D'une langue à l'autre...
et textes
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ou comme prétexte. Traduction.

 

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Archives : D'une langue à L'autre

 

D’une langue à l’autre…

Novembre-Décembre 2021

 

Giuliana Mascolo.

 

« La maison, c’était moi… »

 

Textes présentés et traduits de l’italien

par Vanna Matera

 

(*)

 

[En guise d’introduction ou avis au lecteur…]

A quanti aspettano e per i quali non potemmo niente

Quattro movimenti di una lingua che si ripercuotono in un’altra. Quattro tempi di una fantasmagoria di apparizioni e profezie, storie brevi perché in bilico sulla linea dell’accadere. Scrittore e traduttore spartiscono la lingua d’origine: l’italiano di una certa regione dell’Italia del Sud. Il francese è l’altra lingua, quella d’esilio per il traduttore, quella di una musica lontana per lo scrittore.

Il testo originale è consegnato in una forma senza asperità, classica e sofisticata al punto da apparire naturale. Nell’incedere di una frase che dice l’estremo degli incontri e delle separazioni a forza di misura, il traduttore non può che ritrovarsi estraneo a quella lingua sua induritasi nel corpo dello scrittore. Il compito di dire nell’altra lingua lo espone invece al paradosso di segni stranieri che avvincono con modi familiari, sedotti da chi viene da lontano.

Sulla frontiera dello scrivere che sfuggendo si incide a chiare lettere, nella striscia di terra emersa dove si perde il proprio mentre l’estraneo si fa dimora, due donne si parlano.

 

À ceux qui attendent et pour qui nous ne pouvons rien

Quatre mouvements d’une langue qui se répercute dans une autre. Quatre temps d’une fantasmagorie d’apparitions et prophéties : des histoires courtes qui hésitent à la frontière des faits. L’écrivain et le traducteur se partagent la langue d’origine : litalien d’une certaine région du sud du pays. Le français est l’autre langue, celle de l’exil pour le traducteur, celle d’une musique lointaine pour l’écrivain.

Le texte original est livré dans une forme sans aspérités, classique et sophistiquée au point de paraître naturelle. La phrase va à l’extrême des rencontres et des séparations par une mesure qui ne saurait céder : ainsi le traducteur se trouve aliéné face à sa langue natale endurcie en corps d’écriture. La tâche de dire dans l’autre langue l’expose au paradoxe des signes étrangers qui s’ouvrent à lui, séduits par ce qui vient d’ailleurs.

Le long de cette ligne controversée et qui fuit pourtant en lettres claires, dans la langue de terre émergée où le propre se perd et l’autrui demeure, deux femmes se parlent.

 

L’autrice et sa traductrice

Inverno / Hiver

Mi sono persa laddove si perdono tutti, anche i più esperti: ero davanti la porta di casa, quella d'infanzia e il buco nero ha fatto di me non più del filamento di un ricordo. C'era un bel sole, l'aria era tiepida, si era fatta già l'ora di andare.

Di quell'inverno vive soltanto l'eco mischiato a un'altra neve, al marmo gelido degli scalini prima di cena. Finalmente, riflettevo che ritornare non sarà mai più possibile.

 

Je me suis perdu là où tout le monde s’égare, même les plus expérimentés : j’étais devant la porte, celle de l’enfance, et le trou noir m’a réduite à n’être plus que la fibre d’un souvenir. Il y avait un beau soleil dans l’air tiède et c’était déjà l’heure de partir.

De cet hiver reste l’écho mêlé à une autre neige, au marbre glacé de l’escalier avant le dîner. Finalement, je me disais que revenir ne serait plus possible.

 

Wolfgang Paalen, Study for Totem Landscape of My Childhood, 1937

 

***

 

Primavera / Printemps

La superficie argentata del lago brilla dietro il tuo profilo. Siamo seduti ed il tepore filtra dai vetri; tu sorridi. Mi dici qualcosa ed io mi perdo dietro il luccichio di un ricordo cordiale come un abbraccio: in amore, come in guerra, Dio non c’entra nulla. Eppure è lui la primavera.

 

Le lac est d’argent vif qui brille autour de toi. Nous sommes assis et l’air tiède traverse les vitres ; je te vois sourire. Tu me parles et je me perds derrière l’éclat d’un souvenir, doux et chaud comme une étreinte : en amour, comme en guerre, Dieu n’y est pour rien. Pourtant le printemps c’est lui.

 

Wolfgang Paalen, Les tours de lumière, 1936

 

***

 

Estate / Été

C'è un'altra strada che devo imparare, porta più a Sud lasciando indietro le montagne. È così tesa da sembrare scia o tratto di matita per recintare il foglio in cui campeggiano isolate case bianche, infuse nel blu e nel rosso orizzontali. Scena ideale di un' apparizione, ogni abitato è astratto nel calore estivo e vive separato senza innocenza, un eremo limato dal grecale dove le rocce misurano un' asperità di quelle belle, cui ci si può aggrappare.

 

J’apprends une autre route et qui mène plus au Sud, laissant les montagnes derrière. Elle se tend comme un sillage, un trait de crayon qui enferme la feuille où les blanches maisons se tiennent isolées et fondent dans le bleu et le rouge à l’horizontal. Scène idéale d’une apparition, tout lieu habité devient abstrait par la force de l’été et vit séparé sans innocence : ermitage élimé dans le grégal, âpre beauté à la mesure de rochers qui ne refusent pas la prise.

