GUEULE DE MOTS -ARCHIVES 2010-2011

   Jean-Pierre Lesieur - Serge Maisonnier - Juliette Clochelune... et plus

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GUEULE DE MOTS

Où les mots cessent de faire la tête et revêtent un visage...
Cette rubrique reprend vie en 2010 pour laisser LIBRE  PAROLE À UN AUTEUR...
libre de s'exprimer, de parler de lui, de son inspiration, de ses goûts littéraires, de son attachement à la poésie,
de sa façon d'écrire, d'aborder les maisons d'éditions, de dessiner son avenir, nous parler de sa vie parallèle
à l'écriture. etc.

Ce mois de décembre 2012,

  Libre parole à… Michel Ostertag

C'est avec grand plaisir que nous recevons ce mois-ci, Michel Ostertag, un passionné de poésie et de vie ! 
Généreux et fidèle à ses engagements, Michel participe fidèlement à la Revue Francopolis depuis 2007.
Sa poésie voyage sur plusieurs sites sur le web et quelques publications-papier :
- Loin des étoiles du silence
- Jalons
- Brisures.
Un poète d'une belle sensibilité et un ami à plusieurs facettes à découvrir. (Gertrude Millaire)

La poésie, un gène !

La poésie, c’est d’abord un gène reçu en héritage de mon père, un gène « non  génétiquement modifié » avant de devenir un virus aux effets secondaires parfois néfastes. En prime, du même géniteur, une hugolâtrie fortement prononcée. « Poésie, attention danger » dit le poète André Chenet. Il a bigrement raison. On peut parler ici de virus qui infiltre chaque cellule de votre chair, creuse des sillons dans les méandres du cerveau. À huit ans, j’ai commencé à rêver, aux mots, au choix et au rythme de ces mots, à leur musique. Fâcheuse habitude qui ne m’a jamais quittée. Ecrire des poèmes était pour moi une obligation vitale. Dix ans, douze ans… À quinze ans, ce fut l’explosion avec : Paroles de J. Prévert. Et là, la marmite a sauté ! Rué sur une rame de papier, deux cents pages de poèmes écrits à la main, je n’avais pas de machine à écrire et qu’en aurais-je fait, je n’aurais pas su m’en servir ! Envoyé aussitôt aux éditions Gallimard. Innocent que j’étais ! Trois mois après, retour du colis, avec une note toute préparée : « notre programme d’édition est saturé, nous ne pouvons pas… » Ce n’est pas cela qui a freiné mon élan poétique. Je n’ai pas vu cette réponse comme un échec (j’avais dix-sept ans) mais comme une mauvaise adéquation entre les possibilités des maisons d’édition et mon désir de me voir édité.

La poésie est un supplément de vie, mais pas la vie réelle.

L’âge étant venu, il a fallu étudier sérieusement, s‘orienter vers un métier. Ce fut un métier de dessinateur dans les bureaux d’études. La technique, aux antipodes des rêves poétiques ! C’était aussi l’époque de la jeunesse triomphante : Sagan, Gérard Philipe, les chanteurs, SLC, la société vouait un culte à la jeunesse ; on reparlait de Raymond Radiguet et son Diable au corps. Avec eux, c’était la précocité, mon âge était le leur et mon envie irrépressible de les imiter me motivait. Je voulais écrire, je n’avais pas vingt ans, comme eux, pourquoi aurais-je attendu davantage ?

Par les circonstances de la vie, mes études avaient pris un tour très particulier. La semaine en province et le samedi à l’école, à Paris. Ce qui me laissait libre d’organiser ma vie comme je le souhaitais. La semaine, les devoirs réalisés, je pouvais laisser libre cours à ma vie personnelle. À rêver, à écrire, à me conforter dans ma bulle d’adolescent. Avec des moments d’égarement, d’abandon de la ligne tracée par les parents, de trop croire en ses rêves cela conduit à des ennuis.

Le décès brutal de mon père me projeta sans ménagement dans la vie réelle.
Puis, la vie a passé. Je suis devenu un adulte et j’ai appris à avoir les pieds sur terre.
Les années soixante, c’était l’époque de la fin de la guerre d’Algérie, un poème que j’avais écrit a été publié dans la prestigieuse revue de La table ronde. Courte gloire, mais gloire tout de même. J’apprenais à jongler avec ces deux axes de ma vie : un métier pour vivre et le rêve pour réaliser ma vie.

Avec le recul, on constate que dans ces années-là, la misère de la poésie était totale : aucun débouché, nulle part. Seules demeuraient les grandes maisons d’édition dont certaines daignaient consacrer une toute petite partie de leur activité à la publication de la poésie. Mais seulement pour les grands noms de la poésie : Char, Bonnefoy, Eluard, Michaux, seuls ceux-là avaient droit de cité. Quant aux autres, les inconnus, ils étaient remisés au silence.

Après dix ans de pratique de la technique, je voulais changer de voie, apprendre autre chose,  m’exercer dans d’autres domaines. Je suis retourné à l’école, cette fois, au niveau supérieur. Le Conservatoire National des Arts et Métiers, le CNAM. Quatre années d’études intensives (tout en travaillant) Diplôme d’Etudes supérieur en économie. Alors, j’ai pu changer de voie, aller dans une activité qui me conviendrait mieux. Une importante multinationale américaine me proposa un poste d’études de marché dans l’électronique grand public : télévision, Hifi, audio : imaginer le futur, connaître et devancer les goûts des acheteurs, susciter de nouveaux débouchés industriels : autant de préoccupations qui me convenaient. Les nouvelles technologies faisaient florès. La venue du magnétoscope révolutionna notre façon de regarder la télévision et aussi de filmer. Passionné depuis toujours de cinéma, d’abord avec une caméra super 8, je passais à la caméra Vhs. Je réalisais avec un collègue de bureau un film de plus d’une demi-heure sur Paris (mon sujet de prédilection) dont le titre était Paris, passé, présent, futur. C’était un concours organisé par l’Hotel-de-Ville de Paris. Nous fûmes lauréats. En plus d’un chèque important, nous eûmes droit à une réception dans les salons d’honneur, discours du maire et cocktail mémorable.

