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SALON DE LECTURE - SEPTEMBRE 2015

DENIS EMORINE
Extraits de Psaumes du mensonge,
poèmes à lire en attendant la guerre (inédit)


 Storehouse of Memories
                             Sur un tableau d’Eszter Batta




Je suis le gardien de la mémoire du monde. Elle survit tant bien que mal dans un vieil entrepôt ouvert aux quatre vents. Je marche de plus en plus difficilement à la rencontre du monde. Il m’est devenu impossible d’en faire le tour en un jour. C’est ma fonction pourtant. Je n’ai plus le cœur à l’ouvrage. Un jour, je serai renvoyé, je le sais. On prendra quelqu’un dans la force de l’âge.

Je suis le gardien de la mémoire du monde. Mon uniforme défraîchi est déchiré en plusieurs endroits. Les enfants me jettent des pierres en se moquant de moi. Comment leur en vouloir ? Jadis, leur insouciance était la mienne. Je ne reçois jamais de visites et c’est mieux ainsi. Qui se soucie de la mémoire du monde ? La douleur des hommes est éternelle. Parfois, je rêve à une retraite paisible dans une petite maison ouverte aux quatre vents. Assis toute la journée dans un vieux fauteuil rapiécé, j’attendrai la mort si elle ne m’a pas oublié.

***


Tu es resté un enfant abandonné de tous
Aux cheveux hirsutes
Et aux joues sales
Tu as toujours besoin d’une main douce
Qui caresse ton visage
D’une femme qui te prenne dans son parfum
D’un homme qui t’offre son épaule
Que te manque-t-il enfin ?
Sinon les voix qui ne prononcent plus ton nom
Et le soleil qui se déversait à pleins poumons 
Dans la glycine

***

Reste là
Ne t’approche pas
Ils ne reviendront plus
Ils n’ont jamais existé
Sauf dans la souffrance des hommes.
Quelque part
Tu entends la même musique
Depuis une éternité
Elle ne t’a pas quitté
C’est toi
Qui en as écrit la partition
Quelques notes fugaces
Déchire-la
Ou enterre-la
Dans la forêt de bouleaux
Il est encore temps
Après
Tu auras oublié

***

Déjà
Nous ne savons plus où poser nos pas
Les mots que nous avons prononcés
N’ont plus de sens
Nous regardons les ombres dissiper
Notre  chemin
La vie s’efface devant nous
Qui avons déjà disparu
Dans le regard des hommes.
Lourde est la nuit
Qui nous enserre
A  nos pieds
Les mots découverts
Que nous voudrions piétiner

Nous avons enterré le soleil
Au détour de l’enfance
Il y a si longtemps
Craignant
Que la haine
Survive à l’amour

***

Je ne connais rien d’autre que l’exil
La poésie en est un
J’aurais voulu prendre le bras d’une femme au hasard
Dans les pays traversés
Je lui adresserais la parole
Dans toutes les  langues du monde
Preferably in English
It’s easier to me
Just because this is my mother’s tongue
Nous marcherions plutôt en silence
Je la regarderais et l’admirerais de loin
Je la supplierais d’arrêter le temps
Avant de me jeter dans le fleuve
Et de couler à pic hors du monde
Une fois qu’elle serait partie.
Pourquoi suis-je resté un petit garçon orphelin,
Si près de la vieillesse que je sois ?
Qu’on me rende ceux que j’aimais!
Je cherche leurs visages dans les cimetières
De ma vie
Dans la foule grise des villes
En me débattant contre le temps

Я ищу их лица на кладбищах
Своей жизни,
В серой толпе городов,
В попытке победить время.

***

Bien connu des lecteurs de Francopolis (voir sa présentation sur notre site), Denis Emorine aime rappeler sa relation affective avec l’anglais parce que sa mère enseignait cette langue, sa lointaine ascendance russe du côté paternel, et sa fascination pour l’Europe de l’Est. Ses thèmes de prédilection sont la recherche de l’identité, le thème du double et la fuite du temps. Nous le remercions d’offrir à Francopolis ces poèmes inédits.



Salon de lecture 
Denis Émorine
recherche Dana Shishmanian
septembre 2015



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Créé le 1 mars 2002

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