 avril 2022), par Jean-Paul Gavard-Perret, Le chant de la mer et du héron cendré (AREAW 2021), par Patrick Devaux.

 

 

Sonia Elvireanu

Francosemailles, Automne 2024

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