Ta présence
Parfois j’ai l’impression que tu t’éloignes trop,
comme si tu partais dans un étrange voyage
sans parcourir le monde, restant sur place,
tu remues les eaux troubles en toi
dans une incessante quête du ciel,
de sa limpidité sans pareil,
tu t’appuies contre son bord brillant
comme le lever du soleil à l’horizon,
perché sur la ligne
entre les mondes
comme l’oiseau arqué en vol,
tu interprètes les mondes qui existent en dehors,
en toi, à travers une pensée dirigée vers le Haut,
parfois je te sens proche,
comme si tu me tendais la main pour me protéger,
comme si tu me souriais amusé, ironique, enjoué,
comme à un enfant maladroit,
tu es comme l’eau douce et claire qui calme la
soif,
souvent comme l’eau salée qui réveille de son rêve,
comme la pluie chaude et froide qui me garde
entière
pour ne pas me disperser comme la poussière dans le
vent,
rester sur l’échelle de Jacob
dans les bras avec la lumière d’en Haut.
12 août 2024
L’être comblé
Quand Ève n’a plus envie
de se détacher de la côte d’Adam,
de le dominer, quand elle revient
comme partie absente de son corps
ne faisant qu’un avec lui en tout,
Adam n’est plus divisé,
il trouve la paix chez sa femme,
il la trouve en lui et en dehors de lui,
dans le visage épanoui dans le miroir
de la femme qui n’est donnée qu’à lui,
il la cherche toute sa vie comme un mystère,
aucune autre ne peut le combler,
seule l’âme de l’homme peut la reconnaître
et la contenir dans son corps.
3 août 2024
Comme une feuille tournée par le vent
Un coup de vent soudain perturbe
la journée,
brisant d’un coup l’harmonie
entre nous,
faisant de ses feuilles un
tourbillon,
comme les vagues douces de la mer
agitées par la tempête,
peut-être qu’une perturbation est
nécessaire
pour que la compréhension
s’installe mieux,
déchirée comme un beau vêtement
accroché à un clou invisible,
la mer se calme,
le bleu revient sur la côte,
le sable scintille à nouveau,
au bord d’un œil d’eau
maintenant clair et propre,
ton sourire, retrouvant sa paix,
revenu à la clarté du
commencement.
29 juillet
2024
Épanouissement
J’ai le dégel en moi,
la fonte des neiges, l’épanouissement,
la dévotion devant
le Haut,
le fleuve bleu qui m’a emmenée
vers toi lors d’un été brûlant,
un pèlerin des terres exotiques,
tu portais des vêtements blancs et légers,
tu avais la profondeur dans tes yeux,
les étincelles de l’eau dans le désert
les nuits de pleine lune,
je ne te connaissais pas,
je ne t’ai jamais vu,
j’étais pierre solitaire
sur un chemin fermé,
le vent faisait passer sur elle
son tourbillon de feuilles fanées,
je ne sentais pas son souffle,
quand je t’ai aperçu, un rayon
s’est glissé entre les rivages déserts,
elle avait aperçu le rivage où tu étais,
caché à ma vue,
l’inconnue soudain détachée de la pierre
pour te rencontrer,
te reconnaître,
je suis sortie de l’état de pétrification
comme la belle au bois dormant,
vivante, jeune, délicate,
mon corps scellait le secret:
la mer de lumière et le trouble
à ta vue;
j’ai marché si naturellement vers toi
comme si je rencontrais
la partie invisible de moi,
une étrange brise de l’été
s’est glissée dans nos paumes,
je ne faisais qu’un avec toi, entière et vivante,
comme je ne l’ai jamais été auparavant,
un papillon qui ouvrait ses ailes
à la lumière pour la première fois,
ce miracle vit en moi
mais je me demande si c’est le mien
ou celui du papillon détaché de moi
à l’instant où je t’ai vu,
tous les secrets du monde sont en moi,
le fleuve coule clair et tranquille
entre ses rives vertes,
au-dessus de ses eaux flotte invisible
l’esprit qui relie la terre, l’eau et le ciel.
27
juillet 2024
© Sonia Elvireanu
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