 

Wolfgang Paalen, Les étrangers, 1937

 

*** 

 

Autunno / Automne

Vedo i fantasmi da quando ero bambina. È cominciato nelle chiese del paese, in autunno, ti ricordi? Fu l'anno che a Pasqua visitammo il castello dove c'era il vecchio orfanotrofio. Poi a Napoli, la città tutta, il suo mare e le strade, l'orizzonte rosa del monte Echia e la linea spezzata degli edifici, densi di fatti che appartengono al passato ed oggi anche a me: tutti luoghi che danno un senso alla parola casa. Gli abitanti invisibili sono quasi palpabili e frusciano. A volte sorridono, aprono la porta d'ingresso, vengono a trovarmi. Mi è capitato che uno mi invitasse a casa sua con un gesto ampio e felice. Sono entrata: i vivi e i morti vi si mischiavano senza tempo. Sapevo con certezza chi fosse qui ed ora, chi fosse è soltanto . Le loro voci, come quando rientrando a casa mia, tutto suona vuoto sotto il passo. Eppure, eri tu stanotte a pettinarmi i capelli. Attraversata la porta grande di legno che stride anche da chiusa sotto l'arco, ti aspetto che avanzi a passi di talpa come il terremoto. Hai poi bevuto di quell'acqua che da sola non consente di lasciare il paese?

Ho incontrato un uomo che ti somigliava tanto, seduto accanto la statua di Ottaviano a Chiaia. Non era vestito come te, ma il viso e lo sguardo, identici. Mi ha chiesto una sigaretta ed io avevo un pacchetto chissà come abbandonato nella borsa. Abbiamo parlato, ci siamo perdonate cose che mai e poi mai ci saremmo fatti. Quando si è alzato, aveva la stessa tua andatura e di tuo figlio. A me sembra impossibile un altro giorno senza amore, eppure è proprio ciò che accadrà. Resto ancora un poco qui a guardare partire a arrivare le navi, nulla di più facile che tu ne scenda solo a me visibile e sorridente alla fine di uno dei tuoi viaggi, come a firmare che tra noi due, incatenata ai miei fardelli di terra e di pietra, la casa ero io.

 

Je vois les fantômes depuis l’enfance. Cela a commencé dans les églises du village, tu te souviens ? à l’automne. C’était l’année où nous visitions pour Pâques le château qui hébergeait le vieil orphelinat. Puis à Naples, ce fut partout en ville, à la mer et dans les rues, le long du mont Echia si rose et sur la ligne brisée des édifices, peuplés de faits passés qui sont aussi les miens aujourd’hui. Des lieux qui sont tous autant de mots pour dire la maison. Leurs habitants invisibles sont presque palpables et se révèlent par un léger bruissement. Ils sourient parfois, ouvrent la porte d’entrée, viennent me trouver. Il m’est arrivé que l’un d’entre eux m’invite chez lui d’un geste ample et heureux. J’y suis allée : les vivants et les morts se mélangeaient en abolissant le temps. Je savais avec certitude qui était ici et maintenant, celui qui se trouvait là ne pouvant être nulle part ailleurs. Ah, leurs voix ! comme les pas qui sonnent creux sur le chemin menant chez moi. Pourtant, c’était toi qui me peignais les cheveux cette nuit. Passé la grande porte en bois qui même fermée grince sous l’arcade, j’attends que tu t’avances comme une taupe faisant trembler la terre. As-tu enfin bu de cette eau qui a le pouvoir d’empêcher les départs ?

J’ai rencontré un homme qui te ressemblait tant, assis près de la statue d’Octave, à Chiaia. Il n’était pas habillé comme toi, mais le visage et le regard étaient les tiens. Il m’a demandé une cigarette et j’avais dans le sac un paquet oublié, qui sait quand. Nous nous sommes parlé et pardonné ces choses que jamais, jamais, nous ne nous serions infligées. Quand il s’est levé, il avait ta démarche et celle de ton fils. Un jour encore sans amour me semble chose impossible, c’est pourtant bien ce qui se passera. Je demeure, face aux bateaux qui arrivent et partent. Tu pourrais en descendre et je serais la seule à te voir, souriant à la fin d’un de tes voyages, comme à sanctionner le fait que de nous deux, enchaînée à mes fardeaux de terre et de pierre, la maison c’était moi.

 

©Giuliana Mascolo

©Vanna Matera pour la traduction française

 

Wolfgang Paalen, Fumage, 1937

 

(*)

 

Giuliana Mascolo est enseignante et écrivaine, elle vit dans le Sud de l’Italie, près de Naples. Avec Vanna Matera comme traductrice, elle a produit une série de proses descriptives qui poursuivent une certaine musique dans la langue, et d’une langue à l’autre.

Vanna Matera, quant à elle, nous a été révélée par Maria Mailat ; nous l’avons accueillie avec bonheur à la rubrique Pieds des mots au numéro de mai-juin cette année.

Nous avons choisi d’associer aux textes de Giuliana Mascolo les reproductions de quatre œuvres du grand peintre surréaliste autrichien Wolfgang Paalen (1905-1959), d’après le site wikiart.org.

 


Giuliana Mascolo

 

      Francopolis novembre-décembre 2021 
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Créé le 1 mars 2002