Nouvelle rubrique : découverte…

Janvier-Février 2019

 

 

 

Eric COSTAN

 

 

présenté par Éliette Vialle

 

 

Eric Costan est né en 1969 en Auvergne. Il suivra ses parents dans de nombreuses régions. Après des études de lettres modernes, il renonce à l’écriture et travaille dans le végétal comme fleuriste, paysagiste puis commercial. Il enseigne maintenant dans le nord de la Bretagne.

Il participe peu aux revues, mais a été publié dans Lichen, et le sera dans deux prochaines éditions du Fol Asile.  La préface du recueil Le tombeau des collines d’Agnès Cognée lui fut confiée.

Un premier recueil, intitulé Lorsque la seule réponse est demain, contenant des textes choisis d’avant 2018, sera disponible en mars 2019 aux éditions de la Centaurée, accompagné des encres de l’éditrice, Valérie Guévart.

 

 

Son blog : http://ericcostan.over-blog.com/ réunit l’ensemble de son œuvre.

Les mots sont revenus il y a cinq ans uniquement sous forme poétique. Une façon de partager son point de vue ; dans un premier temps sur les rivières tant courues, puis sur les multiples petites choses qui échappent au langage ordinaire. Il se met à écrire, à distribuer ce qui l’émeut.

La découverte des poètes contemporains lui ouvre des chemins de pensée. Colette Daviles-Estines, Joëlle Pétillot et Sylvie Méheut lui donnent de la confiance par leurs écrits et leurs commentaires. D’autres suivront. Toutefois on ne peut noter dans son style aucune influence directe, ni même celles de classiques étudiés à l’université. Eric enregistre et redistribue sa vie, sa vue, à sa façon, à un rythme hebdomadaire voire quotidien. Tout est partagé sur son blog ou sur Facebook, car pour lui, la poésie mise en forme est faite pour être lue, à défaut d’être dite.

En janvier, le charme d’une première lecture publique en tant qu’invité à Grenoble, le confirme dans ses choix.

Ci-dessous un florilège choisi de ses poèmes.

Éliette Vialle

 

La brume

 

La brume étouffe le matin 

Je sais le marais là-bas

La roselière en son milieu

 

Mais les couleurs

 

Je cherche leurs sons

Au jaillissement du souvenir

Sous le vitrail des paupières

 

 

Claque au vent

 

La mort me recrache souvent

Et ce qui s'ouvre me laisse passer

Ce qui insuffle me soulève

Me sauve

Claque au vent

 

Je dors avec ce vécu

Je chemine un bras, une main

Du côté flou

Me tiens là

mi-visible, mi-réel

Frontière

 

Et je soupire un ennui chronique

A subir l'ordinaire 

L'incandescence tatouée

Au fond des yeux

 

 

Engoulevent

 

Ce qui accroche la montagne finira bleu

Il n'y a d'autre échappatoire

 

Le rêve

Insularise les courbes

Noie

Nuit après nuit

 

Je brise le torrent

Morphe le magma

Apostrophe le cryptique

 

Je m'outrepasse

Engoulevent

 

Au matin

Les voiles dessinent les diagonales d’une crique

 

 

Vénus

 

Puisque je n'existe plus

Je vais pousser les aiguilles du désir vers les lueurs de l'aube

Du crépuscule

L'inconstance de l'Etoile sera mon berger

Je volerai les bonheurs du bord des routes

Je ferai palpiter des noms comme on casse les silex

Avec des éclats de cœurs

Les mots d'amour frappaient ta bouche

Ils fondront dans des flaques

Ils briseront les reflets

M'empêcheront de crier le vif de l'écorchure

Je vais retrouver les ailes de la solitude

Puisque je ne suis plus

 

 

Solitude du royaume

 

J'avance en demi-mort

L'espace se ferme entre les nuages

Solitude du royaume

Mon cœur toujours chamade

Entre les totems dorés de sa bouche

 

J'ensommeille le chemin

Il reste des montagnes

Vite

Pose-moi dans l'esquif

Pousse-moi sur le grand lac

 

Vers le rêve infini

 

 

Ombre

 

Ombre

 

Tu me trouveras lucifuge

     désarmé

Vibrant au fond de toi

 

Eau de nos failles

Valve de ton cœur

Racine

 

Remonte-moi une nuit sans lune

Réveille-moi

     troisième corde d'une guitare

Bruissant de toi

 

 

Spasme

 

Nous sommes nés d'un pays de fruits

Sauvages

Et de l'orgueil d'un oxymore 

 

À nier l'espace entre le sombre et la lumière

À nier notre sort

 

Il m'est impossible de dire l'essentiel

 

 

Ulysse

Ta voix kaléidoscope

Ta belle voix de sirène

Ta langue tressée du nerf des noyés

Brûle ma peau

Suce mes pleurs

 

Mais le vert de l'iris te résiste

Et mon corps est un livre scarifié

Tu veux blesser aux cicatrices

Mais tu ne sais pas les dire

Tu ne sais pas me lire

 

Je suis le dit d'une vouivre

Et mon cerveau le long des saulaies

Coud l'œuvre des fleuves

Avant même mon passage

 

Prendre la caresse de tes mots

Courber l'onde de tes chants

Fuir cette folie

 

Reste Sirène

Au pays de tes merveilles

 

© Eric Costan

 

Eric Costan vu par son amie Sylvie Méheut

 

Je suis un souffle

Un poisson dans l’eau

Lumière d’été mot évadé

Ivre de sens

 

Vers où tend la poésie d’Eric Costan ? À quels voyages aux frontières de l’être et du temps sommes-nous conviés, chant après chant ?

Voici un poète hors-champ qui entre dans la lumière, Pierrot lunaire sous un soleil de plomb, Pierrot solaire sous une frondaison de brume.

 

La brume étouffe le matin

Je sais le marais là-bas

La roselière en son milieu

Mais les couleurs

Je cherche leurs sons

Au jaillissement du souvenir

Sous le vitrail des paupières

 

Cette poésie matricielle, rocailleuse, florifère, amoureuse offre espace et repli à qui s’y réfugie. Elle devient l’antre d’où tout jaillit, les couleurs, les sons, les tressaillements les plus intimes de l’être, les errances métaphysiques, le souffle arythmique des mémoires.

 

Tiens ta place dans le monde

Ne cherche rien

Soutiens le ciel

Espère

 

L’œuvre est originale, tantôt frôlant le récit poétique, empruntant alors l’itinéraire initiatique des grands espaces, tantôt s’emparant des fulgurances, celles qui repoussent le néant et accueillent les métamorphoses.

Cette poésie de couleurs et de cendre apparaît comme un défi perpétuel lancé au destin ; le monde mythique revisité y côtoie l’instant et sa force féconde, le tout dans une grande richesse lexicale.

 

Du guerrier j'ai gardé le matin

Deux traits sous chaque œil

 

L’énergie qui traverse chacun de ses poèmes rend l’écriture d’Eric Costan particulièrement vivante, vibrante, nourricière, ruisselante. Du soi à celui qui reçoit, s’écoule la sève d’un monde envoûtant.

Et l’on se surprend à attendre sans ciller le retour d’Ulysse sur quelque falaise familière…

 

J'affrète un bateau sans parangon ni proue ni nom

Il me faut remonter une source au fil des mots

Il y aura un piège à échos sorte de mémoire sélective

Et c'est tout car iI serait sérieux de l'armer de savoirs

 

Sylvie Méheut

 

 


Eric Costan,

recherche Éliette Vialle,

janvier-février 2019

 

 

 

Créé le 1 mars 2002

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