ROMAN - NOUVELLE
À SUIVRE...

 

plume.gif

 

suivre la prose d'un auteur

¨          ACCUEIL 

¨          SALON DE LECTURE 

¨          LECTURES - CHRONIQUES

¨          CRÉAPHONIE 

¨          UNE VIE, UN POÈTE

¨          D’UNE LANGUE À L’AUTRE  

¨          FRANCO-SEMAILLES 

¨          VUE DE FRANCOPHONIE

¨          APHORISMES & HUMOUR 

¨          CONTES & CHANSONS 

¨          COUP DE CŒUR

¨          PIEDS DES MOTS

¨          GUEULE DE MOTS

¨          SUIVRE UN AUTEUR

¨          ÉDITION SPÉCIALE 

¨          LIENS &TROUVAILLES 

¨          ANNONCES

¨          LES AUTEURS PUBLIÉS

¨          LES ANCIENS NUMÉROS

¨          LES FRANCOPOLISTES

 

SEPTEMBRE 2017

 

Éphémères châteaux de sable !

 

Par  Michel Baudry

 

 

En vacances avec ma femme à la Tranche sur mer, nous étions, un jour de grand soleil, sur la grande plage. Ma femme nageait, mais pas moi. Non, je préfère œuvrer à des constructions plus intelligentes que de perdre mon temps à patauger parmi les touristes graissés à la crème tels des grillées de pain que l’on trempe dans le café du matin. J’aurais eu l’impression de me sentir comme un vermicelle dans l’eau salée d’un bouillon de cube au bœuf. Prévoyant comme je le suis, j’avais emmené ma pelle, ma pioche et un sceau de vingt litres pour éviter toute concurrence dans mon projet architectural.


Effectivement, s’il est une chose que j’apprécie par-dessus tout, c’est que mes monuments de sable à faire pâlir le Taj Mahal et le château du roi-soleil soient les plus hauts et les plus beaux de la plage.


Je vérifiais encore les calculs géométriques du plan de mon nouveau palais lorsque tout à coup, mon regard fut attiré par une autre construction à une centaine de mètres. C’était vraisemblablement l’œuvrette d’un garçon d’une douzaine d’années.
Diantre, était-ce là une provocation ? Ce sale gosse qui, je soupçonnais être de mauvaise famille parce qu’il n’avait qu’à passer des vacances ailleurs que sur mon terrain de construction, mine de rien, avait édifié une véritable forteresse de la hauteur d’un homme, c’est-à-dire mon mètre soixante dix-huit. Fichtre !
Cet enfant en avait-il une plus grande que la mienne ?

Comme j’étais à l’ouvrage depuis déjà une bonne heure, il fallait me hâter pour dépasser amplement la hauteur du châtelet du garnement. Malheureusement, le sable où j’avais établi les fondations étant de mauvaise qualité et le vent jouant contre moi, impossible de battre le record architectural. Hors de question pour autant d’abdiquer. Une idée, fort déloyale je l’avoue, me vint à l’esprit. Habité par celui du loup face aux trois petits cochons, j’imaginai que par le plus grand des hasards, un malheureux coup de vent aux allures de pelle comme celle que j’avais dans les mains, pouvait accidentellement diminuer de quelques bons centimètres, voire même des doubles centimètres, la construction de l’adversaire. Mieux, un ballon lancé vigoureusement avec la plus grande et hasardeuse précision aurait certainement raison de l’assemblage éphémère du gamin. Ni une ni deux, je retournai à notre véhicule pour prendre de la monnaie et courir chez le premier marchand d’articles de plage pour me fournir l’arme du crime en question.


Après avoir déboursé une trentaine d’euros dans un boulet de canon plutôt réservé au foot, je revins sur le champ de bataille. On allait bien voir qui allait être le plus fort, non mais des fois. Comprenez que je ne pouvais pas me laisser marcher dessus par un morveux. Il aurait suffi que le soir même, ma femme acceptant que je sorte avec comme excuse de me dégourdir les jambes, j’aurais rencontré sur cette même plage quelques jeunes femmes en manque de sensation en train d’admirer la tour de Babel du petit monstre apprenti de Viollet Leduc. De quoi aurais-je eu l’air, hein ?

Je m’approchai donc discrètement de la construction du gamin en mimant le drible d’un joueur émérite. Un premier shoot puissant fit malheureusement passer le ballon à un mètre de l’édifice. Incompréhensible pour mon esprit de grand sportif alors que je n’étais qu’à deux mètres du monument. Je courus récupérer le ballon et recommençai avec la ferme intention cette fois-ci de commettre l’irréparable. J’allai shooter au moment où un grand bête type d’un mètre quatre vingt-dix, les bras croisés, s’interposa. Le diamètre de ses bras et le relief de ses plaquettes abdominales que j’aurais préféré chocolatées afin qu’elles fondent au soleil, me firent comprendre…
Que le père du gamin était simplement plus sportif que moi. Peut-être le pauvre bougre pensait-il que j’allais jouer avec lui. Eh bien non, hors de question d’accepter la moindre trêve. Je retournai avec mépris rejoindre mon château qui avait vraisemblablement subi des avaries. D’autres garnements, sans doute complices du premier, avaient souillé mon œuvre. Agenouillé, en pleurs je pestai contre tous les sales gosses des bacs à sable. De retour de sa baignade, ma femme me consola. Évidemment, j’avais évité les inutiles détails de la piètre œuvrette du gamin et de ma vaine et lâche tentative de démolition.

Comme ma femme me proposa de rentrer, j’insistai pour patienter jusqu’au départ du gamin concurrent et de son Goliath de père. Lorsque ceux-ci abandonnèrent enfin le terrain, je trouvai l’excuse de sillonner la plage pour me rapprocher de la cause de mon ressentiment. Au pied du châtelet de sable du sale vaurien, je regardai encore une fois l’éphémère avant de reculer de quelques pas pour m’élancer, puis je courus en donnant un grand coup de pied dans la construction maudite.


Ne tenant plus face à une soudaine douleur aux orteils, je m’évanouis. Plus tard je me réveillai à l’hôpital, on me plâtrait le pied. Ma femme expliquait à l’une des infirmières présentes qu’il m’arrivait parfois d’avoir d’étranges comportements et qu’elle ne comprenait pas pour quelle raison j’avais donné un violent coup de pied dans cet immense rocher recouvert de sable…



***

 

Michel Baudry est né en Vendée le 29 octobre 1966. Guitariste du groupe « Voleurs de Lunes », professeur de guitare en École de musique, il est auteur de quatre romans dont trois publiés aux éditions du Net (Tout peut arriver même les meilleures choses, 2013, Le code de Pandore, 2014, Cristal de sang, 2015), et le dernier à paraître prochainement.

Participation à divers salons littéraires : salon du livre de Grasla 2013, 2015, salon de Clisson 2014, 2015, Salon de Jard sur Mer 2016.

 


Michel Baudry

Recherche Eliette Vialle, septembre 2017

 

 

 

Créé le 1 mars 2002

A visionner avec Internet Explorer