Et aussi l’écriture de nouvelles, de romans, (le centenaire de la mort de Victor Hugo enflamma mon esprit), certains de ces textes furent publiés dans des revues, mais pas la gloire pour autant.

Vingt ans ont passé. Avec la crise économique dans les entreprises, la mise en chômage ne put être évitée. Quelques années avant la date habituelle de la retraite, je me retrouvais libre de ma vie. Libre d’écouter en moi cette frénésie de faire tout ce que je n’avais pu mener auparavant. Peinture et aussi reprise des études dans des disciplines  que je voulais à tout prix approfondir : sociologie par une maîtrise et surtout un DEA d’histoire des techniques préparé conjointement à la Sorbonne, EHESS et Cnam. Travail sur le « Tramway-funiculaire de Belleville » à la fin du XIXe siècle.  Sorte de cable-car à la française inspiré de celui de San-Franscisco. Succès total. On m’orienta vers un doctorat.

Je m’étais mis à la peinture. Je dévorais tout les livres parus sur les grands peintres contemporains. Je peignais avec force et volonté de réussir. Ma peinture fut appréciée et couronnée par une belle exposition au Ministère de l’Économie à Bercy. Je vendis même quelques toiles qui me payèrent toiles et tubes. J’étais immergé dans ce flot de couleurs. Les murs de mon appartement se couvraient de mes œuvres. Une autre expo suivit à la Mairie de Vincennes, puis d’autres encore. Je fis la connaissance d’autres peintres, sculpteurs, un autre monde étrange et particulier.

Ma vie se démultiplia le jour où j’achetais mon premier ordinateur, un Amstrad. Je pus enfin taper mes textes, les imprimer. Ma vie changeait.

Puis je découvris le Net avec toutes ses immenses possibilités. Le Club des poètes de J-P Rosnay accepta mes poèmes, les publia. Ensuite ce fut la découverte du site www.ecrits-vains.net La révélation. Une équipe invisible, certes, mais présente. Je m’y suis investi totalement : poèmes, récits, nouvelles, compte-rendu d’exposition, de livres sortis récemment.

Historien de Paris depuis mon adolescence, j’imaginais une série de balades parisiennes où un oncle et son neveu, de rue en rue, raconteraient l’histoire de Paris. Trente-deux balades furent publiées (qu’on peut toujours lire sur le site), ce qui m’offrit le plaisir de recevoir des mails du monde entier d’étrangers amoureux de la capitale qui m’écrivaient en me demandant des détails sur tel ou tel point de mon récit. Un Néo-Zélandais, professeur de français venant avec ses élèves à Paris, me demanda de venir les rejoindre pour une balade de mon choix avec eux tous. Ce fut la Sainte-Chapelle et la Conciergerie.

De mon côté, je fus lauréat du Centre Froissart avec un recueil Loin du silence des étoiles. Puis, aux Éditions Poiêtês de Laurent Fels, ce fut Jalons, suivi Brisures chez Michel Cosem.

Plus de dix ans, je fus actif au sein de ce site avec assiduité et bonheur. On en célébra les dix ans par une magnifique et imposante Anthologie (toujours présente sur le site, d’ailleurs)

Ensuite, une lassitude des dirigeants se fit jour :  le rythme était devenu difficile à garder, le site perdit de sa vivacité. Je n’avais plus l’accueil que j’avais connu jusqu’alors. À cette même époque, je découvrais le site francophile : www.francopolis.net dirigé magistralement par Gert Millaire de son Québec natal avec des membres actifs disséminés un peu partout dans le monde. Une belle équipe. Avec une publication mensuelle jamais démentie, ce qui est rare. Membre du Comité de lecture, je vois avec bonheur la belle santé de la poésie à travers une production importante d’ouvrages (souvent à compte d’éditeur) : des équipes éditoriales motivées chez un grand nombre de petites structures d’édition ; un Marché de la poésie, place Saint-Sulpice qui rassemble le monde de l’édition. Que du bonheur ! De plus, la poésie a porte ouverte en permanence au sein des Réseaux sociaux comme Facebook, devenu un support efficace pour la promotion et la vente d’ouvrages poétiques. Sortie d’un milieu restreint, il y a plusieurs décennies, voici la poésie qui a pris l’ampleur qu’elle mérite, qui s’entend se montre et c’est tant mieux. Des formes nouvelles d’expression se font jour, des noms sortent du lot, je pense à André Chenet, Eric Dubois, Laurence Bouvet : ils drainent des lecteurs assidus, ils vivifient cette terre fertile qu’est la poésie. Je suis heureux de voir tout cela et de  prendre ma place autour d’eux autant qu’il est possible.

 

Michel Ostertag


Ses publications
- Loin des étoiles du silence, aux Éditions Poiêtês
- Jalons,
aux Éditions Poiêtês
- Bisures, aux Éditions Encres Vives

Sa poésie sur Francopolis
- librairie Francopolis
- Billet d'humeur et Aphorismes
- Invité au Salon
- Thème Des Fêtes
- membre de l'équipe Fancopolis


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         pour Gueule de mots décembre 2012
  Michel Ostertag
 


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