LECTURE  CHRONIQUE


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"Ma Frange, la voici" (Hay ak tawnza) poésie amazighe

par

Gertrude Millaire


couverture Coralie Delval
 

Ali Iken est un poète marocain bien connu à Francopolis, pour son implication dans la protection du patrimoine amazighe et ses nombreuses participations à la Revue, nous donnant à découvrir ce coin du monde. 

Il nous offre aujourd'hui son dernier recueil de poésie, intitulé « Ma Frange, la voici / Hay ak tawnza », 130 Izlis traduits en français, aux imprimeries Benlafqih Errachidia.  Ce sont des chants  glanés ici et là, sya d syin, surtout entre 1985 et 1987, auprès des femmes et des hommes de la vallée d'Ayt Aïssa.

Recueil présenté en trois parties :

- Le flanc des portes

– Jusqu'à la fin du monde

- Annexe : de l’oralité à l’écriture – introduction à la poésie Amazighe
  de Cécile Guivarch, suivi d’un entretien avec Ali Iken.

" Tant de gens, la vie leur a promis le lait
mais elle ne leur a donné que l’eau.
Et désirant le miel, ils n’ont bu que du cade,
de l’eau, ils se sont éloignés.  "

Nous lisons dans l’introduction quelques explications : Izli, au pluriel Izlans, est le haïku des berbères. Courts poèmes récités ou chantés avec ou sans musique et qui est très présent au quotidien : moissons-battage-cérémonie de mariage et plus.

Ali nous donne ce recueil pour nous « faire apprécier la verve d’une langue que les acolytes de la haine essaient de condamner à l’oubli. » Et comme dit le proverbe : les paroles s’envolent et les écrits restent.

À la lecture de ce recueil, je prends conscience du débat que se livre le Maroc pour sauvegarder sa langue et sa culture et j’y vois un certain parallèle entre le combat et de cette  société distincte » entre le Québec et le Canada.

Il y a dans ces izlans, une sagesse bien enracinée et une forte résilience de ce peuple qui mène son combat depuis tant d’années, un combat au quotidien, le combat du peuple. En publiant ces izlans de l’oralité, non pas des grands poètes mais du cœur même du peuple, Ali nous donne à mieux saisir l’âme vivante de son peuple et de ce fait à sauvegarder la tradition de l’oralité. Ce recueil est comme une invitation au voyage. Et comme le dit si bien Ali : « L’izli veut dire fluide… ce genre est très présent dans la vie quotidienne, chacun peut en créer à sa guise pour exprimer :
« - ses amours :

Tel le feu est l’amour
personne n’y résiste,
même les vieux et les malades
se plaisent à s’y brûler.

- ses attentes :

À ce qu’elle revienne au pieu
après s’en être libéré la patte,
n’est qu’une chimère
et peine perdue sera son attente.

 
- ses regrets :

Sur les chemins des tombes
m’envahit l’âme de mon aimé;
mes yeux s’embuèrent de larmes
Et les flots inondèrent ma face

- ses remords :

Ô sandale ingrate taraudant le pied,
envers lui sois clémente,
as-tu oublié son habilité du temps des étriers ?
Ô malheur !
Quelle maudite fin mes jours ont subi !

- ses exploits :

Je suis tel le faucon
de part en part les cieux je les perce
et ne me pose qu’aux inaccessibles coins.

- sa sagesse :

Que celui qui n’a pas la chance
de boire sa part de lait,
aille aux champs
se désaltérer du latex de la laitue.

- et ses joies :

Que le soleil chante son aurore
que les étoiles disparaissent
et que se lève le soleil
Mon aimé,
j’ai hâte de le voir de jour.»


Nous avons beaucoup à apprendre de ce peuple dans nos sociétés d’intellectuels qui veulent s’approprier la poésie, en piétinant la poésie de la rue.

Et je cite une fois de plus Ali, pour sa grande lucidité qui rejoint assez bien ma pensée et qui est belle matière à réflexion dans nos sociétés où le poète ne sait plus clamer sa poésie, il s’appuie sur la béquille de son recueil pour nous en faire la lecture. Il n’a même pas la mémoire de sa propre poésie :

« L’homme ne s’est jamais passé de poésie, c’est l’un des premiers moyens après ses doigts qui lui a permis d’apprivoiser la cruauté et la beauté du monde. L’écriture est une invention, la parole est une nature, l’absence de la plume aiguise le génie et la mémoire. »
 

Et Cécile Guivarch nous rappelle que :
« Si plusieurs peuples ont perdu leurs cultures, tels les inca et les aztèques, (ce n'est pas le cas des amazighs qui ont su résister et garder leur identité culturelle... une identité que les amazighs transpirent, mais chantent aussi) ", tiré de l’annexe  - de l’oralité à l’écriture – introduction à la poésie Amazighe.

Ali Iken : marocain amazighophone, enseignait au lycée Sijilmassa à Errachidia; chef-lieu de la région de Tafilalet... Né un certain 15 novembre de l'année "La vache Noire"! ;-) d'une famille de paysans, dans la commune de Tidjit  un village minier de la  province de Figuig..
Il aime la poésie et les poètes. Il a reçu le  premier prix Mouloud mammeri en 1995 avec une mention spécial décerné par "la fédération nationale des associations amazighes" à Tizi Ouzou  pour le roman "asekkif n y inzadn" "soupe de poils"  publié par l'institut royal de la culture amazigh (IRCAM).


 ***

Quelques liens sur Francopolis:

Sur Francopolis :
De l'oralité à l'écriture - Introduction à la poésie Amazigh
Introduction par Cécile Guivarch, suivi d'un entretien avec Ali Iken

Izlans de la résistance
À la découverte des izlans  par Ali Iken
Ali Iken dans notre librairie d’auteurs publiés sur Francopolis
Ali iken, membre de la Revue Francopolis
Présentation du recueil : Les Flocons de Ali Iken par Hha Oudadess (Rabat)


puis ailleurs :
Journal Maghress
Vidéo : Entrevue au sujet du recueil : Ma franche , la voici dans sa langue
Traduction par Ali Iken des "Derniers poèmes d'amour"
trouvés sur le site Paul Éluard d'Émilie Codaire
Journée mondiale de la poésie, mars 2010
Selon Ali Iken (Maroc), ''...la poésie amazighe demeure foncièrement orale, elle est ancrée dans la tradition.

Découvrir sa Poésie sur :
Terre-à-ciel
Écho parfumé
Salon de lecture Francopolis 2005 :
6 Poèmes germés au lait lunaire et 7 graines de haïkus cuites au soleil
Salon de lecture décembre 2009
Site Zigvalley :
- Pas de silence
- Ne reste rien
- Pas d’errance
Site expression free : Refus 2005




 
Ali Iken, Poésie
Francopolis juin 2011
par Gertrude Millaire


Créé le 1 mars 2002

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